[Tribune] Ivoiriens, gare à l’euphorie financière !
La Côte d’Ivoire peut se féliciter de la bonne opération réalisée en mars dernier sur les marchés internationaux. Mais, dans un contexte de période préélectorale, les responsables doivent résister à la tentation de céder à une dépense publique incontrôlée.
Côte d’Ivoire : la dernière ligne droite
Alors que l’exécutif est confronté à des choix décisifs pour mener à bien, à moins de deux ans de la présidentielle, les derniers grands chantiers de la décennie Ouattara, les positions des uns et des autres sont en train de se clarifier au sein des principales familles politiques.
Le 15 mars dernier, la Côte d’Ivoire réalisait un exploit en levant 1,7 milliard d’euros sur les marchés internationaux à des taux très compétitifs, compris entre 5,25 % et 6,625 % pour les deux tranches de cet emprunt, dont l’une pour une maturité record de trente ans. Plébiscitée par les investisseurs institutionnels, l’émission a permis de placer le risque souverain ivoirien au premier rang parmi les économies d’Afrique subsaharienne et en pole position par rapport aux marchés émergents.
La Côte d’Ivoire battait du même coup trois records : celui de la plus importante opération financière menée par un État africain depuis le début du siècle, celui du taux de sortie le plus bas jamais réalisé pour une maturité aussi longue (à en faire pâlir ses voisins sénégalais et ghanéens, dont les titres souverains émis sur la même période et pour la même maturité avaient attiré des taux en dollars de respectivement 6,75 % et 8,625 %) et, enfin, une sursouscription de plus de quatre fois supérieure à l’offre proposée, inédite pour l’émission internationale d’un titre d’État africain.
Comment les investisseurs internationaux pourraient-ils résister à de tels arguments ?
Le succès de cette opération témoigne de la forte attractivité du risque souverain de l’État ivoirien comparativement à celui de ses homologues africains. Ce qui contribue naturellement à renforcer l’image de destination économique privilégiée et de terre promise pour les investisseurs dont jouit le pays.
Identifier les facteurs de l’engouement
La Côte d’Ivoire vit l’un des cycles économiques les plus forts de son histoire, avec un taux de croissance moyen de 7,5 % sur les trois dernières années (à comparer avec une moyenne continentale de 2,6 %) et d’environ 7 % attendus en 2019 et en 2020. Comment les investisseurs internationaux pourraient-ils résister à de tels arguments ? En plus de sa forte croissance économique, le pays dispose de facteurs endogènes de compétitivité incontestables : faible inflation, infrastructures portées par une politique volontariste, situation de locomotive et de porte d’entrée d’un espace économique et monétaire harmonisé, offrant des perspectives de régionalisation attractives…
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Pourtant, il est crucial de se rendre compte que l’engouement qu’a suscité le pays auprès de ces investisseurs était aussi, et même surtout, lié à des facteurs exogènes. La Côte d’Ivoire a en effet bénéficié du retournement conjoncturel sans précédent, lié à la chute des cours des matières premières, de la plupart des grandes économies du continent.
Le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Angola, le Mozambique, le Ghana, entre autres, ont connu des perturbations majeures, entraînant une inflation et une dépréciation monétaires records, une appréhension des investisseurs, des crises de liquidités provoquées par des rapatriements de devises et accentuant les déséquilibres macroéconomiques.
Penser une stratégie continentale
Certains d’entre eux, dont le Ghana, commencent à sortir de l’ornière et entament un nouveau cycle haussier. L’un des enjeux majeurs de la Côte d’Ivoire pour maintenir sa compétitivité et son attractivité est désormais de penser sa stratégie à l’échelle des 54 pays du continent et non plus à celle des seuls pays de l’Afrique francophone.
La Côte d’Ivoire doit dépasser sa success-story de ces dernières années pour faire le pari d’une croissance pérenne
Or, à mesure que l’horizon s’éclaircit pour les grands acteurs économiques du continent, le tableau s’assombrit pour la Côte d’Ivoire : risque politique, difficultés à réduire la dépendance du PIB aux matières premières agricoles, clivages sociaux persistants en raison d’une croissance de moins en moins inclusive et distributive, pression fiscale croissante sur le secteur privé limitant les capacités d’investissement…
Afin de jouer véritablement son rôle de locomotive de la sous-région, la Côte d’Ivoire doit dépasser sa success-story de ces dernières années pour faire le pari d’une croissance pérenne et s’instituer véritablement en modèle de réussite économique à l’échelle du continent. Et c’est à cela que devraient être employées les capacités budgétaires levées sur les marchés internationaux. Or l’histoire récente de certains des pays de notre continent montre que, dans un contexte de période préélectorale, la tentation d’une dépense publique incontrôlée peut être grande.
Les défis sont majeurs pour un pays qui verra sa population doubler d’ici à 2050 et dont, pourtant, les choix économiques semblent parfois s’inscrire sur le court terme. Le temps n’est plus à l’autosatisfaction d’un statut qui, par essence, est éphémère, mais à la planification d’un succès économique que la future génération recevra en héritage – et se devra de perpétuer.
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Côte d’Ivoire : la dernière ligne droite
Alors que l’exécutif est confronté à des choix décisifs pour mener à bien, à moins de deux ans de la présidentielle, les derniers grands chantiers de la décennie Ouattara, les positions des uns et des autres sont en train de se clarifier au sein des principales familles politiques.
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