… à l’ambassadeur des États-Unis en Tunisie et au journal L’Expression

Publié le 27 novembre 2007 Lecture : 6 minutes.

Suite à l’article de notre correspondant à Tunis, Abdelaziz Barrouhi, intitulé « Un proconsul nommé Robert Godec », paru dans le n° 2444 de J.A., nous avons reçu de la part de l’ambassadeur des États-Unis en Tunisie et de Ridha Kéfi, rédacteur en chef de l’hebdomadaire L’Expression, un double droit de réponse, dont nous publions ci-dessous l’essentiel. Sans commentaire particulier en ce qui concerne celui de Robert Godec, à qui Abdelaziz Barrouhi apporte sa propre réaction. Quant à L’Expression, c’est avec plaisir que nous souhaitons bienvenue et longue vie à ce nouveau confrère, dont la réaction – pour le moins excessive et infondée – à notre article est sans doute due à l’émotivité de la jeunesse. Reste que l’indépendance d’un journal se juge sur le long terme. Si L’Expression parvient à maintenir le cap qu’il s’est fixé, nous serons les premiers à le souligner – et à nous en féliciter.

« L’accord avec le Mepi n’influe en rien sur notre ligne éditoriale »
[] M. Raouf Cheikhrouhou, patron du Groupe Assabah, n’a « conclu » aucun « accord de financement [] en vue du lancement de l’hebdomadaire L’Expression ». C’est là une accusation totalement infondée, dont les tribunaux jugeront du caractère diffamatoire.
Contrairement à d’autres magazines, L’Expression ne reçoit aucun financement d’aucune source extérieure, ou même intérieure. Ses seules recettes sont celles de ses ventes et de la publicité.
– Pour information : la société Defi SARL, la société éditrice de l’hebdomadaire, n’a pas été « créée pour l’occasion » (sic !), puisqu’elle existe depuis 2000 et est enregistrée depuis cette date auprès des services compétents.
– L’accord entre Defi SARL et le Mepi [Middle East Partnership Initiative, Initiative de partenariat avec le Moyen-Orient] porte sur la contribution du second à l’organisation de quatre tables rondes sur des thèmes divers, notamment en prenant en charge les honoraires des experts, tunisiens et étrangers, et les coûts de transport aérien et d’hébergement à l’hôtel. Pratique du reste courante, et pas seulement en Tunisie, et à laquelle recourent régulièrement les institutions publiques et privées et nombre d’ONG nationales, ainsi que d’autres médias de la place.
– Le partenariat avec le Mepi est souligné en grosses lettres dans toutes nos publications de manière transparente, en amont et en aval.
– Defi SARL a organisé une dizaine de tables rondes, dont seulement trois avec le Mepi. Les autres ont été mises en route en partenariat avec la Délégation de l’Union européenne en Tunisie et des entreprises privées locales (dont Manpower-Tunisie).
– L’accord avec le Mepi n’a aucunement influé sur la qualité des débats au cours des tables rondes organisées par Defi SARL et auxquelles ont pris part, jusque-là, ministres et hauts responsables.
– Cet accord n’a pas influé non plus sur la ligne éditoriale de L’Expression, qui n’a jamais ménagé ses critiques à la politique américaine au Moyen-Orient.
Nos lecteurs en témoignent. Ils sont nos seuls juges.
Ridha Kéfi
Rédacteur en chef de l’hebdomadaire L’Expression, Tunis, Tunisie

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« La politique américaine vise à promouvoir la liberté et la démocratie »
[] En premier lieu, l’article parle extensivement de ma visite aux dirigeants du Parti démocratique progressiste lors de leur grève de la faim. Je m’en tiens à ma décision de rendre visite aux leaders d’un parti légal engagé dans l’exercice de leurs droits légaux. Cette visite a été précédée de nombreuses autres visites à des responsables de tous les autres partis politiques tunisiens, dont le parti au pouvoir. En outre, permettez-moi de vous rappeler que s’engager dans un dialogue avec les acteurs politiques, les membres de la société civile et les citoyens ordinaires est bel et bien le rôle de n’importe quel ambassadeur, à Tunis comme à Washington ou à Paris.
En second lieu, l’Initiative de partenariat avec le Moyen-Orient (Mepi) s’inscrit dans une politique américaine de continuité visant à promouvoir la démocratie et la liberté à travers le monde. Mepi répond aux appels exprimés par des acteurs de la région du Moyen-Orient et du Maghreb en quête de réformes démocratiques. Certains de ces acteurs sont en désaccord avec nous sur plusieurs points, mais ils partagent avec nous les valeurs fondamentales de la démocratie. Les activités de Mepi sont entreprises d’une manière transparente et au vu et au su des autorités des pays respectifs.
Cela étant, j’aimerais souligner d’autres informations erronées rapportées par votre correspondant. En effet, il est important de noter que je n’ai jamais été membre de l’équipe de Paul Bremer en Irak. De plus, Mepi a accordé une subvention à la société Defi SARL pour l’organisation d’une série de tables rondes, et nullement pour le lancement du magazine L’Expression Pour finir, l’interruption provisoire du partenariat avec l’Institut de presse et des sciences de l’information (Ipsi) a été motivée par des raisons purement logistiques et non politiques.
Je demeure à votre entière disposition pour toute information complémentaire. À mon regret, votre correspondant n’a pas jugé nécessaire de me poser la moindre question avant d’écrire son article, ce qui pourrait expliquer son inexactitude.
Robert F. Godec
Ambassadeur des États-Unis d’Amérique en Tunisie

Commentaire
[] L’ambassadeur affirme : « Je m’en tiens à ma décision de rendre visite aux leaders d’un parti légal engagé dans l’exercice de leurs droits légaux. » Cette réponse ne devrait pas nous être opposée. Ce que nous avons souligné, c’est que la visite aux leaders du PDP est intervenue alors qu’ils observaient une grève de la faim à propos d’un contentieux d’ordre privé mais politisé. Que ce soit à Tunis, Washington ou Paris, les « autochtones » peuvent avoir un point de vue différent de celui de Monsieur l’ambassadeur, et considérer cela comme une ingérence dans une affaire intérieure. C’est ce que nous avons rapporté.
À propos du Mepi, l’ambassadeur développe la thèse selon laquelle cet organisme lancé à l’initiative du président George W. Bush « répond aux appels exprimés par des acteurs de la région du Moyen-Orient et du Maghreb ». Cette référence à de prétendus « appels » sous-tend la théorie d’ingérence expérimentée, entre autres, en Irak et en Iran, et c’était de notre droit de rapporter qu’elle rencontre des résistances en Tunisie.
Monsieur l’ambassadeur a bien été membre de l’administration provisoire « mise en place », comme indiqué dans le corps de l’article, par son compatriote Paul Bremer, premier gouverneur civil de l’Irak au lendemain de l’invasion américaine en 2003. Cela figure explicitement dans la biographie officielle de M. Robert Godec fournie par l’ambassade des États-Unis, même si, curieusement, cette biographie ne précise pas la période de service de l’ambassadeur Godec en Irak.
Nous prenons volontiers acte de la confirmation par M. l’ambassadeur des États-Unis que le Mepi a bien accordé une subvention à la société de presse Defi SARL. Monsieur l’ambassadeur soutient que ce n’est nullement « pour » le lancement du magazine L’Expression. Pour être précis, nous avions écrit que c’était « en vue » du lancement de ce magazine, et pris bien soin de spécifier que cet accord portait sur l’organisation d’une série de tables rondes.
L’interruption du partenariat du Mepi avec l’Ipsi a-t-elle eu lieu pour des raisons « logistiques », comme le soutient Monsieur l’ambassadeur, ou politiques, ainsi que le suggère notre article ? Chacun est libre de développer sa propre interprétation.
Monsieur l’ambassadeur regrette que nous ne lui ayons pas posé de questions avant d’écrire l’article. Nous aussi nous le regrettons. Mais ce n’est pas de notre fait. Le service de presse de l’ambassade des États-Unis à Tunis nous a en effet exclus de sa « liste » des journalistes avec qui il traite, et nous avions attiré son attention sur cette décision à au moins une occasion, en 2007.
Abdelaziz Barrouhi

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