Algérie : la planche à billets, une arme à double tranchant
Depuis un an, l’Algérie fait tourner la planche à billets à plein régime dans le but de compenser son déficit budgétaire. Une stratégie périlleuse, selon plusieurs économistes.
Les dirigeants algériens, qui avaient présenté le recours au financement non conventionnel – autrement dit la « planche à billets » – comme une solution « exceptionnelle », semblent être tombés dans un engrenage. D’après le dernier Journal officiel, publié le 2 décembre, la Banque d’Algérie a créé 420 milliards de dinars, soit environ 3,5 milliards de dollars, le 30 septembre.
C’est la troisième fois que l’État algérien fait tourner la planche à billets, depuis l’amendement de la loi sur la monnaie et le crédit, qui a introduit le financement non conventionnel au profit du Trésor public, en novembre 2017. En l’espace d’une année, la Banque d’Algérie a créé de cette manière plus de 4 005 milliards de dinars, soit près de 34 milliards de dollars. Une somme qui équivaut à 19% du PIB.
La solution pour résoudre la crise ?
L’objectif reste le même : combler le déficit budgétaire, estimé à 6,9% du PIB par la Banque mondiale. Le pays est également confronté à l’aggravation de sa dette intérieure. Elle est passée de 20,6% du PIB en 2016 à près de 40% cette année, selon les déclarations du Premier ministre Ahmed Ouyahia, lors du Forum d’affaires algéro-sud-coréen, qui s’est tenu le 17 décembre à Alger.
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Touché depuis trois ans par la chute de ses revenus pétroliers, le gouvernement algérien, qui refuse d’avoir recours à l’endettement extérieur, considère la planche à billets comme la seule issue pour éviter la faillite. Mais pour de nombreux économistes algériens, il s’agit surtout d’un moyen d’ajourner les réformes structurelles que les autorités avaient pourtant promis de mettre en œuvre pour en finir avec le modèle de l’économie rentière.
La planche à billets finance le déficit. Mais cela ne résout pas la crise budgétaire
« La planche à billets finance le déficit. Mais cela ne résout pas la crise budgétaire. Pour la résoudre, il faut des réformes en mesure d’équilibrer à terme les budgets : réforme des subventions, réformes fiscales, mais surtout réformes de l’environnement des affaires pour pouvoir créer de la richesse indépendamment des cours des hydrocarbures », estime Lies Kerrar, fondateur du cabinet de conseil Humilis Finance.
Risque d’inflation
Cet expert financier, à l’instar de nombreux autres économistes algériens, met en garde contre le financement non conventionnel. Une arme à double tranchant, étant donné le risque inflationniste, et dont les répercussions se feront sentir à moyen terme, assurent-ils.
La dépréciation du dinar deviendra inévitable et le choc d’inflation risque d’être brutal
« Il n’y a pas encore eu d’inflation importante à laquelle on aurait pu s’attendre. Principalement car le dinar n’a pas été suffisamment déprécié et car le système bancaire trouve des difficultés à transformer ses liquidités en financement. Néanmoins, lorsque les réserves de change, encore confortables, descendront en dessous d’une année d’importations, la dépréciation du dinar deviendra inévitable et le choc d’inflation risque d’être brutal », s’inquiète Lies Kerrar.
D’après les estimations du ministère des Finances, les réserves de change, qui s’élevaient à 193 milliards de dollars en 2013 – avant la crise pétrolière -, s’établiront à 85 milliards de dollars (soit l’équivalent de 18,8 mois d’importations) à la fin de l’année. Le matelas de devises continuera de diminuer pour atteindre 76,2 milliards de dollars en 2020 (soit 17,8 mois d’importations), selon la même source.
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