Ben Barka vivant
Voici le leader de l’opposition disparu en 1965 tel qu’il fut. On est bien loin de l’imaged’Épinal véhiculée par le film de Serge Le Péron.
On parle beaucoup, ces derniers temps, de l’affaire Ben Barka. Différents facteurs se sont conjugués pour susciter ce regain d’intérêt. Il y a le quarantième anniversaire de l’enlèvement du leader de la gauche marocaine, survenu à Paris, le 29 octobre 1965, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Plusieurs manifestations ont été organisées, dont un colloque. Une place proche du lieu du rapt porte désormais son nom. Et l’instruction judiciaire devrait reprendre avec la désignation d’un huitième juge d’instruction. Mais c’est surtout la sortie d’un film, simultanément en France et au Maroc, qui a braqué à nouveau les lumières sur ce crime politique où sont impliqués plusieurs États, à commencer par le Maroc et la France, et qui est loin d’avoir livré tous ses secrets.
On ne sait toujours pas avec certitude dans quelles conditions est mort l’opposant, s’il s’agit d’un accident ou d’un assassinat, et ce qu’il est advenu de sa dépouille. D’autre part, il est certain que la responsabilité marocaine ne fait pas de doute, mais on ignore à quel niveau elle est engagée : le général Mohamed Oufkir et le colonel Ahmed Dlimi, respectivement ministre de l’Intérieur et patron de la Sécurité, ont organisé le rapt. Mais Hassan II ? L’a-t-il vraiment ordonné, ou a-t-il été mis devant le fait accompli ? Et qu’en est-il de la complicité française ? Du haut de son autorité, le général de Gaulle l’avait réduite à un « niveau vulgaire et subalterne ». Ce qui n’est nullement corroboré par un examen rigoureux des faits. Et les autres ? On sait aujourd’hui que les Israéliens ont été mêlés à l’affaire de façon bizarre (voir J.A.I. n° 2338). Mais qu’en est-il de la CIA et des Américains, intéressés alors au premier chef par Mehdi Ben Barka, l’inspirateur et l’organisateur de la Conférence tricontinentale qui devait se tenir à La Havane ? L’éventuel et probable rôle des États-Unis mérite d’autant l’attention que, contrairement aux autres – France, Maroc, voire Israël -, ils ont su se montrer totalement discrets.
Intitulé J’ai vu tuer Ben Barka, le film de Serge Le Péron, après L’Attentat, d’Yves Boisset (1972), est la seconde oeuvre inspirée par l’affaire. Bénéficiant du concours de deux scénaristes, dont l’un, Saïd Smihi, est un ancien militant d’Ila al-Amam, le groupe maoïste dirigé par Abraham Serfaty dans les années 1970, il se veut à la fois une fiction et un documentaire, afin de réunir les libertés de l’une et les exigences de l’autre. Ceux qui ont connu l’affaire, qui a défrayé la chronique pendant des années, peuvent en suivre les méandres et retrouver l’atmosphère de l’époque, minutieusement reconstituée. Les autres, ceux qui n’étaient pas nés, ont l’occasion, à travers le film, de la découvrir. Il n’est pas certain que leur compréhension de l’affaire en soit facilitée. Ils risquent même d’avoir de ce crime d’États – au pluriel, puisque plusieurs États sont impliqués à des degrés divers – une représentation erronée, privilégiant les clichés commodes aux dépens des complexités de la réalité historique.
Serge Le Péron, le réalisateur, a choisi de raconter l’affaire Ben Barka à travers Georges Figon. Personnage interlope, voyou issu de la bourgeoisie, fricotant avec des intellectuels de Saint-Germain-des-Prés et des barbouzes du milieu, aventurier décavé en quête d’un bon coup pour se renflouer, il est l’homme idoine de toutes les manipulations, celles qu’il initie en connaissance de cause, celles qu’il subit à son corps défendant, ou encore celles qu’il véhicule en toute innocence. On comprend qu’un tel individu retienne l’intérêt d’un cinéaste. Raconter l’affaire Ben Barka du point de vue de Figon est une idée séduisante. L’ennui, c’est que l’angle Figon est un angle mort, il tue la perspective. Résultat, le film devient l’affaire Figon (voir J.A.I. n° 2340), qui n’a que des rapports lointains avec l’affaire Ben Barka.
D’abord, l’intrigue : Mehdi Ben Barka, qui se sait menacé et se méfie, est piégé par son « amour du cinéma ». C’est un projet de film sur le Tiers Monde, auquel il participe à titre de conseiller politique, qui l’a conduit à Paris. C’est beau, c’est romantique, flatteur pour les amoureux de cinéma. Mais c’est faux. Le film, qui devait s’appeler Basta ! est né dans la tête de Ben Barka, et non pas dans les esprits subtils – et de surcroît cinéphiles ! – des services marocains. L’opposant cherchait un réalisateur pour « son » film, qui devait être projeté en marge de la Tricontinentale. Il en a parlé avec le journaliste Philippe Bernier, qui devait lui présenter (par l’intermédiaire de Figon) le cinéaste Georges Franju. Le piège commence avec Figon – et probablement Bernier, qui n’était pas seulement journaliste -, et consiste à fixer Ben Barka dans un lieu déterminé pour le faire disparaître. On sait que ce sont deux policiers français qui l’ont invité à monter dans une voiture où l’attendait, entre autres, Antoine Lopez, honorable correspondant du Sdece (espionnage français).
Pourquoi Ben Barka a-t-il suivi les policiers ? Comment cet homme vigilant, expérimenté et se sachant menacé, peut-il monter dans une voiture avec des inconnus ? C’est la question cruciale, le mystère central de l’affaire. Elle n’a jamais reçu de réponse et n’est pas effleurée dans le film. On peut néanmoins avancer des hypothèses s’appuyant sur une certaine connaissance de la victime et sur des informations plus ou moins inédites. Le mystère s’évanouit si l’on suppose qu’il avait un autre rendez-vous ailleurs, un rendez-vous politique sans doute secret et dont l’heure n’avait pas encore été fixée, ou a été avancée. Et c’est cela que les fonctionnaires seraient venus lui dire. Il a suffi que les deux policiers lui disent « monsieur X vous attend » pour le mettre en totale confiance.
Cette hypothèse, qui a l’avantage d’expliquer le comportement de Ben Barka, n’est pas une construction de l’esprit, car on peut mettre plus d’un nom derrière « M. X ». Le premier est Ahmed Balafrej. Leader historique de l’Istiqlal, avec Allal el-Fassi, président du Conseil après l’indépendance et, à l’époque, représentant personnel de Hassan II, il était parfaitement plausible qu’il eût été dépêché auprès de Ben Barka par le roi.
Rappelons le contexte politique au Maroc. Depuis le « complot de juillet 1963 », auquel une fraction de l’Union nationale des forces populaires (UNFP), le parti de Ben Barka, avait été mêlée, c’était la rupture avec le Palais. Plusieurs dirigeants avaient été condamnés à mort en mars 1964, avec à leur tête Fqih Basri, l’âme du complot, Ben Barka, etc. Ce dernier a déjà écopé d’une première peine capitale lorsqu’il a soutenu l’Algérie contre son pays dans la « guerre des Frontières » (octobre 1963). Mais, après les émeutes de mars 1965 à Casablanca, durement réprimées, Hassan II tend la main à la gauche. Il libère les dirigeants condamnés, reçoit une délégation dirigée par Abderrahim Bouabid et lui offre le gouvernement. Parallèlement, il souhaite le retour de Ben Barka afin de l’associer à la réconciliation. À cet effet, deux envoyés du roi le rencontrent : Moulay Ali, le cousin de Hassan II et ambassadeur à Paris, et Mohamed Larbi Alami, ambassadeur au Caire. Ben Barka se montre tout aussi conciliant que le roi. Alors que Bouabid pose des conditions (révision de la Constitution), il propose une collaboration immédiate, en rééditant le gouvernement Abdellah Ibrahim : « Faisons avec lui [Hassan II], ce que nous avons fait avec son père. »
Rien d’étonnant, dans ces conditions, qu’un troisième émissaire, en l’occurrence Balafrej, rencontre Ben Barka. Jean Lacouture, dont chacun reconnaît la rigueur, donne tout son crédit à cette hypothèse en la reprenant dans sa monumentale biographie de Charles de Gaulle.
Il y a un second « M. X » : le général de Gaulle lui-même. Voici les faits, qui sont autant de révélations. Le 28 octobre 1965, la veille de son rendez-vous fatidique à Paris, Ben Barka se trouvait au Caire chez son ami Lakhdar Brahimi, l’ambassadeur d’Algérie. Lakhdar ne comprenait pas pourquoi Ben Barka se rendait à Paris puisqu’il lui avait dit que la France n’était pas sûre et que les services marocains et français n’avaient rien à se refuser. La rencontre avec les cinéastes ne convainc pas l’ambassadeur, qui insiste : « Tu peux les voir à Genève ou ailleurs. Pourquoi Paris ? » Ben Barka apaise l’inquiétude de son ami : « J’ai un autre rendez-vous. Avec de Gaulle. »
On comprend mieux, dès lors, ce qui s’est passé et comment a fonctionné le piège dans lequel est tombé Ben Barka. Le rendez-vous politique avec Balafrej ou de Gaulle ou, pourquoi pas, les deux, a été dérouté vers un rendez-vous fatal, dans la villa de George Boucheseiche, avec Oufkir et Dlimi. Il suffisait que les auteurs de la machination soient informés du « rendez-vous politique ». S’il s’agissait de Balafrej, les Marocains étaient naturellement bien placés, et dans le cas du général, les Français. Curieusement, l’enquête policière en France, comme l’instruction judiciaire, n’a pas cherché à élucider ces aspects, pourtant essentiels, de l’affaire. Raison d’État oblige : en poussant l’enquête, on risquait de s’aventurer dans des contrées obscures de la République qui n’étaient « ni vulgaires ni subalternes ».
Ces considérations, qui s’efforcent de répondre à la question cruciale – pourquoi Ben Barka a-t-il suivi les policiers ? – et qui sont au coeur de l’intrigue et de l’affaire, sont superbement ignorées dans le film. Parti pris de simplification dans le souci de toucher un large public, ou plus vraisemblablement méconnaissance des réalités à la fois marocaines et françaises ? On a préféré, en tout cas, privilégier des clichés commodes, réduisant l’affaire à une lointaine et magistrale manipulation de la CIA qui ne correspond point aux faits… Ces défaillances criantes du scénario, si elles ne se justifient guère, sont, tout compte fait, compréhensibles. En revanche, on ne comprend pas du tout le casting. Autant on a soigné et réussi les seconds rôles – Figon, Bernier, Duras -, autant on a bâclé Ben Barka. Le talent de Simon Abkarian n’est pas en cause, mais sa haute taille exclut toute ressemblance avec l’homme qu’il est censé incarner et fausse totalement le jeu. Cela ne colle pas. C’est comme si le rôle de Napoléon était confié à Gérard Depardieu ou celui de De Gaulle à Christian Clavier.
Au-delà du casting, le personnage de Ben Barka a été escamoté, tout au long du film. Un vrai massacre. Ben Barka en chair et en os était sympathique, attachant, passionnant. Ignorant l’esprit de sérieux et la rigidité, il était complexe, contradictoire. Ce séducteur-né était un homme de pouvoir jusqu’au bout des ongles. Ce dialecticien qui aimait convaincre savait trancher, quitte à être tyrannique. C’est son extraordinaire dynamisme, son activité vibrionnante, sa capacité d’adaptation, qui en faisaient tout à la fois le charme et l’efficacité.
Alger, mars 1964. Réunion de l’Organisation de solidarité afro-asiatique, qui doit s’élargir à l’Amérique latine pour devenir la Tricontinentale. Réception à l’ambassade de Cuba. Ben Barka, arrivé avant tout le monde, fonce vers le staff des secrétaires égyptiennes. Pour chacune, il a un cadeau. Il raconte les dernières noukat (blagues) avec les mots, l’accent et les rires des faubourgs du Caire. Pas étonnant que son discours ait été distribué avant tous les autres. Lorsque arrive Che Guevara, il se précipite et c’est un autre homme. La conversation se déroule en français, que le géant barbu parle convenablement, mais Ben Barka tient à placer les mots d’espagnol qu’il vient d’apprendre. Dès que le président Ahmed Ben Bella apparaît, Ben Barka est à ses côtés. Nouvelle métamorphose. Toujours attentif, sur le qui-vive, charmeur, il truffe ses propos d’expressions typiquement algériennes. Bien entendu, la conversation n’avait rien de mondain. Les secrétaires, le Che ou le président, il avait avec chacun un discours adapté, avec un objectif précis.
Ben Barka avait les défauts de ses qualités. L’agilité d’esprit, la célérité tournaient chez lui à la légèreté, à la précipitation. Ses décisions inconsidérées l’avaient placé plus d’une fois dans des situations inconfortables et ne le mettaient pas à l’abri de l’opportunisme. Dès le lendemain du putsch du 19 juin 1965 à Alger, il envoie une lettre de soutien à Boumedienne, oubliant qu’il était très proche de Ben Bella, qui en avait fait son conseiller. Son initiative avait provoqué l’indignation du parti au Maroc. Quelques semaines après, Bouabid rencontre Ben Barka (ce sera la dernière fois) à Francfort et le chapitre (« Tu aurais dû au moins respecter le délai de viduité ! »), allant jusqu’à le « boxer ».
Tel était Mehdi Ben Barka. On est loin de l’image d’Épinal véhiculée par le film, ce Ben Barka abstrait, lointain, guindé, transparent… Sur le plan politique, le vrai Ben Barka n’est pas moins intéressant, et il vaut mieux le connaître si l’on veut avoir quelque chance, s’agissant de l’affaire qui porte son nom, de s’en faire une juste idée et, surtout, de ne pas succomber aux interprétations partielles et piégées.
Avec son sens de la formule, c’est Jean Lacouture qui a le mieux défini l’opposant marocain : « Ben Barka, c’est Lénine plus Edgar Faure. » L’homme de pouvoir, tout tendu vers son objectif, l’implacable révolutionnaire se doublait, en effet, d’un politique astucieux, ingénieux, inventif, toujours à l’affût du compromis. Après les événements de mars 1965, on l’a vu, c’est Edgar Faure qui prenait le dessus, et il ne rejetait pas la collaboration offerte par Hassan II. Deux ans plus tôt, c’était Lénine qui était à l’oeuvre, et il ne répugnait pas à prendre le pouvoir par la violence. Rappelons, ici encore, le contexte politique. Depuis l’avènement de Hassan II (3 mars 1961), l’UNFP, écartée du gouvernement, réclame la convocation d’une constituante. Ce sera une Constitution « octroyée », adoptée par référendum malgré le boycottage de la gauche. Suivent les premières élections législatives en mai 1963. Coup de théâtre : la gauche participe. Excellent score dans les villes : trois sièges sur quatre à Rabat. Mais on ne croit pas à la stratégie électorale : « Il faut faire autre chose. » Fqih Mohamed Basri, ancien chef de la résistance, s’en charge. La conjoncture est on ne peut plus favorable. Partout, les amis de l’UNFP sont au pouvoir : Ben Bella est président à Alger, le Baas coup sur coup l’a emporté à Bagdad (février 1963) et à Damas (mars 1963). Le Fqih ranime ses réseaux, prend langue avec de jeunes officiers. Il se procure les plans du Palais afin d’accéder aux appartements du roi. Objectif : assassiner Hassan II dans son lit. En fait, le complot est éventé, et Oufkir déclenche préventivement une vaste campagne de répression. Revenons à Ben Barka. Exclu par le Fqih de ses projets, il n’allait pas être en reste. Et avait diligenté son propre complot – également découvert. Ben Barka quitte in extremis le territoire.
L’UNFP plaide non coupable, dénonçant le « complot du régime contre la démocratie ». C’était de bonne guerre. L’attitude de la police lui avait facilité la tâche. Comme la conspiration était encore à l’état de projet, les « brigades spéciales » avaient torturé à tour de bras et fabriqué au besoin les preuves. Tout cela a été mis en évidence au cours du procès. Le talent d’Abderrahim Bouabid, qui assurait la défense, a fait le reste. Si bien qu’on a retenu partout que le « complot de juillet 1963 » était une machination d’Oufkir contre la gauche démocratique.
C’était plus compliqué, on vient de le voir. L’UNFP ne se convertira définitivement au légalisme qu’en 1975 en devenant l’Union socialiste des forces populaires (USFP). Ce n’était pas le cas dix ans plus tôt, en 1965, lors de l’affaire Ben Barka. Cette précision est essentielle si l’on veut regarder ce drame sous son vrai jour.
L’affaire Ben Barka est un épisode, un moment de la lutte pour le pouvoir au Maroc. Une lutte complexe, tout en subtilités, mais également, de part et d’autre, violente. L’homme qui a été enlevé à Paris n’était pas un opposant pacifique. C’était un combattant et un prétendant. Il combattait pour des idées progressistes – les idées de l’époque : un mélange de nassérisme, de baasisme, de tiers-mondisme, de maoïsme… – qu’il voulait acclimater au Maroc. Il prétendait au pouvoir, de préférence suprême, qu’il voulait conquérir par tous les moyens. Ceux de la démocratie et les autres.
Avec la Tricontinentale, l’opposant marocain prenait une stature internationale. La conférence de La Havane, qui devait rassembler toutes les forces anti-impérialistes, était son idée à lui, et il se destinait à en être la cheville ouvrière. S’installant à La Havane, autant dire aux portes de l’ennemi, elle devait déplaire souverainement aux États-Unis. Que ces derniers aient considéré Ben Barka comme l’homme à abattre est plausible. Ont-ils organisé sa disparition ? Rien ne permet de l’affirmer.
En revanche, les preuves accumulées accusent directement les dirigeants marocains qui, au demeurant, avaient de forts mobiles pour éliminer Ben Barka. On peut tout au plus avancer une hypothèse : les services marocains, qui ont monté l’enlèvement avec la complicité active des Français, y ont peut-être associé la CIA. Comme ils ont fait avec le Mossad, en sachant que les Américains étaient directement concernés pour cause de Tricontinentale.
L’imbroglio consubstantiel à l’affaire Ben Barka s’ajoutant à la complexité peu commune de la victime découragent la prise en compte de toutes les données avérées, a fortiori la recherche de la vérité, plus que jamais indispensable. On se contente de versions simplifiées, consommables et surtout politiquement correctes. « Le tyran Hassan II s’est débarrassé du démocrate Ben Barka » fait l’affaire. L’ennui, c’est que toutes ces versions tournent court. Il arrive même que « la vérité sur l’affaire Ben Barka » publiée à grand tapage soit abandonnée par ses auteurs eux-mêmes. Il serait d’ailleurs très instructif de reprendre tout ce qui a été écrit depuis quarante ans et de comparer les vérités multiples, contradictoires et finalement absurdes. On serait alors mieux disposé à admettre les banales vérités d’évidence, fussent-elles dérangeantes. Et d’abord celle-ci : l’affaire Ben Barka implique plusieurs États aux intérêts à la fois communs et différents. À ce jour, tous n’ont pas divulgué leur part de vérité. Ni le Maroc, bien sûr, ni la France. Malgré les levées – partielles ou totales – du secret défense, on n’a jamais élucidé, par exemple, le « suicide de Figon ». Et quid des États-Unis, qui, à tout le moins, comme les Israéliens, ne pouvaient pas ne pas être informés ? Sans les réponses à ces questions et à tant d’autres, l’affaire Ben Barka conservera ses mystères et zones d’ombre, et l’on continuera à se contenter de vérités tronquées.
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