Avec Global Witness, les miniers sont sous surveillance

Depuis Londres, l’ONG fondée en 1993 traque la corruption et met au jour les liens entre filières extractives et conflits meurtriers. La RD Congo est l’un de ses principaux terrains d’enquête.

Les "diamants de sang" figurent parmi ses cibles privilégiées. cGoran_Tomasevic/Reuters

Les "diamants de sang" figurent parmi ses cibles privilégiées. cGoran_Tomasevic/Reuters

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 17 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Issu du dossier

RSE : de bonnes volontés à ordonner

Sommaire

Installé au huitième étage d’un immeuble proche de la station de métro Aldgate, à Londres, l’open space de Global Witness fourmille d’activité. L’endroit ressemble à s’y méprendre à la rédaction d’un grand journal, et pour cause : l’équipe de l’ONG, qui traque sans relâche les abus des multinationales extractives et des corrompus de tout poil, compte dans ses rangs plusieurs anciens journalistes, comme Daniel Balint-Kurti, chargé de la RD Congo, qui a notamment travaillé en Afrique de l’Ouest pour différents journaux dont le Times britannique et le sud-africain Mail & Guardian.

Lire aussi :

la suite après cette publicité

Le Royaume-Uni impose à l’industrie extractive de divulguer ses paiements 

Dossier mines : Les miniers sont-ils de si mauvais voisins ?


Pétrole : Dan Gertler décroche le gros lot en RD Congo


Industries extractives : la RD Congo intègre le cercle des pays certifiés ITIE

Il est loin le temps des pionniers, Charmian Gooch (l’actuelle directrice générale), Patrick Alley et Simon Taylor, trois ex-employés de l’Agence d’investigation environnementale (EIA) qui, avec l’aide financière de quelques proches et leurs appartements pour seuls locaux, ont créé Global Witness en 1993. Leur idée d’alors : montrer par des enquêtes approfondies le lien entre l’exploitation des ressources naturelles, la corruption et les conflits.

Aujourd’hui, leur ONG est une machine bien huilée, dont le budget a dépassé 7 millions d’euros en 2013. Outre des anciens journalistes, l’équipe compte aussi des avocats et d’ex-salariés du secteur extractif. Au total, 84 employés travaillent au siège de Londres, tandis qu’une dizaine de collaborateurs sont basés au bureau de Washington, qui a ouvert en 2004.

JA2800p111infoDérives

la suite après cette publicité

Fidèle à sa mission originelle, Global Witness figure plus que jamais parmi les observateurs les plus avertis du secteur extractif. Mais l’ONG a élargi son champ de recherche en se penchant sur les dérives du système financier qui rendent la corruption possible. Elle s’intéresse également aux conséquences environnementales des activités des multinationales pétrolières, minières et forestières, et enquête sur les filières extractives artisanales criminelles, qui alimentent potentats locaux et groupes privés et fragilisent les États.

Si le premier rapport de l’organisation décryptait le financement des Khmers rouges, au Cambodge, par le commerce illégal de bois, Global Witness s’est vite intéressé à l’Afrique. En 1998, l’ONG s’est fait un nom avec une enquête sur les « diamants de sang » en Angola, mettant au jour le système de rémunération des chefs de guerre via les multinationales. Une dénonciation médiatisée qui débouchera sur le processus de Kimberley pour la certification et la traçabilité des pierres.

la suite après cette publicité

Global Witness a ensuite poursuivi son travail au Zimbabwe, en Guinée équatoriale, au Liberia, traquant les contrats opaques et les financements illicites. Mais, depuis deux ans, c’est surtout en RD Congo que l’ONG fait parler d’elle. Elle a notamment mis en lumière les activités de Dan Gertler, homme d’affaires proche du président Joseph Kabila qui a obtenu des licences minières à prix cassés avant de les revendre à des multinationales et d’encaisser une plus-value estimée à 970 millions d’euros.

Lobbying

L’organisation est aussi à l’oeuvre en Occident, poussant à l’adoption de réglementations nationales et internationales. L’ONG a été l’un des promoteurs de l’Initiative pour la transparence des industries extractives, lancée en 2002, qui incite les États à publier les revenus tirés des activités minières et pétrolières. Par la suite, elle a fait du lobbying à Washington en faveur de la loi Dodd-Frank, adoptée en 2010, qui oblige les compagnies immatriculées aux États-Unis à prouver qu’elles ne financent pas des mouvements armés.

Si les multinationales extractives, qui ont parfois le culte du secret, apprécient rarement que Global Witness mette son nez dans leurs affaires, plusieurs d’entre elles reconnaissent qu’elle a participé à un assainissement du secteur, contribuant à mettre à l’écart de l’industrie des acteurs peu scrupuleux.

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image

Dans le même dossier