Diplomatie : entre survie et pragmatisme

Publié le 27 novembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Îlot de stabilité politique dans la très agitée Corne de l’Afrique, niche de croissance économique dans une zone géographique où le produit intérieur brut par habitant reste particulièrement bas, pays de grande ambition dirigé avec une indéniable habileté Djibouti, minuscule pays de 850 000 habitants, coincé entre un désert parmi les plus inhospitaliers de la planète et le détroit de Bab el-Mandeb, porte d’entrée de la mer Rouge par où transite quotidiennement près de 40 % de la consommation mondiale en pétrole, se distingue par une diplomatie particulièrement active.
Censée être tournée vers le développement et la recherche d’investisseurs, la politique extérieure de Djibouti a dû tenir compte de l’environnement régional particulièrement instable. Le pays a acquis son indépendance le 27 juin 1977, alors que la Corne de l’Afrique était secouée par la guerre de l’Ogaden, territoire que se disputaient l’Éthiopie du négus rouge, Mengistu Haïlé Mariam, et la Somalie du général Mohamed Siyad Barré. Depuis, la région n’a jamais vraiment retrouvé la stabilité : déliquescence de la grande Somalie, conflit érythréo-éthiopien, crises à répétition au sud du Soudan, renaissance d’un Somaliland que nul ne veut reconnaître Résultats, la petite République qui voit affluer chaque jour de nombreux réfugiés, tels les boat people somaliens en quête de terres plus clémentes, doit faire face à d’interminables crises humanitaires. Au détriment de son propre développement économique. La diplomatie djiboutienne s’est très tôt apparentée à une politique de « survie ». Mais pas uniquement.

Afin de sauvegarder ses acquis (le franc djiboutien, indexé sur le dollar, demeure la valeur la plus sûre dans la région) et tirer le maximum de profits, Djibouti a su jouer de sa position géostratégique très convoitée. Alors qu’au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 les États-Unis font part de leur souhait d’installer une base permanente au camp Lemonnier, le président Ismaïl Omar Guelleh négocie, en janvier 2002, avec son homologue américain George W. Bush, les modalités financières de l’opération. Et obtient près du double de ce que paie l’armée française pour ses installations dans le pays. Djibouti voit là une occasion en or de revoir le contrat de coopération militaire qui le lie avec Paris qui accepte de payer plus.
Mais le dossier le plus sensible de la diplomatie djiboutienne reste la crise somalienne. La République, dont la moitié de la population est somaliphone, n’a cessé de jouer les médiateurs entre les seigneurs de guerre se disputant le contrôle de Mogadiscio. Ainsi, grâce à la conférence d’Arta (non loin de la capitale), organisée en août 2000, la Somalie, pays sans État, a pu se doter d’un gouvernement. L’un des plus stables depuis l’ère Barré.

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Mais, en réalité, le rôle de « modérateur » endossé par Djibouti vise surtout à asseoir sa vocation de porte d’entrée de l’Afrique de l’Est. Depuis toujours, les diplomates djiboutiens tâchent d’inscrire leur action dans un cadre économique régional, entre l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad) et le Marché commun pour l’Afrique australe et orientale (Comesa). Au plan politique, le président Ismaïl Omar Guelleh, quant à lui, se fait fort d’assister à tous les sommets de l’Union africaine et aux Assemblées générales des Nations unies.
Aujourd’hui, la priorité de Djibouti est de parvenir à ce que le Conseil de sécurité de l’ONU s’implique davantage dans le dossier somalien. « Au vu de l’urgence humanitaire, il est pour le moins anormal que le Darfour soit sur toutes les lèvres alors que les milliers de morts et les centaines de milliers de déplacés du conflit somalien ne sont évoqués nulle part », affirme Mahmoud Ali Youssouf, ministre djiboutien des Affaires étrangères.
Autre vu pieux de Djibouti, l’envoi d’une force arabe à Mogadiscio. Une idée que le président Guelleh s’est attaché à promouvoir, en mars 2007, lors du sommet de la Ligue arabe. Selon le chef de l’État, cette dernière prendrait en charge les frais engendrés par l’opération. L’argument sera-t-il suffisant pour convaincre ses pairs ? Rien n’est moins sûr.

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