Marocains sous douane

Publié le 27 novembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Le Maroc serait-il sur le point de devenir importateur de Marocains ? Cette question a priori incongrue est très sérieuse. Jusqu’à présent, le Maroc exportait des Marocains, c’est même en termes de valeur le premier article d’exportation : il apporte, bon an, mal an, trois milliards de dollars à la balance des paiements. Bien entendu, l’Empire chérifien ne constitue pas une exception. La Grèce a exporté jusqu’à 20 % de sa population au cours du siècle dernier, et le pompon en la matière est détenu par l’Irlande : il y a dans le monde plus de quarante millions de rouquins qui fêtent la Saint-Patrick, alors que la verte Erin ne contient que cinq millions d’autochtones. Quant à l’Italie, si elle n’avait pas exporté ses Siciliens et ses Napolitains, le monde entier aurait été privé de pizza.
Donc, exporter ses nationaux, tout le monde sait faire. Mais les importer ? Là, il faut être particulièrement fort. De ce point de vue, la patrie d’Ibn Batouta se distingue une fois de plus.
Tout commence à Amsterdam. Dans le quartier Slotervaart, les honnêtes gens ne dorment plus. Chaque nuit, des jeunes Marocains désuvrés sortent dans les rues pour faire les quatre cents coups, briser quelques vitrines, incendier une ou deux voitures. Ahmed Marcoucwhe, le maire de Slotervaart – qui est lui-même marocain -, s’arrache les cheveux. On a tout essayé, m’explique-t-il, les remontrances, les travaux d’intérêt général, le gel des allocations familiales, rien n’y fait : il y a un noyau d’irréductibles qui ne trouve son bonheur qu’en emm ant le reste du monde.
Et c’est là que l’idée a germé. Pourquoi ne pas mettre ces petits crétins dans un avion et les renvoyer temporairement dans le pays de leurs parents, au Maroc ? Évidemment, tout cela se ferait en coordination avec ledit pays, qui consentirait à importer pour quelques mois ces trublions. L’idée serait de les installer dans le village natal de leurs parents. Comme il n’y a là strictement rien à faire, comme on n’y a jamais entendu parler d’allocations-chômage, comme il est impossible d’y brûler des voitures elles sont ininflammables dans le Rif, à force d’être recarrossées, repeintes et retapées -, l’ennui, le gigantesque ennui, ne tarderait pas à se saisir des délinquants d’importation, et ceux-ci retourneraient, la queue basse, à Slotervaart, au bout de quelques mois, ayant compris la chance qu’ils ont de vivre dans un tel paradis.
L’idée est d’autant plus intéressante qu’il y a aujourd’hui trois zones franches dans le nord du Maroc. L’infrastructure est là, les douaniers sont au courant, chacun sait comment traiter les marchandises « sous douane », c’est-à-dire celles qui entrent au pays pour y être transformées et repartent vers l’Europe. Ce qu’on fait pour le tissu ou le métal, on peut très bien le faire pour des adolescents à tête de bois. Et comme Slotervaart est prêt à payer pour toute l’opération, la fructueuse importation de Marocains « sous douane » n’est plus qu’une question de jours

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