Procès du putsch manqué au Burkina : ce qu’il faut retenir de l’audience de Gilbert Diendéré

Au douzième jour de l’audience du général Gilbert Diendéré, que faut-il retenir de la version de celui qui est présenté comme le cerveau du putsch manqué de 2015 ?

Le général Gilbert Diendéré, le 18 septembre 2015, à Ouagadougou. © Theo Renaut/AP/SIPA

Le général Gilbert Diendéré, le 18 septembre 2015, à Ouagadougou. © Theo Renaut/AP/SIPA

Publié le 17 décembre 2018 Lecture : 4 minutes.

Le public a fini par se lasser. L’audience tant attendue de celui qui a pris les rênes du Conseil national de la démocratie (CND) le 17 septembre 2015 a vu une forte affluence du public dans les premiers jours, mais rapidement, les bancs se sont vidés. Et pour cause : alors que l’on attendait des révélations fracassantes sur le coup d’État de l’ex Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’audience tourne en rond.

Devant le tribunal militaire délocalisé à la salle des banquets de Ouaga 2000, Gilbert Diendéré, présenté comme le cerveau du putsch, n’a cessé de nier en être l’instigateur. Poursuivi notamment pour attentat à la sûreté de l’État, meurtres et coups et blessures, « Golf » – comme le surnomme les Burkinabè – a martelé devant les juges le 26 novembre : « Je n’ai ni commandité, ni planifié, ni organisé, ni exécuté ce que les gens appellent « coup d’État ». Le 16 septembre, on a fait appel à moi parce que des soldats du RSP [Régiment de sécurité présidentielle, ndlr] ont fait irruption dans le Conseil des ministres et ont arrêté le président de la Transition [Michel Kafando], le Premier ministre [Isaac Zida] et certains ministres ».

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Quelle responsabilité pour la hiérarchie militaire ?

Face au ministère public qui tente de démontrer que le coup était prémédité, Golf a répliqué avoir pris la « responsabilité morale des événements pour ne pas laisser le pouvoir aux mains des sous-officiers et plonger ainsi le pays dans le chaos ».

Sa ligne de défense : il « assume » avoir pris la tête du CND et l’avoir dirigé, mais avec la bénédiction de la hiérarchie militaire. « Si la hiérarchie n’était pas d’accord, elle pouvait procéder à mon arrestation », a-t-il déclaré le 10 décembre, au neuvième jour de sa comparution. Et donc, selon le général, la « hiérarchie militaire » devrait également être « dans le box des accusés ».

Infographie : les détails de l'organisation du procès du putsch manqué au Burkina. © Jeune Afrique

Infographie : les détails de l'organisation du procès du putsch manqué au Burkina. © Jeune Afrique

Une version qui gêne d’autant plus l’accusation et les parties civiles que les responsables de l’armée ne se sont effectivement pas opposé ouvertement au coup d’État. Au point que certains gradés avaient à l’époque dénoncé le silence du chef d’état-major général des armées, le général Pingrenoma Zagré.

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De plus, lors de son audition le 12 novembre, le colonel-major Boureima Kiéré, ex-chef d’état-major particulier de Michel Kafando, président de la Transition, a confié que Zagré avait donné son accord pour aider les putschistes dans le maintien de l’ordre en cas de manifestation. « Le général Pingrenoma Zagré a rassuré le général Diendéré sur le maintien de l’ordre et l’armée avait demandé une réquisition pour cela », a-il rapporté.

Certains avocats de la défense estiment d’ailleurs que la non-comparution de certaines personnes clés du coup d’État, comme les hauts gradés de l’armée et l’ancien Premier ministre Yacouba Isaac Zida, est la preuve que ce procès est « un arrangement entre amis ».

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Zida plusieurs fois cité

Tout au long de son audition, le général Diendéré est revenu sur la part de responsabilité qu’il attribue à Zida. « Il est la cause de tout ce qui est arrivé aujourd’hui », a-t-il même lancé à la barre, lundi 17 décembre. Dès le premier jour de son audience, Golf avait annoncé la couleur.  « Entre février et juin 2015, Zida a mené une campagne de désinformation contre le RSP et moi-même qui m’évertuais à aplanir les divergences entre lui et les soldats. »

Isaac Yacouba Zida, le 3 novembre 2014, alors lieutenant-colonel. © Theo Renaut/AP/SIPA

Isaac Yacouba Zida, le 3 novembre 2014, alors lieutenant-colonel. © Theo Renaut/AP/SIPA

L’audience de lundi a également été marquée par des débats autour de l’une pièce versée par les avocats de Diendéré : une copie du compte-rendu d’une rencontre du « Comité de la résistance populaire », un groupe de personnes opposées au Coup d’État, au cours de laquelle il aurait été question « d’utiliser des enfants comme bouclier humain ». Le parquet militaire a demandé au tribunal d’écarter la pièce, le document n’étant pas signé et Diendéré ayant refusé d’en communiquer la source.

D’où viennent les 160 millions de Diendéré ?

L’autre point sur lequel les réponses du général étaient attendues concerne l’origine des 160 millions de francs CFA remis à Boureima Kiéré, destinés aux membres du RSP.

Vendredi, Diendéré a transmis des pièces qui, selon lui, prouvent que cet argent est issu d’un prêt contracté en 2013 dans le cadre d’une affaire familiale. Une thèse qui ne convainc ni le parquet ni les parties civiles, mais sur laquelle Diendéré a refusé de s’étendre plus avant. Pour Séraphin Somé, un des avocats de la partie civile, cet argent serait venu de la Côte d’Ivoire en même temps que les matériels de maintien d’ordre.

L’audience de Gilbert Diendéré doit se poursuivre mardi. Après lui, ce sera au tour d’un autre poids lourd de l’ancien régime de passer à la barre : le général Djibril Bassolé, ancien ministre des Affaires étrangères.

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