Dileita Mohamed Dileita : « Nous avons su rassurer »

Stabilité politique, position géostratégique privilégiée… le Premier ministre met en avant les atouts de son pays susceptibles de séduire les investisseurs étrangers du Golfe et d’ailleurs.

Publié le 27 novembre 2007 Lecture : 5 minutes.

Natif de Tadjourah, Dileita Mohamed Dileita, 49 ans, est Premier ministre depuis mars 2001. Issu de la communauté afar, cet ancien diplomate a été l’un des principaux négociateurs des accords de paix avec l’aile dure du Front pour la restauration de l’unité et de la démocratie (Frud), entre 1999 et 2001. Coordonnateur de l’action gouvernementale, et grand ordonnateur des cérémonies du trentième anniversaire de l’indépendance, il est aussi le responsable numéro un de la mise en uvre de l’Initiative nationale pour le développement social (INDS).

Jeune Afrique : Djibouti connaît un afflux sans précédent d’investissements directs étrangers, et son économie, qui a profité des seules rentes portuaire et militaire, a entamé une diversification accélérée. Comment expliquer ce soudain essor ?
Dileita Mohamed Dileita : Le président Ismaïl Omar Guelleh avait promis, lors de son élection, de faire de Djibouti le « Dubaï de l’Afrique de l’Est », et il a su convaincre les investisseurs du Golfe de miser sur nous. L’arrivée des Américains après le 11 septembre 2001 et l’implantation d’une base permanente au camp Lemonnier y sont également pour quelque chose. Car elles ont définitivement rassuré nos partenaires arabes, qui s’étaient jusque-là montrés très timides. Chacun a redécouvert nos atouts : la stabilité politique, la position géostratégique privilégiée, au carrefour des trois continents. Notre principal handicap reste le coût de l’énergie, mais, avec la construction de deux raffineries, à Doraleh et à Tadjourah, on peut tabler sur une baisse sensible du prix de l’électricité dans un futur proche.

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L’Initiative nationale pour le développement social est « le » chantier social de 2007. Comment a-t-il vu le jour ?
Cette initiative a été dévoilée en janvier 2007. Le pays s’ouvre, la richesse croît, mais des pans entiers de la population n’en bénéficient pas encore. Il fallait remédier à ce problème au travers d’un mécanisme spécifique : l’INDS. Le chef de l’État m’a donné trois mois pour consulter les forces politiques et la société civile, et lui soumettre une batterie de propositions concrètes. Nous avons retenu l’exemple de la Tunisie et de son Fonds de solidarité nationale, connu aussi sous le nom de « 26/26 », dont l’INDS va s’inspirer. Je reviens d’ailleurs d’un voyage d’études en Tunisie, où j’ai également pu apprécier le fonctionnement de la Banque tunisienne de solidarité (BTS). Sur le plan institutionnel, l’INDS va se traduire par la mise en place d’une Agence djiboutienne pour le développement social (ADDS), résultant de la fusion entre deux organismes, le Fonds social de développement (FSD) et l’Agence djiboutienne d’exécution des travaux d’intérêt public (Adetip). Elle sera installée le 1er janvier 2008, et dotée de 1,5 milliard de FDJ prélevés sur nos fonds propres, en attendant les contributions de partenaires comme la Banque islamique, l’Union européenne et le Fonds mondial de solidarité. Et nous allons créer un compte, le « 27/27 » pour recueillir les contributions.

Quelle sera sa priorité ?
L’emploi des jeunes. À ce sujet, un autre projet est en gestation : il concerne la formation professionnelle, et il sera lui aussi inspiré de l’expérience tunisienne dans ce domaine. Une agence pour l’emploi et la formation professionnelle va être créée. Nous avons déjà des établissements de formation. Mais, malgré cela, nous accusons un déficit en ressources humaines. La nouvelle agence devra donc corriger cette lacune.

Quelles sont vos prévisions de croissance pour 2007 et 2008 ?
Nous misons sur une croissance de 5,7 % en 2007, et le ministre des Finances table sur 6 % en 2008. La croissance est tirée par les investissements, et les principaux problèmes de notre économie sont en voie de résolution. Je pense notamment à celui de l’énergie : l’interconnexion électrique avec l’Éthiopie, le développement de l’énergie éolienne et de la géothermie vont contribuer à améliorer notre attractivité et à nous maintenir sur un sentier de croissance dynamique. Même si nous sommes lourdement pénalisés, il faut le souligner, par la conjoncture économique, qui nous est doublement défavorable du fait de l’appréciation de l’euro, alors que notre monnaie est indexée sur le dollar, et de la flambée des cours du pétrole.

Où en sont les relations entre Djibouti et le FMI ?
Nos rapports se sont apaisés. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, les relations ont été très difficiles. Nous étions sous « surveillance renforcée », notre marge de manuvre était limitée. L’arrivée des Américains et l’accord que nous avons trouvé avec la France au sujet de la base militaire [l’augmentation de la redevance versée par les Forces françaises à l’État djiboutien, NDLR] ont permis de renflouer les caisses. Le contrôle du FMI et de la Banque mondiale s’est perpétué, mais il est moins rigoureux que par le passé.

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Djibouti connaît des problèmes de sécheresse récurrents, et sa nappe phréatique s’épuise. Où en sont les projets relatifs au dessalement de l’eau de mer ?
Nous avons signé un protocole d’accord avec la Chine pour un projet de l’ordre de 98 millions de dollars. L’usine permettra de dessaler entre 40 000 et 50 000 m3 d’eau par jour. Le Koweit est aussi intéressé. Pour l’agriculture, le problème réside moins dans le manque d’eau – car il existe des nappes fossiles – que dans son inaccessibilité, car les réserves sont très profondément enfouies. Aujourd’hui, nous disposons de trois foreuses, et nous avons lancé une campagne de prospection intensive, qui donne des résultats très encourageants.

Qu’en est-il du potentiel pétrolier et minier de Djibouti ?
Nous avons peu d’espoir de trouver du pétrole. Les experts sont tous unanimes à ce sujet. En revanche, les Sud-Africains pensent qu’il y aurait des gisements aurifères dans la région du Gaggadeh. Ils ont procédé à des forages et pensent débuter l’exploitation d’ici à deux ans. Le problème, là encore, c’est l’eau : cette industrie en demande beaucoup

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Les élections législatives de 2008 se profilent. Les rapports entre les composantes de la coalition majoritaire, l’Union pour la majorité présidentielle (UMP), qui avaient viré à l’aigre en 2006, se sont-ils apaisés ?
Oui. Nous nous sommes parlé, et nos petites querelles internes ont été surmontées. L’alliance est solide, elle tient depuis huit ans. Nous irons donc unis aux élections. Et une cinquième composante, l’Union des partisans de la réforme (UPR), devrait nous rejoindre.

L’opposition, en revanche, reste très faible. N’est-ce pas un signe de mauvaise santé démocratique ?
Depuis la disparition de Dini Ahmed Dini, elle se cherche un leader. Ce dernier avait réussi à fédérer les différentes composantes de l’opposition, à la dynamiser. Aujourd’hui, elle est paralysée par les querelles de personnes. Le président Guelleh est le premier à souhaiter une opposition plus forte, et il l’a associée à plusieurs débats nationaux. Mais cette opposition doit être constructive. Elle doit proposer au lieu de critiquer pour critiquer. Pourquoi l’opposition a-t-elle boycotté in extremis la dernière présidentielle ? Parce qu’elle n’avait pas de projet ! C’était déjà le cas pour les législatives de 2003.

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