L’âne de Noël ? C’était nous !

Publié le 2 janvier 2006 Lecture : 2 minutes.

Mon collègue Rachid N. m’apprend, une tasse de café à la main, que le Maroc est engagé dans une gigantesque opération de réhabilitation. Chacun veut être réhabilité. Les marchands de beignets, les producteurs de fèves, les cornacs de chameau sur la plage, tout le monde relève la tête fièrement. Il n’y a pas de sot métier, disent-ils. Rapporter 1 000 dollars à son pays en exportant du ghassoul (une sorte d’argile qui sert de shampooing), ce n’est pas moins noble que lui faire gagner $ 1 000 en vendant des puces électroniques. Foi de marchand de ghassoul.
C’est émouvant, un pays qui se démocratise. La parole se libère. On dit tout et n’importe quoi.
De mon temps (comme c’est loin, tout ça…), il fallait être au moins médecin ou ingénieur pour avoir le droit d’être fier. Aujourd’hui, les habitants de Missour, dans l’Atlas, brandissent avec orgueil le slogan de leur ville : capitale mondiale de l’âne. C’est très sérieux. Rachid m’apprend que les escargots aussi rapportent de l’argent à l’Empire chérifien. Les héliciculteurs (vous l’attendiez, celle-là) sont fiers d’être devenus, tout doucement, une source majeure de devises.
J’ai l’air de me moquer, comme ça, mais pas du tout. En tant qu’économiste, je sais qu’un sou est un sou. Au XIXe siècle, le Pérou vivait en exportant un seul produit : le guano, c’est-à-dire de la fiente d’oiseau qui donnait un excellent engrais. L’Eldorado, c’était, sauf votre respect, de la crotte. Et alors ? L’argent n’a pas d’odeur.

Pour en revenir à Missour, la réhabilitation de l’homme et celle de l’âne vont de pair. Equus asinus asinus était la bête la plus sous-estimée au monde. Patient, fidèle, inoffensif, l’âne est passé pendant des siècles pour une brute têtue. Son nom était synonyme d’injure. Aujourd’hui, le Maroc l’exporte vers la France et l’Espagne, qui le reçoivent à bras ouverts. Ces discrets immigrés sont les bienvenus. Et comme ils rapportent de l’argent au pays d’origine, tout le monde est content. Hourra pour le baudet !
Puisqu’on vient de fêter Noël, il ne faut pas oublier non plus que l’ancêtre des bourricots eut l’insigne privilège de poser son doux regard sur l’Enfant Jésus. Les habitants de Missour affirment avec aplomb que c’est eux qui ont vendu l’âne de la crèche aux Rois Mages, il y a deux mille ans. Mais là, ils exagèrent peut-être…
Bonnes fêtes !

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires