Nicolas SarkozyDominique De Villepin

Publié le 2 janvier 2006 Lecture : 4 minutes.

Les chiffres font mal : selon une enquête Ifop réalisée les 8 et 9 décembre, seuls 1 % des Français souhaitent que Jacques Chirac soit le candidat de l’UMP à l’élection présidentielle de 2007. Depuis le non au référendum du 29 mai, puis son accident vasculaire cérébral, le chef de l’État français voit ses chances de rempiler fondre comme neige au soleil. La même enquête confirme la prééminence de ses dauphins : Nicolas Sarkozy obtient 36 % d’opinions favorables et Dominique de Villepin 19 %, loin devant Michèle Alliot-Marie (3 %).
2006 sera donc l’année des grandes manoeuvres en vue de la conquête de l’Élysée. Deux camps en ordre de bataille, deux conceptions opposées de la politique, deux personnalités aux antipodes l’une de l’autre… Et une armée de seconds couteaux prêts à intervenir dans le débat à grand renfort de coups bas, de petites phrases ravageuses et de tentatives de déstabilisation savamment orchestrées. Bref, la guerre de tranchées à laquelle se livrent jusqu’ici Villepin et Sarkozy devrait vite tourner à la guerre de mouvement. Sans doute après le probable départ du second du gouvernement. Deux coqs dans une même basse-cour : les plumes vont voler !
Sarkozy, 51 ans en janvier, est pour l’instant en position de force. Il prépare la présidentielle depuis longtemps et n’en a jamais fait mystère. Expert en communication et habile metteur en scène de ses apparitions publiques – voire de sa vie privée -, il a intelligemment convaincu l’opinion de sa stature d’homme d’État. Président de l’UMP, il bénéficie de la formidable puissance de feu du premier parti de France, dont la plupart des militants et des barons lui sont acquis. Et il s’est très bien sorti des quelques coups durs qu’il a eu à affronter : de sa très médiatique séparation d’avec son épouse à la récente crise des banlieues. Au cours des derniers mois, la plupart des observateurs ont cru voir dans ses « dérapages » à répétition (« racaille », « nettoyage au Kärcher ») et dans sa gestion musclée des émeutes les limites de la « méthode Sarko ». La tempête apaisée, il apparaît que ses écarts verbaux étaient partie intégrante d’une stratégie mûrement réfléchie. Fermeté du discours, omniprésence policière, état d’urgence : tout cela a contribué à rassurer une population traumatisée par les images de banlieues en feu diffusées en boucle à la télévision. Chaque jour d’émeute lui a rapporté de précieux points dans les sondages.
Sarkozy pèse avec soin chacune de ses interventions médiatiques. Il veut démontrer qu’il est un homme d’action en rupture avec une classe politique incapable de s’attaquer aux vrais problèmes des Français. « Il faut rompre avec les réformes bancales et les prudences hypocrites qui nous ont conduits dans cette impasse », répète-t-il.
Autre axe de sa stratégie : s’emparer de tous les sujets qui préoccupent les Français (sécurité, immigration, économie, fiscalité, religion) et proposer des solutions, fussent-elles « abracadabrantesques ». Il paraît ridicule de proposer de fondre les réserves d’or de la Banque de France pour résorber le déficit ? Qu’importe, puisque l’essentiel est de prouver que, dans un univers politique souvent perçu comme sclérosé, il tranche par ses idées novatrices…
Villepin, 52 ans, est, lui, un ovni politique, qui ne s’est jamais présenté à une élection – comme ses détracteurs le lui rappellent à tout propos – et ne doit son ascension qu’à son présidentiel mentor. C’est l’arme anti-Sarko de Chirac. S’il s’efforce de montrer avec application qu’il est, lui aussi, à l’écoute des Français, il a choisi un autre cheval de bataille : l’emploi. Et prouvé qu’il savait gérer les crises sociales (conflit de la SNCM à Marseille, banlieues). Son style n’a rien à voir avec celui de Sarkozy. Grand, mince, le teint hâlé et la mise soignée, Villepin a de l’allure et en joue volontiers. La photo déjà célèbre où on le voit croiser Sarkozy au cours d’un jogging matinal n’a pas dû réjouir son rival : entre le « grand beau gosse » et le « petit grassouillet », le contraste est saisissant.
Mais le Premier ministre cumule les handicaps. Soutenu par le dernier carré des chiraquiens, il apparaît trop étroitement associé au chef de l’État, au moment où celui-ci dégringole dans les sondages. Il va lui falloir trouver rapidement le moyen de s’en dissocier en douceur. Et puis, comment mener campagne sans le soutien de l’UMP ? Autrement dit : sans militants, sans financements et sans réseaux ? Inimaginable. D’autant qu’il n’est pas en odeur de sainteté chez les parlementaires, qu’il exècre, paraît-il… Il lui faudra obtenir des résultats spectaculaires dans la lutte contre le chômage, par exemple, pour conserver un mince espoir de coiffer Sarkozy dans la course à la présidence. Ou attendre que ce dernier commette un éventuel impair…
Reste que la droite française prend un gros risque en faisant étalage de ses divisions. L’aveuglement autodestructeur de ses barons lui a souvent joué des tours dans le passé. Elle devrait ne pas l’oublier.

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