L’ombre de Chypre

Publié le 26 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE), qui, sauf coup de théâtre, devraient s’ouvrir à Luxembourg le 3 octobre, sont sur la bonne voie. Sur le plan technique, le cadre de négociation fixant les règles et procédures qui serviront de guide ne devrait pas poser de problème particulier. En revanche, comme l’ont révélé les intenses tractations diplomatiques de ces dernières semaines, le dossier chypriote est annonciateur de blocages à très brève échéance.

Depuis un coup d’État téléguidé par la Grèce, en 1974, auquel répondit l’invasion turque, Chypre est divisée en deux. Sa partie méridionale, la République de Chypre, a beau être membre de l’UE depuis mai 2004, Ankara refuse de la reconnaître tant qu’une solution globale n’aura pas été trouvée. Cela faillit être le cas en avril 2004. Mais alors que la Turquie soutenait le plan de réunification proposé par le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, et que les habitants de la République turque de Chypre du Nord l’approuvaient par référendum, les Grecs et les Chypriotes grecs, eux, s’employaient à le torpiller.

la suite après cette publicité

Clamant sa bonne foi, Ankara refuse de faire un pas de plus et continue de miser sur la médiation onusienne. Le 29 juillet, la Turquie avait étendu l’accord d’union douanière qui la lie à l’UE depuis 1996 à ses dix nouveaux membres tout en stipulant que la signature de ce document n’équivalait pas à une reconnaissance de la République de Chypre. Ankara a ainsi prêté le flanc à une offensive menée par des pays réticents à sa candidature. Les Pays-Bas, l’Autriche et la France (où le président Chirac a opéré un revirement spectaculaire pour empêcher Nicolas Sarkozy de gagner du terrain) ont demandé à la Turquie de reconnaître la République de Chypre avant le 3 octobre… ce qui n’avait pourtant pas été exigé d’elle lors du sommet de Bruxelles de décembre 2004.
Fervent partisan de la candidature turque, le Royaume-Uni, qui assure la présidence tournante de l’Union, a partiellement déjoué cette tentative. La « contre-déclaration » élaborée par les ambassadeurs des Vingt-Cinq, qui répond au texte turc du 29 juillet, ne fixe pas à Ankara une échéance précise, comme le souhaitaient les Chypriotes grecs et Athènes. Mais elle stipule que la reconnaissance de tous les États membres est « un élément absolument nécessaire au processus d’adhésion » et que l’application de l’union douanière (notamment l’ouverture des ports et des aéroports turcs aux bateaux et aux avions chypriotes) est une « obligation », qui fera l’objet d’un bilan d’étape en 2006. Aussitôt, le ministère turc des Affaires étrangères fustigeait le caractère « partial » de cette déclaration dont « le style s’accorde mal avec l’esprit traditionnel de coopération qui a prévalu entre la Turquie et l’UE ».

Certes, à quelques jours du 3 octobre, les deux parties ont tout intérêt à faire monter les enchères. Mais il ne faut pas sous-estimer la vivacité de la réaction turque : l’immense majorité de la population, même lorsqu’elle est très favorable à l’adhésion à l’UE, est exaspérée qu’on exige d’elle toutes les concessions. « Il a été précisé que nos négociations d’adhésion, qui pourront durer dix ou quinze ans, sont susceptibles d’être interrompues « à tout moment ». Bref, on nous demande de faire des efforts considérables sans contrepartie ! » s’exclame un homme d’affaires. Au-delà de la date – importante – du 3 octobre, le réexamen de la question chypriote, en 2006, sera décisif pour l’avenir de la candidature turque.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires