Tête de pont

Djibouti mise sur les services portuaires pour s’imposer comme hub commercial intercontinental.

Publié le 27 novembre 2007 Lecture : 4 minutes.

La promotion du secteur portuaire constituait l’une des promesses du candidat Ismaïl Omar Guelleh pendant la campagne pour la présidentielle de 1999. Fort de ses relations dans les pays du Golfe, le futur chef de l’État djiboutien savait que les stratèges de Dubaï souhaitaient se lancer dans la gestion portuaire à l’international. Et c’est tout naturellement qu’il s’est tourné vers eux lorsqu’il s’est agi de concrétiser son programme qui s’articule autour du site de Doraleh – deer Allah, ou « espace béni de Dieu ». Cette localité, située à une dizaine de kilomètres de la capitale, va bientôt devenir la plaque tournante des échanges régionaux entre l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique de l’Est. Pour la développer, l’État djiboutien a systématiquement privilégié les partenariats avec le privé, en multipliant les concessions au profit d’investisseurs arabes. Revue de détail de quelques-uns des grands chantiers qui font la fierté du pays.
Poumon économique de la République, le port de Djibouti connaît une spectaculaire embellie. Tiré par la demande éthiopienne, le volume de ses activités a été multiplié par trois en dix ans, pour s’élever à 5,4 millions de tonnes en 2006. Seul bémol : le déséquilibre flagrant (un rapport de 5 à 1) entre les importations et les exportations. Une situation qui s’explique par la quasi-absence d’industries de transformation. La création de la zone franche industrielle et commerciale, sur 300 hectares, vise donc à attirer les investissements directs étrangers, et à répondre partiellement à ce problème chronique.

Dubaï comme modèle
Le vieux Port autonome de Djibouti (PAD) étant proche de la saturation, la décision a été prise de construire un terminal à conteneurs hypermoderne. Avec Doraleh, grand port de transbordement et d’éclatement, conçu sur le modèle de celui de Dubaï et destiné à la réexportation de marchandises, Djibouti a saisi l’opportunité offerte par l’accroissement du trafic maritime mondial. Le nouveau terminal possédera une longueur de quai de 2 000 mètres et un tirant d’eau de 18 mètres (contre 12 pour le PAD). Il sera ainsi susceptible d’accueillir les navires les plus imposants, et sera géré par une société d’économie mixte, le consortium DCT (Doraleh Container Terminal). Les travaux doivent être achevés dans le courant de 2008.

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Nouveau terminal
Géré par Horizon Djibouti Limited Terminal, filiale d’Emirates National Oil Company (Enoc, la société pétrolière publique de Dubaï), le nouveau terminal pétrolier est en revanche déjà opérationnel depuis un peu plus d’un an. Édifié dans un environnement ultra-sécurisé, à l’extérieur de la ville, il comprend deux quais : le premier est réservé aux produits pétroliers et le second sert occasionnellement au fret chimique. Une centaine d’employés opèrent sur le site, qui a la possibilité d’accueillir des navires de 80 000 tonnes, soit une capacité d’accueil deux fois plus élevée que celle du PAD. Le terminal, dont la vocation première est l’entreposage et la manutention de produits pétroliers, dispose d’une capacité totale de stockage de 371 000 m3. Le tiers de la capacité du dépôt est contractuellement réservé à la flotte militaire américaine, qui détient ici une partie de ses réserves stratégiques de carburant. L’US Navy est aujourd’hui le premier client du port.
Un pont intercontinental pour relier l’Afrique de l’Est à la riche péninsule Arabique via le Yémen : même Jules Vernes n’y avait pas pensé ! Un investissement total de 70 milliards de dollars, dont une vingtaine pour la construction de l’ouvrage proprement dit, long de 28 kilomètres, et qui enjambera le détroit de Bab el-Mandeb, et le reste pour l’interconnexion des réseaux ferrés et le développement de la ville nouvelle de Madinat el-Noor (« la ville de lumière »), implantée à l’extrême nord du district d’Obock. Avec la création de 100 000 emplois minimum à la clé Les rares estimations distillées par l’entreprise en charge du projet, la société d’investissement Middle East Development, basée à Dubaï, sont à la démesure de ce projet, qui n’en est pour l’instant qu’au stade des études préliminaires.
C’est que derrière ce que certains qualifient déjà de « pont du siècle » se cache un homme au patronyme sulfureux, mais à la surface financière colossale : l’entrepreneur saoudien Tarik Ben Laden, le demi-frère d’Oussama. Promoteur du projet, il pense que cet ouvrage constituera un levier pour le développement des deux continents. Il a d’ores et déjà négocié, tant avec Djibouti qu’avec Sanaa, d’importantes concessions pour les parcelles côtières et obtenu l’aval politique des deux gouvernements. Pont et villes nouvelles – car il devrait aussi y en avoir une côté yéménite – s’articulent autour du projet de chemin de fer transarabique, porté par un consortium de sociétés du Golfe et qui devrait normalement s’arrêter aux portes de l’antique royaume de la reine de Saba. Ben Laden envisage sa prolongation et la connexion du réseau arabe avec le réseau africain en chantier, la fameuse liaison reliant Le Caire au Cap. Le tracé du pont, qui sera routier et ferroviaire, partira du Yémen, traversera l’île de Perim et aboutira, côté djiboutien, dans le district d’Obock. Cette ville enclavée a terriblement souffert des combats pendant la guerre civile et n’est plus aujourd’hui que l’ombre d’elle-même. L’espoir suscité par l’annonce du projet est à la hauteur des attentes. Mais la construction de l’ouvrage, si elle se fait, risque de prendre des décennies.

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