Mehdi Mlika, le « grand jardinier de Tunisie »

Depuis bientôt vingt ans, cet homme est la cheville ouvrière de tous les programmes de protection et d’aménagement du cadre de vie dans son pays.

Publié le 2 janvier 2006 Lecture : 4 minutes.

Tunis n’a jamais paru aussi coquet. Depuis le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), qui s’est tenu du 16 au 18 novembre 2005, fleurs, plantes ornementales et palmiers ont transformé la ville et sa banlieue – et pas seulement les abords de l’aéroport de Tunis-Carthage et ceux du PalExpo, au Kram, où s’est déroulée la conférence. Des zones hôtelières dans les stations balnéaires aux grands axes routiers en passant par les sites touristiques et les principales entrées de la capitale et de Hammamet, le spectacle de la transformation s’impose.
L’homme qui se cache derrière cette décoration typiquement méditerranéenne est Mehdi Mlika, ministre conseiller auprès du Premier ministre et président du Programme national de la propreté et de l’esthétique de l’environnement, qui a mis à profit le SMSI pour faire avancer ses projets. « Dans l’ensemble, l’opération a accru les espaces verts de 60 hectares. Leur superficie est passée de 14 m2 à 14,5 m2 par habitant », déclare Mlika. « À cette occasion, nous avons créé dans le Grand Tunis une cinquantaine d’espaces verts, ajoute-t-il. Nous y avons planté environ 70 000 arbres, 1 500 grands palmiers et 60 000 plantes d’ornement. »
Le prix moyen pour chaque palmier est de 150 dinars (90 euros) tout compris, précise Mehdi Mlika. Il est bien inférieur aux 1 000 dinars que l’on paye habituellement au détail chez les arboristes. Le budget total de l’opération, précise-t-il, est de 4 millions de dinars, dont la moitié est prise en charge par l’État et l’autre sous forme de participation des entreprises publiques et parfois privées dans le cadre de l’amélioration de leurs environnements respectifs.
SMSI ou non, ces dépenses étaient prévues. « Le SMSI a été un catalyseur pour la mise en oeuvre du programme national visant à transformer une trentaine de cités tunisiennes en villes-jardins, précise Mlika. Celui-ci a été lancé en juillet dernier dans le cadre du programme présidentiel « Tunisie-Qualité de vie. »
Encore faudrait-il que les arbres plantés ne dépérissent pas, comme c’est souvent le cas, au bout de quelques semaines. « Non, assure le ministre conseiller, nous avons un programme d’entretien pour une année. Par la suite, ce soin sera confié à de petites entreprises sous contrat avec les collectivités locales. Ainsi, le prix payé pour les palmiers comprend non seulement la fourniture et la pose, mais aussi l’entretien et la maintenance par le fournisseur durant douze mois. Si un palmier dépérit pendant cette période, ce dernier est tenu de le remplacer gratuitement. »
Ingénieur, docteur en génie de l’environnement, Mehdi Mlika (55 ans) a été le premier ministre de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire en Tunisie entre 1992 et 1999. En fait, son parcours est intimement associé à la naissance et à l’évolution de la politique de l’environnement dans le pays. Il était en stage dans un institut des technologies de l’eau en Allemagne en 1981 lorsque l’idée lui est venue d’adapter à la Tunisie un système de digesteur des restes des pommes de terre. « Si on le fait pour les « patates », pourquoi pas pour les restes des olives ? » s’est-il demandé.
De retour d’un congé à Tunis, Mlika ramène avec lui en Allemagne un bidon de margines, déchets solides et liquides nés de la trituration de l’olive pour la production d’huile. Il fait des tests avec le digesteur de pommes de terre. Les résultats sont concluants : avec la fermentation, le liquide noir des margines, très polluant à l’état brut, est séparé et transformé en trois matières réutilisables : de l’eau, qui peut servir à l’irrigation ; de la levure, pour la production d’aliment pour bétail ; et un compost qui, retraité, sert comme engrais.
C’est en effet une révolution : comme le dit un professeur allemand au stagiaire tunisien, des déchets on peut tirer de l’or et, au lieu de dépolluer, on valorise. Ce professeur est tellement emballé qu’il aide Mlika à obtenir un financement pour acquérir un équipement de recherche et l’installer à Tunis. Mais le procédé, en dehors de son adaptation aux établissements Slama (savonnerie et huile végétale), n’a pas encore été industrialisé en Tunisie, malgré l’intérêt qu’il a suscité dans l’Union européenne où, avec la Tunisie, l’Espagne, la Grèce et l’Italie sont les grands producteurs mondiaux d’huile d’olive.
Mlika ne s’arrête pas là. Il adapte les technologies de l’environnement à la lutte contre la désertification, au nettoyage des plages dans un pays où le tourisme balnéaire est l’une des principales sources de recettes en devises, ainsi qu’à l’assainissement. Ministre de l’Environnement, il veille à l’élaboration de la première étude stratégique sur l’aménagement du territoire, de la première stratégie de développement durable et du premier programme d’assainissement des eaux usées. Il est l’initiateur des programmes « Main bleue » pour la protection du milieu hydrique et du littoral, « Main jaune » pour la lutte contre l’érosion et la désertification, et « Main verte » pour la protection des ressources naturelles, de la biodiversité et des parcs naturels. Il est aussi le fondateur du Centre international des technologies de l’environnement qui couvre les pays méditerranéens ainsi que les pays arabes et africains.
Fort de l’appui personnel du président Zine el-Abidine Ben Ali depuis 1987, Mlika a mis en oeuvre les différents programmes gouvernementaux en matière d’environnement. « Du droit à la propriété, nous sommes passés au droit à un environnement sain, puis au droit au développement durable, et actuellement au droit à la qualité de la vie », résume Mlika. Dégagé aujourd’hui des lourdeurs bureaucratiques, et parallèlement à ses fonctions officielles, il est aussi le président de l’Association du réseau méditerranéen pour le développement durable, qui regroupe des associations intéressées à l’environnement. « Nous exigeons désormais qu’elles soient associées à tous les projets d’aménagement, et une municipalité qui n’a pas au moins une association ne pourra pas être éligible à nos subventions pour devenir une cité-jardin », précise l’homme, qui mérite bien le titre de « grand jardinier de Tunisie ».

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