Ali Khamenei Mahmoud Ahmadinejad

Publié le 2 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

L’un est un ayatollah, une grande figure de la Révolution islamique. L’autre un simple ingénieur, novice en politique de surcroît. Une génération les sépare, mais ils se complètent bien plus qu’ils ne s’opposent. C’est si vrai que le second passe pour la « créature » du premier. Ali Khamenei et Mahmoud Ahmadinejad sont les champions du camp conservateur, qui contrôle désormais – situation inédite depuis la mort de l’imam Khomeiny – tous les leviers du pouvoir en Iran.
Khamenei (66 ans) est le Guide de la République islamique. Un gardien du dogme doublé d’un « martyr » : en 1981, il a miraculeusement échappé à une tentative d’assassinat perpétrée par les Moudjahidine du peuple.
Au mois de juin dernier, Ahmadinejad (49 ans) a été élu à la présidence de la République avec 62 % des suffrages, devançant contre toute attente Hachémi Rafsandjani, le candidat du clergé. Avant son accession à la mairie de Téhéran, deux ans auparavant, il était un quasi-inconnu. On va vite apprendre à le connaître. Pour laïc qu’il soit, c’est un faucon patenté. Un vrai « fils du peuple », honnête mais populiste et brutal. Les droits de l’homme, avoue-t-il, lui « donnent la nausée ». « La République est plus islamique que jamais, mais on ne peut plus parler de l’Iran des mollahs », estime le géographe et politologue Bernard Hourcade.
Le nouveau président est en effet un pur produit de la Révolution. Membre du groupe radical des « Étudiants de la ligne de l’imam », il aurait été impliqué, en 1979, dans la prise d’otages à l’ambassade américaine de Téhéran, avant de faire carrière dans l’appareil sécuritaire. Pour contrer les ambitions présidentielles de Rafsandjani, partisan de l’apaisement avec les États-Unis, Khamenei a habilement manoeuvré pour faciliter l’ascension d’Ahmadinejad. Ce dernier, qui, comme son mentor, éprouve une haine viscérale pour Israël, multiplie les provocations, appelant à rayer l’État hébreu de la carte et à « réinstaller les Juifs en Allemagne et en Autriche ». Simples dérapages verbaux ou symptômes d’une radicalisation d’un régime engagé dans un périlleux bras de fer avec la communauté internationale au sujet de son programme nucléaire ?
Sans doute les deux à la fois, même si la surenchère verbale d’Ahmadinejad s’explique d’abord par des considérations de politique intérieure. En réaffirmant son hostilité à Israël – l’un des dogmes fondateurs de la Révolution -, il signifie à la société que la parenthèse réformatrice-libérale est désormais close. Pourtant, ses déclarations comportent à l’évidence une part de calcul : il espère que les virulentes réactions qu’elles n’ont pas manqué de susciter dans les capitales étrangères exalteront le sentiment patriotique iranien et mobiliseront davantage la population derrière le régime. Reste que cette stratégie de la tension n’est pas sans risques. Elle conforte en effet tous ceux qui, à Washington et à Tel-Aviv, rêvent d’en découdre avec la République islamique, cet « État-voyou ». Mais Khamenei et Ahmadinejad font le pari que l’Amérique, durablement enlisée en Irak, n’est pas en mesure de passer à l’acte.
Tous les experts en sont d’accord : l’Iran ne disposera pas de l’arme nucléaire avant cinq voire dix ans. Ses « sites sensibles » – une quinzaine recensés – sont disséminés dans tout le pays et profondément enfouis dans le sol, ce qui les met à l’abri de frappes aériennes. Dans ces conditions, les conservateurs ne sont disposés à aucune concession concernant la poursuite de leur programme d’enrichissement de l’uranium, officiellement à des fins civiles.
Jusqu’à présent, un éventuel embargo sur les ventes de pétrole s’est révélé impraticable. En sera-t-il de même en 2006 ? La question vaut d’être posée. Alors que les Américains avaient provisoirement renoncé à exiger que le cas iranien soit soumis au Conseil de sécurité des Nations unies, pour laisser une chance à la médiation de la troïka européenne (France, Allemagne, Royaume-Uni), les provocations de Téhéran risquent de tout remettre en question. Et d’enclencher un engrenage d’ultimatums et de sanctions qui pourrait se révéler fatal. Saddam Hussein en sait quelque chose…

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