Cinéma : « Mia et le lion blanc », une dénonciation monochrome de la chasse en Afrique du Sud
Dans son dernier film, le réalisateur français Gilles de Maistre livre un réquisitoire convaincant contre les « chasseurs de trophées » en Afrique du Sud… en mettant les Noirs du pays à l’index.
Il faut avouer que Mia et le Lion Blanc a quelque chose d’époustouflant. La Mia en question est une petite fille de onze ans qui quitte Londres pour partir s’installer avec ses parents dans une ferme d’élevage de félins en Afrique du Sud. Mais la greffe ne prend pas : la gamine regrette sa ville et ses copains. Jusqu’à ce qu’elle se prenne d’affection pour un lionceau blanc né dans la ferme parentale.
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Une vraie relation d’amitié se crée entre la fillette et le fauve, qui devient au fil des années une bête redoutable de plus de 200 kilos. Lorsque son père décide de vendre l’animal, Mia découvre l’horrible vérité qui se cache derrière la ferme, qui fournit ses animaux à des « chasseurs de trophées ». L’adolescente n’a plus qu’une idée en tête : sauver son ami à crinière en tentant de le conduire jusqu’à la réserve de Timbavati.
Réalisation bluffante
Le scénario, en lui-même, n’est pas si neuf. Il emprunte beaucoup, sans le dire, à l’œuvre la plus populaire du romancier voyageur Joseph Kessel, Le lion. Mais la réalisation est bluffante. Sans trucage, la petite fille – interprétée par l’actrice sud-africaine Daniah de Villiers – joue avec l’animal, pose son front contre le sien, se roule avec lui sur le sol… Une intimité qui n’aurait pas été possible sans un tournage hors-norme.
Le conseiller du projet n’est autre que Kevin Richardson, qui cherche à démontrer qu’une relation affective peut être établie avec les animaux sauvages
Celui-ci s’est déroulé sur trois ans, durant lesquels Daniah a constamment gardé contact avec l’animal, devenue une potentielle machine à tuer. Le « conseiller lions » du projet n’est autre que le zoologue sud-africain Kevin Richardson, qui cherche à démontrer dans ses travaux qu’une relation affective peut être établie avec les animaux sauvages. Gilles de Maistre avait réalisé un documentaire avec lui avant d’entamer son long-métrage.
Lâche et cruel
Autre tour de force : parler intelligemment d’un sujet grave et méconnu. L’élevage d’animaux sauvages en vue de les livrer à peine réveillés dans des enclos, en pâture à des chasseurs. Lâche et cruel, ce divertissement de riches (majoritairement américains et européens) ajoute au calvaire d’une espèce classée comme « vulnérable » par l’Union internationale pour la conservation de la nature.
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En plus de la chasse et du braconnage, les fauves sont menacés par les maladies et la réduction de leur habitat, la savane se transformant en terres agricoles ou en pâturages. Selon une étude menée sur 20 ans et publiée par le magazine Proceedings of the National Academy of Sciences, les lions pourraient disparaître du continent africain d’ici quelques décennies, et voir leur population réduite de moitié dans les vingt prochaines années. Le long-métrage, militant, renvoie à la fondation Kevin Richardson, qui tente de préserver l’espèce.
Un film en blanc et blanc
Le hic, dans ce film haut en couleur, c’est que le casting en manque sévèrement. Les personnages principaux – outre le lion – sont incarnés par des acteurs invariablement blancs (Mélanie Laurent, Langley Kirkwood, Ryan MacLennan), à tel point qu’on se demande dans quel pays d’Afrique peut bien se dérouler cette belle aventure. Les seuls acteurs noirs sont, comme trop souvent, renvoyés à des rôles de subalternes, comme celui de la femme à tout faire du lodge, incarnée par la Sud-africaine Lilliane Dube.
Inconsciemment, sans doute, le réalisateur renvoie ainsi les Africains noirs à la cuisine ou aux réserves naturelles… tandis que les héros blancs (et leurs adversaires) sont les vrais acteurs de l’histoire.
Mia et le lion blanc, de Gilles de Maistre, 1h37, sortie française le 26 décembre.
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