Start-up de la semaine : avec Janngo, Fatoumata Bâ veut désenclaver l’Afrique

Après des années chez Jumia, l’entrepreneuse sénégalaise de 30 ans vient de créer Janngo, un start-up studio pour faciliter, via la tech, le quotidien des PME et des consommateurs africains. Au mois de mai, l’entreprise a obtenu une levée de fonds d’1 million d’euros, ce qui lui a permis de créer sa toute première plateforme.

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Publié le 20 décembre 2018 Lecture : 4 minutes.

Fatoumata Bâ a toujours eu un temps d’avance. À 9 ans, elle hackait l’ordinateur de son père, à 11 ans elle créait sa propre adresse mail et à 16 ans, son tout premier site internet. La technophile va si vite qu’elle est difficile à attraper. Pour convaincre ses nouveaux partenaires, promouvoir et développer Janngo, sa nouvelle start-up, l’e-commerçante sénégalaise de 30 ans vit constamment entre deux avions avec Paris et Abidjan comme points d’ancrage. « Je viens d’une ethnie de nomade, je suis Peule. Digital nomade, c’est une version un peu plus moderne du nomadisme », s’amuse-t-elle.

Et c’est peu dire que cette figure de la tech africaine est une nomade. Après un bac au Togo, une école de commerce et deux années chez Orange à Toulouse, la Sénégalaise de naissance a fondé la filiale de Jumia en Côte d’Ivoire avant de prendre les rennes de la première licorne africaine à Lagos au Nigeria. Mais Fatoumata Bâ a déjà laissé « son bébé Jumia » de côté, pour se consacrer « à 100 % » à Janngo, qu’elle qualifie de « premier social start-up studio » du continent. « Choisir, c’est renoncer », assure-t-elle.

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>>> À LIRE : Sacha Poignonnec (Jumia) : « En Afrique, les besoins des clients sont très spécifiques »

Concept hybride

Janngo signifie « Demain » en Peul. « Je vis toujours avec un sentiment d’urgence. L’Afrique ne représente aujourd’hui que 3 % du marché international. Or, demain, dans trente ans, nous serons 2 milliards d’Africains« , déplore-t-elle. Ces réalités l’ont donc encouragée à « incarner cette révolution pragmatique », plutôt que « d’enchaîner les conférences » ou de rester à son poste de directrice générale d’une entreprise en pleine croissance. « Grâce à la technologie, on peut répondre à des solutions concrètes comme l’accès au marché pour des PME, l’accès aux produits essentiels pour les consommateurs africains, le tout en créant des emplois directs et indirects. Avec Janngo, on veut faciliter tout cela, grâce à la tech », propose celle qui veut aider en priorité les jeunes et les femmes – au début du mois de décembre, l’entreprise a signé un accord-cadre en ce sens avec l’Agence Côte d’Ivoire PME, créée en juillet 2018.

L’entreprise ne se veut « ni un accélérateur, ni un incubateur », mais « une start-up qui en lance d’autres ». « Avec mon équipe – on est moins d’une quinzaine pour l’instant – on veut créer des futurs champions dès l’étape zéro ». Janngo est un concept hybride puisque l’entreprise veut accompagner mais aussi créer de son côté. Son modèle économique repose, comme pour une marketplace traditionnelle, sur une commission réalisée à chaque demande d’expédition en ligne.

Début décembre, Janngo a lancé sa toute première plateforme digitale en Côte d’Ivoire nommée Jexport. Son principe : permettre aux acteurs économiques locaux d’exporter au meilleur prix dans le monde entier et aux transporteurs de massifier les volumes, de réduire leurs coûts et d’optimiser leur capacité de transport. « Quand on sait que près de 50 % des fruits et légumes arrivent à moitié ou complètement pourris au port, c’est qu’il y a un souci », constate-t-elle.

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La Sillicon Valley, tout sauf un modèle

Consultante junior en France dès ses 24 ans, Fatoumata Bâ peut maintenant comparer l’impact du digital sur les populations. « En France, quand je conseillais les grosses entreprises, il y avait déjà une manière de faire, la technologie permettait simplement de faire plus vite les choses. En Afrique, la tech change tout. Ces acteurs-là ne pourraient pas exporter leurs produits sans. »

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Et le concept de l’entrepreneuse à succès a fait mouche. En mai,  Fatoumata Bâ a réussi une levée de fonds d’amorçage d’un million d’euros auprès du pôle innovation métiers de la famille Mulliez, propriétaire des hypermarchés Auchan, de la banque d’affaires européenne Clipperton, et de Soeximex, leader de l’import-export en Afrique de l’Ouest.

Après sept mois seulement, Janngo semble sur de bons rails. Et Fatoumata Bâ – qui reste très discrète sur le chiffre d’affaires de son entreprise – imagine déjà ses futurs succès. « Dans six mois, j’espère que j’aurai lancé une deuxième plateforme, créé des centaines d’emplois directs, des milliers d’emplois indirects, que Jexport aura franchi un cap dans un autre pays, que j’aurai commencé à financer d’autres acteurs, que des développeurs africains issus des écoles africaines travailleront pour nous… », avance-t-elle.

« What’s next ? », comme aime le dire cette accro aux anglicismes. « J’ai vécu au Nigeria, ce sont les mots qui me viennent, des mots naturels du monde des start-ups, s’amuse-t-elle. Mais pour elle, hors de question d’ériger la Sillicon Valley en modèle. « C’est le cœur de la tech mondiale où la seule motivation, c’est d’être une licorne. Nous c’est pas grave si on n’en a pas beaucoup. Quelques licornes et plus d’antilopes ou de gazelles, c’est très bien aussi ! »

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