Devine qui vient dîner à l’Élysée…
Trente-quatre ans après sa première visite à Paris, c’est un Kadhafi sexagénaire et assagi que s’apprête à recevoir Nicolas Sarkozy.
C’est une manière d’être avec laquelle les hôtes du colonel ont depuis longtemps appris à composer. Mouammar Kadhafi arrive à l’improviste et repart quand il le décide. D’où le casse-tête protocolaire auquel les Français doivent, en ce moment, faire face : si l’on croit savoir que le « Guide » libyen est attendu en visite officielle à Paris vers la mi-décembre, les dates précises de ce voyage n’étaient toujours pas connues fin novembre – encore moins son programme. Il en fut exactement de même lors de la seule fois précédente où Kadhafi posa le pied dans la capitale française. C’était il y a tout juste trente-quatre ans, le week-end des 24 et 25 novembre 1973. Georges Pompidou était à l’Élysée, la guerre israélo-arabe d’octobre venait de s’achever et l’arme du pétrole devenait une réalité. Curieuse visite en vérité. Suggérée à ce jeune révolutionnaire de 31 ans par un journaliste (et futur ambassadeur de France), Éric Rouleau, qui lui proposa d’organiser à Paris un colloque sur le « petit livre vert ». Proposition aussitôt acceptée et littéralement imposée, sans préavis ou presque (à peine une semaine à l’avance), au président Pompidou, qui n’avait guère les moyens de la décliner : la Libye venait de passer commande de 140 avions Mirage.
Et c’est ainsi que le Premier ministre du moment, Pierre Messmer, dut se rendre à Orly par une froide matinée de novembre pour y accueillir Kadhafi, son épouse Safia, les principaux chefs de son armée, quatre ministres et un bataillon de gardes du corps. Tout ce monde prit ses quartiers au Plaza Athénée, un palace en état de siège de l’avenue Montaigne, où 32 chambres et 5 suites avaient été réquisitionnées. Le lendemain matin, c’est un Mouammar souriant, en col roulé noir très tendance, qui était reçu pendant plus de deux heures à l’Élysée par Georges Pompidou, lequel avait dû, pour l’occasion, modifier son emploi du temps. Un peu plus tard eut lieu le colloque, objet officiel du voyage. Cinq heures de quasi-monologue, en présence de personnalités et d’intellectuels tels Pierre Mendès France, Albert Memmi, Roger Garaudy et Claude Bourdet. Kadhafi avait exigé que les ambassadeurs des pays arabes, invités par les organisateurs, soient interdits d’entrée – ce qui fut promptement fait. Et sans que cela ne déclenche de tumulte particulier, il put tout à loisir développer devant l’assistance son antienne du moment : le démantèlement impératif de l’État d’Israël et le retour « dans leurs pays d’origine » des juifs « occidentaux », la Libye étant disposée à accueillir les autres. Comme quoi Mahmoud Ahmadinejad ne fait que plagier celui à qui la France pompidolienne ne pouvait à l’époque rien refuser : trois mois plus tard, en effet, le Premier ministre libyen, Abdessalam Jalloud, était de retour à Paris pour signer avec Pierre Messmer un volumineux accord de coopération militaire
Trente-quatre ans après, c’est un Kadhafi sexagénaire et assagi que s’apprête à recevoir Nicolas Sarkozy. « La Libye se responsabilise, la Libye va vers la respectabilité », a répété le président français à Berlin, le 12 novembre. Et, en plus, la Libye achète toujours des armes françaises.
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