Le premier débat Nixon-Kennedy à la télévision

Publié le 26 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Le débat télévisé retransmis de Chicago le 26 septembre 1960 a très probablement été le coup de pouce qui a permis au démocrate John Fitzgerald Kennedy de devancer le républicain Richard Milhous Nixon dans la course à la Maison Blanche. Pour la première fois, deux candidats présidentiels s’affrontaient sur le petit écran : c’était l’entrée en force de la télévision sur la scène politique.

À la veille du 26 septembre, Nixon devance encore son adversaire dans les sondages et semble avoir beaucoup d’atouts de son côté. Il est légèrement plus âgé – 47 ans, contre 43 – et surtout peut afficher une plus grande expérience politique. Membre de la Chambre des représentants depuis 1946, sénateur en 1950, il a été huit ans le vice-président de Dwight D. Eisenhower – jouant un rôle de premier plan lors des maladies d’Ike. Il a même tenu tête à Khrouchtchev lors d’un récent voyage à Moscou. Pour finir, il a su précédemment utiliser la télévision à la fois pour s’imposer aux côtés d’Eisenhower en 1952 et pour mener sa longue campagne contre Alger Hiss, ce fonctionnaire du département d’État accusé d’« activités antiaméricaines ».

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En face, Kennedy a l’avantage d’être le candidat d’un parti largement majoritaire au Congrès. C’est un héros de guerre : commandant du P.T. Boat 109 – un patrouilleur des garde-côtes -, il est éperonné dans les eaux des îles Salomon par un destroyer japonais. Mais après avoir dérivé trois jours et nagé d’île en île, il a réussi à sauver plusieurs membres de son équipage. Représentant du Massachusetts à la Chambre basse, il se fait élire, en 1952, à 35 ans, sénateur contre Henry Cabot Lodge Jr., pourtant l’héritier d’une vieille famille politique. Mais son parcours reste obscur et, surtout, il a beaucoup de raisons de déplaire. Richissime, diplômé de Harvard, il parle avec l’accent de l’Est et, last but not least, il est catholique d’origine irlandaise. Le monde politique se souvient du désastreux échec, en 1928, du catholique Al Smith. Rien n’indique, en outre, que Kennedy puisse compter, comme jadis Roosevelt, sur les voix des Noirs. Jusqu’ici, il ne s’est guère battu au Sénat pour les droits civiques.
Voilà donc les deux hommes face à face, ce 26 septembre, sous les yeux de 70 millions d’Américains, soit 60 % de la population adulte. D’un côté, un Nixon pâle et mal rasé, qui sort de quinze jours à l’hôpital après s’être blessé au genou. Amaigri d’une dizaine de kilos, il porte une chemise trop grande – et il refuse tout maquillage. De l’autre côté, un Kennedy bronzé au retour de plusieurs jours de campagne en Californie, qui se montre reposé et détendu. Il a choisi un costume sombre qui se détache sur le décor, contrairement au costume gris muraille de Nixon. Il sait quelle attitude adopter lorsque ce dernier parlera : les jambes croisées, les yeux fixés sur l’adversaire. Mais, lorsqu’il prend la parole, il regarde systématiquement la caméra, pas le journaliste qui lui a posé la question, comme le fait Nixon. Et jamais n’appelle ce dernier « Monsieur le Vice-Président ».

Sûrs d’eux, Nixon et ses conseillers ont accepté quatre débats. Le premier devait porter uniquement sur les problèmes de politique intérieure américaine. Le deuxième et le troisième seront consacrés aux îles Quemoy et Matsu, dépendantes de Taiwan et menacées par la Chine communiste. Celle-ci, en 1960, est encore loin d’être reconnue par l’Amérique. Au coeur du quatrième, Cuba, où Fidel Castro vient de renverser le dictateur Batista.
La particularité du débat du 26 septembre tient dans ce que la victoire s’est jouée moins sur le fond que sur la télégénie de Kennedy : les Américains qui ont suivi le duel à la radio donnaient plutôt Nixon vainqueur. JFK écartera le handicap catholique en répétant qu’il croit à « une Amérique où la séparation de l’Église et de l’État est absolue », et regagnera le vote noir en faisant libérer, en octobre, Martin Luther King abusivement condamné à quatre mois de travaux forcés dans un pénitencier de Géorgie.
Le résultat est finalement très serré : Kennedy obtient seulement une majorité populaire de 118 000 voix sur un total de 68 millions (soit 49,7 % contre 49,5 %). Ce qui lui donne 303 voix contre 219 au collège des grands électeurs.

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