Wana affiche ses ambitions face à Maroc Télécom

Empêtré dans des difficultés techniques depuis janvier, le troisième opérateur marocain revient en force. Et compte bien gagner des parts de marché.

Publié le 27 novembre 2007 Lecture : 5 minutes.

Impossible de la rater : la dernière publicité de Wana occupe toutes les grandes artères des villes du Maroc. Une myriade de photographies d’anonymes dessine le portrait d’une femme : « Nous sommes un million à avoir fait le choix de la maîtrise. » En moins d’un an, le troisième opérateur marocain aurait donc dépassé le million d’abonnés pour son offre Bayn Une gageure quand on sait qu’il s’agit d’un produit hybride : le « fixe à mobilité restreinte ». En résumé, un téléphone mobile capable d’émettre et de recevoir des appels dans un rayon de 35 kilomètres. Dernier arrivé, Wana ne manque pas d’ambition : devenir le premier opérateur global après Maroc Télécom. Adossé au tout-puissant holding royal, l’ONA, Wana a bien l’intention d’aller chatouiller l’opérateur historique sur tous les segments de marché : le fixe, le mobile et l’accès à Internet. Une nouveauté au Maroc, où l’autre opérateur privé, Méditel, filiale de l’espagnol Telefónica et de Portugal Telecom, exerce principalement son activité dans le téléphone mobile.
Du côté de Maroc Télécom, filiale du français Vivendi à 53 %, pas question de reconnaître une quelconque perte de monopole sur le marché du fixe aux particuliers. « L’offre de Wana s’apparente plus au mobile », maintient Larbi Guedira, directeur général du pôle services de Maroc Télécom. Le groupe a plaidé auprès de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) pour que les clients de Bayn ne soient pas comptabilisés dans les chiffres du fixe. En vain. L’office de régulation était bien trop content de pouvoir redonner du souffle à la téléphonie fixe, dont les chiffres ne cessaient de baisser.
Pour vendre aux Marocains ce téléphone fonctionnant uniquement dans la ville où il a été activé, Wana a misé sur le concept de la « téléboutique de poche ». Car la plupart des possesseurs de mobile préfèrent passer leurs appels des téléboutiques, où les communications leur reviennent moins cher. En valeur, les téléboutiques représentent 75 % du marché du fixe. « Nos tarifs adoptent le même principe, précise Réda el-Mejjad, vice-président de Wana en charge du marché grand public. Au dirham près, sans engagement, et il est possible de plafonner les appels. » Avec ce principe, ajouté à une offre de lancement très offensive – les communications de Bayn à Bayn étaient gratuites jusqu’au 31 juillet -, les clients se sont précipités. Début février, trois jours après son lancement, l’opérateur comptait plus de 100 000 clients. Mais, très vite, le succès a dépassé les capacités techniques du réseau. Les communications ont atteint une moyenne record de 200 à 300 minutes par mois et par client. « Il fallait s’y prendre deux à trois fois pour passer un appel », se souvient Anouar, qui a été l’un des premiers clients de Bayn.

Après le fixe, le GSM
Ces complications ont également eu un impact sur la première offre Internet de l’opérateur, qui utilisait les mêmes ressources techniques. En conséquence, les débits observés étaient très en deçà de ceux annoncés, et il était souvent impossible de se connecter. Un sérieux ratage « L’engouement a dépassé ce que l’on pouvait imaginer, et la montée en charge a été difficile, explique Réda el-Mejjad. Mais nous avons vite revu nos capacités à la hausse. » De nouveaux investissements dans les infrastructures, une limitation des ventes sur l’Internet et la fin des promotions ont permis de résoudre en partie les problèmes. « Les clients sont restés fidèles, maintient Réda el-Mejjad. Pour Bayn, le nombre de clients perdus ne devrait pas excéder 120 000 d’ici à la fin de l’année. » Et pour l’Internet ? Il serait trop tôt pour le dire
Wana affûte à présent ses armes pour 2008. Au programme, le lancement de l’accès Internet à haut débit et, surtout, du téléphone mobile, le marché le plus important en valeur dans un pays où les deux premiers, Maroc Télécom et Méditel, sont puissamment installés. « Wana a opté pour une stratégie originale, explique Mohamed Drissi Bakhkhat, professeur d’économie à l’université de Tanger. Son réseau de téléphonie mobile est déjà installé dans les grandes agglomérations. Grâce à la mobilité restreinte, il a pu le rentabiliser un an à l’avance. Le cahier des charges pour un opérateur mobile ne l’aurait pas permis. »

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Le très haut débit en vue
La véritable concurrence sur le marché des particuliers devrait donc commencer l’an prochain. Pour le moment, Wana n’a pas vraiment bouleversé l’ordre établi : le nombre de clients mobiles de Maroc Télécom et de Méditel a augmenté de près de 3,2 millions sur les trois premiers trimestres de 2007. Quant aux tarifs, ils n’ont presque pas évolué C’est d’ailleurs sur ce point que le petit nouveau est attendu. Pour faire son trou sur le GSM, il devra mener une politique de tarifs offensive.
Wana a aussi l’air bien décidé à bousculer le marché des entreprises. À la faveur d’un partenariat avec l’Office national d’électricité (ONE), il dispose d’un réseau de 4 500 kilomètres de câbles à fibres optiques. Il a déployé ses propres infrastructures à Casablanca et à Rabat. D’autres grandes villes devraient suivre. « Nous couvrons aujourd’hui 80 % de la population entreprise, lance Mounir Qalam, vice-président en charge du pôle entreprises. Entre la fibre optique et la boucle locale radio, nous possédons aujourd’hui des réseaux techniques capables de fournir du très haut débit. » Dans ce domaine, Wana ne part pas de rien. Le groupe est né en 1999 sous le nom de Maroc Connect, d’abord filiale de France Télécom rachetée par l’ONA en 2005. « Du temps de France Télécom, nous avions déjà un positionnement fort sur le marché des entreprises, se souvient Karim Zaz, président de Wana. Nous avons conservé un portefeuille de 3 500 clients. Dont beaucoup de grands comptes. » À quoi s’est ajouté, cette année, un important marché : Wana a été choisi comme l’opérateur de Casanearshore, parc d’affaires dédié aux activités de délocalisation. « Nous allons proposer des forfaits avec des prix très agressifs, explique Karim Zaz. Mais surtout un vrai label qualité. »
De quoi chatouiller Maroc Télécom sur le juteux marché des entreprises ? « Nous ne comprenons pas pourquoi notre offre n’a pas été retenue », s’étonne Larbi Guedira, avant de nuancer : « Wana va équiper Casanearshore, mais cela ne veut pas dire que tous les clients installés devront utiliser les services de Wana. Nous avons de grandes multinationales qui sont déjà clientes chez nous et qui le resteront. » Et de rappeler également la mise en place, par l’opérateur historique, d’un câble sous-marin entre la France et le Maroc destiné aux entreprises souhaitant délocaliser une partie de leurs activités au Maroc. Le combat pour la première place ne fait peut-être que commencer

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