« Une démocratie en trompe l’il »

Poète et mathématicien, l’opposant Evgueni Bounimovitch (53 ans) est député du parti démocratique Iabloko à la Douma de Moscou (Parlement local). Il évoque ici les élections législatives du 2 décembre en Russie. Et la présidentielle qui suivra, en mars 20

Publié le 27 novembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Comment s’est déroulée la campagne législative ?
Evgueni Bounimovitch : Le pouvoir manipule la consultation, qui n’a de démocratique que le nom, même s’il lui est plus facile de frauder en province qu’à Moscou, où journalistes et représentants des partis sont nombreux. Dans les médias, les débats ne sont pas diffusés à des heures de grande écoute. Aux journaux télévisés du soir, qui sont, eux, très suivis, on n’a vu pratiquement que Vladimir Poutine, tête de liste du parti Russie unie, et ses ministres.

Pourquoi l’opposition est-elle si faible ?
Dans un système non démocratique, la différence entre les partis n’apparaît pas clairement aux électeurs. On ne raisonne qu’en termes de personnes. Et certains cas ajoutent à la confusion : Anatoli Tchoubaïs, par exemple, est l’un des leaders du SPS, un parti d’opposition, tout en étant très proche de Poutine et président du monopole de l’électricité !

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Quel bilan tirez-vous des années Poutine ?
Les années de désordre, sous Gorbatchev et Eltsine, ont épuisé la société. Grâce à la manne pétrolière, la situation s’est stabilisée, les salaires sont régulièrement versés. Mais on ne pense plus à réformer, on vit sur une rente. Et puis, Poutine reste un homme du KGB. Il mène chacune de ses actions comme une opération spéciale : par exemple, en sortant de son chapeau des Premiers ministres que personne ne connaît. Il respecte les procédures démocratiques en les vidant de tout contenu. C’est une démocratie en trompe l’il.

Quelle fonction pourrait-il occuper après la présidentielle de mars 2008 ?
Lui-même, à ce jour, ne le sait pas. Il veut rester le leader du pays sans en occuper officiellement la fonction. La Russie pourrait s’unir à Biélorussie, et Poutine présider cette entité. À moins qu’il ne joue sur des situations de crise, en Tchétchénie ou avec la Géorgie. Ou qu’il redevienne chef de l’État dans quatre ans : le Premier ministre Viktor Zoubkov, qui est âgé, ferait un président intérimaire idéal.

L’ex-oligarque Mikhaïl Khodorkovski, emprisonné en Sibérie, peut-il revenir en politique ?
Poutine l’avait « puni » pour faire un exemple. Mais la sanction n’a pas eu l’effet escompté : ses propositions recueillent entre 20 % et 30 % d’opinions favorables dans les sondages. Les Russes pensent que la loi est une chose, et que la vérité et la justice en sont une autre.

Et Gary Kasparov, le leader de l’Autre Russie ?
Khodorkovski se croyait le plus malin parce qu’il gagnait beaucoup d’argent. Kasparov est convaincu d’être le meilleur parce qu’il a été champion du monde d’échecs. Dans les deux cas, c’est une erreur.

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Connaissez-vous Poutine ?
Oui, c’est un excellent orateur et un très bon communicant. Dans la même semaine, il a réussi à rencontrer Castro et Soljenitsyne et à les mettre dans sa poche ! Contrairement à Eltsine, qui réagissait en homme, avec ses goûts et ses aversions, lui se comporte en fonctionnaire. Peu lui importe le tableau qui est accroché derrière lui : il peut tour à tour inaugurer une exposition avant-gardiste à New York et vanter l’académisme à Moscou.

Que va-t-il se passer maintenant ?
Nous entrons dans une phase dangereuse. La manière dont Poutine va organiser sa succession est cruciale. Jusqu’à présent, la manne pétrolière masque les problèmes. Mais si le prix du baril vient à baisser, nul ne sait ce qu’il adviendra.

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