Les enchères montent

Région dont le sous-sol est encore largement inexploré, le continent est l’objet de toutes les convoitises.

Publié le 3 janvier 2006 Lecture : 4 minutes.

« Nous avons une grande confiance dans la capacité de croissance de l’Afrique. Nous y avons investi 12 milliards de dollars au cours des cinq dernières années, et nous projetons de maintenir ce rythme au moins jusqu’à la fin de la décennie… » Le discours de Neil Duffin, vice-président d’ExxonMobil, n’a pas laissé indifférents les principaux ministres des Mines et des Hydrocarbures du continent réunis à Washington début décembre dernier, lors du Forum pétrolier et gazier africain parrainé par le département américain de l’Énergie et le Corporate Council on Africa (CCA). ExxonMobil produit déjà plus de 700 000 barils de pétrole par jour (b/j) dans des champs situés en Angola, au Cameroun, au Tchad, en Guinée équatoriale et au Nigeria. Il est devancé par Chevron, autre groupe américain, qui extrait 513 000 b/j du sous-sol en Angola et 375 000 b/j au Nigeria – et prévoit d’investir 15 milliards de dollars en Afrique sur les cinq prochaines années – et par le français Total, qui produit quelque 814 000 barils africains chaque jour, dont 271 000 au Nigeria.
L’Afrique reste la dernière contrée du monde dont les ressources énergétiques sont encore largement inexplorées. Les majors occidentales sont entrées dans une compétition farouche pour exploiter les 100 milliards de barils de réserves prouvées du continent. Un brut africain qui bénéficie de nombreux atouts : sa qualité, la situation géographique des sites d’extraction et, surtout, la politique menée par la plupart des États, qui s’ouvrent aux investissements étrangers et favorisent le partage de la manne pétrolière. À l’affût derrière le trio de tête se trouvent les américaines Anadarko et Amerada Hess, la britannique British Petroleum (BP), l’italiennne ENI, et l’espagnole Repsol. En plein essor, le continent fournit actuellement plus de 13 % des besoins mondiaux de brut, avec 9,3 millions de b/j (voir le détail pp. 84-85). Au Nord, l’Algérie et la Libye sont les principales zones de croissance et connaissent des destins similaires. Dans chacun de ces deux pays, les extractions approchent les 2 millions de barils quotidiens. Elles devraient passer à 2,4 millions en Algérie et 2,5 millions en Libye à l’horizon 2 020.
Des progrès encore plus spectaculaires sont attendus dans le golfe de Guinée qui est aujourd’hui, avec la mer Caspienne, en Asie, au centre de la nouvelle géopolitique pétrolière et de la stratégie de développement des groupes pétroliers. En Afrique de l’Ouest, Shell, Total et Chevron réalisent respectivement 15 %, 30 % et 35 % de leurs activités d’exploration et de production. À côté des poids lourds que sont le Nigeria (2,5 millions de b/j) et l’Angola (1 million de b/j), le Congo, la Guinée équatoriale et le Gabon offrent des productions significatives (entre 230 000 et 350 000 b/j). Et de nouveaux pays producteurs, comme le Tchad, la Mauritanie ou encore São Tomé e Príncipe, émergent à leur tour. Le Mali, le Sénégal, le Maroc et le Niger pourraient suivre la même voie. « L’Afrique fournira 25 % du pétrole américain d’ici à 2 020 au lieu de 12 % actuellement », annonce Stephen Hayes, président du CCA, association de 150 sociétés américaines implantées en Afrique. De l’avis de nombreux experts, le continent est loin d’avoir révélé tout son potentiel. Les grandes compagnies et les aventuriers explorateurs comme l’Australien Max de Vietri, le découvreur du pétrole mauritanien, ne cessent de mettre au jour de nouveaux gisements. « En regard du cours du baril, les coûts de production africains sont très bas. Ils devraient continuer à baisser grâce aux avancées technologiques », précise le responsable d’un grand groupe. Selon les prévisions de l’International Energy Outlook, la production africaine devrait atteindre 14,1 millions de barils par jour en 2020, couvrant près de 12 % des besoins mondiaux.
De nombreuses sociétés des pays du Sud se positionnent aujourd’hui sur ce marché prometteur en relançant l’activité sur des champs délaissés par les grandes ou en s’attaquant à des zones vierges. Quatre sociétés indiennes (Marvis PTE LTD, Oil India Limited, India Oil Corporation Ltd et Oil Natural Gas Corporation Ltd) ont signé en novembre un contrat d’exploration et de partage de production avec le gouvernement gabonais sur le champ Shakthi, situé entre Lambaréné et Ndjolé au centre du pays. Mais les plus actifs depuis deux ans sont les groupes chinois Sinopec et China National Petroleum Corporation (CNPC). Soutenus par les autorités de Pékin et leur « diplomatie du chéquier », ils ont acquis des concessions au Gabon et en Guinée équatoriale. Au Soudan, la CNPC a pris la place qu’occupaient les pétroliers européens et américains dans les années 1980. La production journalière de ce pays, dont les réserves pourraient s’élever à plusieurs milliards de barils, devrait atteindre 750 000 b/j fin 2006 et plus de 1 million l’année suivante. La puissante CNPC y développe un important champ à Muglad, qui produit plus de 500 000 barils par jour, et construit une raffinerie capable de traiter 2,5 millions de tonnes par an. La Chine a prévu d’investir 8 milliards de dollars dans l’exploration des sous-sols soudanais d’ici à 2007. L’Inde est invitée à en faire autant. Quant à la Malaisie, sa société Petronas devrait assurer la construction d’une raffinerie à Port-Soudan. En 2004, Petronas a réalisé le quart de son chiffre d’affaires sur le continent. Si le brésilien Petrobras est actuellement surtout présent en Amérique latine, il flaire lui aussi les bons coups dans la cour africaine. Qui se révèle suffisamment accueillante pour qu’aux côtés des multinationales, qui s’intéressent avant tout aux gros gisements, de nouveaux venus s’y fassent une place. C’est le cas du suisse Addax and Oryx, des sud-africains Rockover et Mvelaphanda ainsi que du français Maurel et Prom. Le créneau est d’autant plus rentable que les prix de l’or noir sont élevés. Ce n’est pas Maurel et Prom qui dira le contraire. Grâce à ses investissements au Congo, son chiffre d’affaires s’est littéralement envolé de 212 % pour le premier semestre 2005 !

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