[Tribune] Start-up en Afrique : phénomène médiatique ou vecteur de progrès ?

La naissance d’une culture entrepreneuriale et d’une terminologie propre à l’Afrique témoigne de l’ampleur d’un phénomène en plein essor : le rôle des start-up dans le développement économique du continent.

Un vendeur de téléphone portable dans le quartier commercial de Ganhi à Cotonou, au Bénin en 2016. © Gwenn Dubourthoumieu/Jeune Afrique

Un vendeur de téléphone portable dans le quartier commercial de Ganhi à Cotonou, au Bénin en 2016. © Gwenn Dubourthoumieu/Jeune Afrique

Photo Yann Kasay – Jirogasy
  • Yann Kasay

    Fondateur de la start-up franco-malgache Jirogasy

Publié le 17 décembre 2018 Lecture : 2 minutes.

Jusqu’à maintenant, l’adoption des nouvelles technologies a été rapide pour les classes aisées des grandes villes africaines. Les élites ont déjà adopté les comportements digitaux liés aux technologies les plus avancées et sont séduites par l’adaptation d’un concept étranger à leur culture. Les projets africains les plus populaires sont d’ailleurs, pour une part majeure d’entre eux, la transposition de modèles de start-up européennes ou américaines.

L’exemple du e-commerce, probablement l’un des secteurs qui capitalise le plus d’investissements en Afrique, illustre les difficultés des start-up à s’intégrer dans le quotidien des Africains. Les plateformes e-commerce peinent à gagner la confiance de populations habituées à « toucher » et négocier les marchandises. La majorité des échanges en ligne des plateformes se limitent ainsi à des clients fidèles non représentatifs de la majorité des habitants d’Afrique. Pourtant, la démocratisation de l’innovation et de l’utilisation des nouvelles technologies représente un enjeu qui dépasse la seule rentabilité financière pour un continent où la pauvreté ne cesse de croître.

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Dans un autre type d’activité porteur en Afrique, celui de l’énergie offgrid, plusieurs comptes rendus – dont le rapport Gogla – pointent la complexité pour les start-up de « diffuser » leurs innovations en zone rurale. À la différence des pays occidentaux où l’urbanisation est le fruit de grandes politiques de travaux publics, le développement des villes africaines résulte en premier lieu de l’accroissement de la densité des zones non urbanisées. C’est notamment ce qui explique l’omniprésence de la culture rurale sur le continent. Aussi, la conquête du marché africain doit passer par la compréhension des mécanismes de diffusion de l’innovation en zone rurale.

La démocratisation du téléphone portable reste à priori le meilleur exemple d’une pénétration réussie des marchés ruraux africains. L’Afrique auparavant dépourvue de téléphones fixes compte désormais une majorité de sa population équipée de téléphones portables. Cette évolution a rendu possible l’utilisation du mobile banking. Un saut technologique unique au monde qui a permis le désenclavement économique de nombreuses régions parmi les plus reculées. Avec cette technologie de paiement par téléphone, les acteurs des télécoms montrent qu’il est possible d’intégrer l’innovation dans le quotidien de la majorité des habitants du continent, et notamment de ceux habitant dans les zones rurales.

Pour évaluer objectivement l’influence des start-up africaines sur le développement réel de leur territoire, il est nécessaire de définir un modèle efficace de démocratisation de l’innovation. Définir les caractéristiques de ce modèle pourra alors rassurer les investisseurs sur l’impact et la rentabilité de ces projets. Aussi, il semble opportun de prendre en compte dans cette démarche les éléments qui justifient de tels investissements : des innovations locales, made in africa, accessibles au plus grand nombre et capables de se diffuser, voire de s’implanter, jusque dans des zones enclavées. Des innovations qui suscitent par la taille potentielle du marché et leur dynamisme économique l’intérêt et même l’appétit d’investisseurs ambitieux. Un travail de définition nécessaire donc pour que l’écosystème des start-up en Afrique ne s’illustre pas comme simple bulle médiatique mais constitue réellement un vecteur de progrès pour les Africains.

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