Une reprise encore timide

Hormis dans les secteurs des mines et de la construction, en forte croissance, les activités redémarrent péniblement. Le pays n’en dispose pas moins de nombreuses ressources et d’un marché de quelque 60 millions d’habitants.

Publié le 26 juillet 2004 Lecture : 6 minutes.

Si l’économie congolaise semble avoir arrêté sa course vers les abîmes, son redémarrage n’en reste pas moins timide. Plusieurs années de guerre et une insécurité qui règne encore dans l’est du pays en sont la cause. Pourtant, en dépit des difficultés, quelques secteurs d’activité relèvent la tête. Est-ce l’effet de la paix, même si celle-ci demeure bien fragile, et de l’injection d’argent frais par les bailleurs de fonds ? Qu’on ne s’y trompe pas ! À de rares exceptions près, il s’agit plus d’une stabilisation à un niveau extrêmement bas que d’une réelle croissance.
À l’évidence, au cours des dernières années, le secteur-phare de l’économie a été celui de la téléphonie mobile. Aujourd’hui, la RDC compte un bon nombre d’opérateurs, dont Starcel (ex-Telecel), Celtel, Oasis, Vodacom, Chine-Congo Telecom. Pour faire face à la forte demande, la plupart d’entre eux investissent pour élargir leur couverture, comptant notamment sur la réunification du territoire. Toutefois, ce secteur n’est plus vraiment un eldorado, certains opérateurs étant déjà confrontés à des problèmes de rentabilité. En revanche, le téléphone fixe a de l’avenir. Le groupe Congo Korea Telecom a investi 1,68 milliard de dollars (1,38 milliard d’euros) dans la mise en place d’un réseau de lignes fixes par câble au premier trimestre 2004. Par ailleurs, l’informatisation des entreprises et des administrations est loin d’être généralisée. Quant à Internet, il n’en est qu’à ses débuts. Des créneaux à exploiter.
Autre branche en expansion, le transport aérien, qui, en peu de temps, a vu se multiplier le nombre d’opérateurs. Actuellement, une quarantaine de sociétés, compagnies aériennes internationales, nationales et petits transporteurs privés, opèrent dans le pays.
La régularité du trafic international a permis à un privé congolais de se lancer dans le handling – assistance aéroportuaire logistique et au sol -, une place laissée vacante après la disparition de la compagnie belge Sabena. Dans cette filière, d’autres services, comme le catering, et notamment la confection de plats cuisinés pour les compagnies aériennes, sont à développer.
Stimulées par le va-et-vient continuel des « experts » envoyés par les organisations internationales, l’hôtellerie et la restauration connaissent des jours heureux. La capitale a notamment vu fleurir ici et là de nouveaux établissements. Dans le secteur des services, le transport collectif urbain a aussi connu une certaine frénésie ces dernières années, avec l’émergence d’une foule de petits transporteurs. Toutefois, l’offre reste insuffisante. Pour preuve, l’état de délabrement de la plupart des taxis et même des minibus. Mis à part ces services, les secteurs qui enregistrent un léger frémissement sont principalement les travaux publics et l’industrie primaire. C’est d’ailleurs sur eux que reposera l’essentiel de la reprise. Noyaux durs du Programme multisectoriel d’urgence, de reconstruction et de réhabilitation (PMURR), qui leur consacre une grande part de ses financements, les infrastructures qui bénéficient d’importants flux financiers extérieurs sont sans nul doute les branches où le risque d’investissement est le moins élevé. En tout cas, la réhabilitation de voiries urbaines, d’infrastructures maritimes, ferroviaires et fluviales, ainsi que la construction ou la réfection de routes font le bonheur des professionnels du BTP (bâtiment et travaux publics). En 2003, tirée par la demande intérieure en forte expansion, la production de ciment a fait un bond en avant, avec 311 446 tonnes consommées, soit deux fois plus qu’en 2000. Les chantiers à venir étant nombreux, la tendance devrait encore se confirmer !
Enfant chéri des autorités, l’industrie minière fait l’objet de toutes les attentions : adoption d’un nouveau code en 2002 et opérations marketing « à gogo ». On annonce même la tenue à Paris, en octobre 2004, d’un salon sur le potentiel diamantifère du pays. Certes, les contraintes à l’activité minière sont encore fortes : la richesse des gisements ne compense pas la vétusté du réseau de transport et les divers coûts d’exploitation. En outre, beaucoup dépend de l’évolution des cours et de la consolidation de la paix. Néanmoins, malgré ces obstacles, on constate une relance de la production et un retour progressif des grands noms du secteur : le leader mondial BHP Billiton, les canadiens First Quantum Minerals et Banro, le sud-africain AngloGold Ashanti, ou encore Anglo-American.
C’est dans le diamant que les signes de reprise sont les plus manifestes. En 2003, les flux de préfinancements reçus de l’étranger pour la commercialisation des matières précieuses issues de la production artisanale ont atteint 528 millions de dollars, contre 281 millions l’année précédente. Quant à la production, elle s’est établie à 27 millions de carats, dont 19 millions de carats pour l’activité artisanale (contre 15 millions en 2002) et 6,8 millions pour la Compagnie minière de Bakwanga (Miba), soit une hausse de 32 % en un an. La réouverture du fleuve Congo à la navigation et le calme revenu à Kisangani y sont pour quelque chose.
Du côté de la Gécamines, l’année 2003 fut plutôt catastrophique avec seulement 9 871 tonnes de cuivre et 2 389 tonnes de cobalt produites, contre respectivement 27 359 tonnes et 11 865 tonnes un an auparavant. En 2004, la compagnie espère multiplier par trois sa production.
Du côté de l’exploration, les choses bougent également. First Quantum Minerals, qui extrait déjà du cuivre de la mine de Lonshi, au Katanga, devrait démarrer un programme de prospection et de forages au sud de Lonshi et dans son projet de Lufua. AngloGold Ashanti devrait débuter ses activités d’exploration d’or dans le carré 40 de la célèbre concession de Kilo, située dans l’Ituri, au nord-est du pays. Toutefois, en raison de l’ampleur des investissements à consentir, la plupart des projets ne se traduiront pas par une augmentation de la production avant plusieurs années. Qu’à cela ne tienne ! Tout est fait pour redémarrer du bon pied. Ainsi, les sociétés minières parapubliques s’activent pour conclure des joint-ventures. Tel est le cas de la Gécamines, qui a récemment octroyé en partenariat 80 % de ses projets à des sociétés étrangères. Espoir également du côté de l’acier depuis la signature d’un accord entre une firme britannique, Steelmakers International, et Sosider (Société sidérurgique de Maluku), qui prévoit la création d’une nouvelle société, la Sosteel.
L’industrie forestière n’est pas en marge de la reprise. La vigueur de son activité en a même surpris plus d’un. De 24 696 m3 en 2000, le volume de bois exporté est passé à 87 916 m3 en 2003. On est toutefois encore loin du potentiel d’exploitation estimé à 6 millions de m3 par an ! Dans le domaine agricole, en revanche, la relance des activités est au point mort. En fait, les obstacles sont nombreux : absence d’infrastructures de transport, manque de pourvoir d’achat local, concurrence des produits importés. La production est essentiellement tournée vers l’autosubsistance et la plupart des plantations agro-industrielles sont dans un état lamentable. Certains produits comme le café arabica et l’huile de palme ne figurent même plus, depuis 2000, sur la liste des marchandises exportées. Seule la production de sucre se maintient.
Autre secteur en déconfiture, les banques. La RDC est l’un des pays les plus sous-bancarisés au monde. Le crédit bancaire n’existe pratiquement pas, même si quelques établissements de la place, qui exigent des garanties très élevées, recommencent à octroyer des prêts à court terme. À l’exception du ciment, des cigarettes, du tissage et de l’impression des tissus (Utexafrica), l’industrie manufacturière est, elle aussi, sinistrée. Les usines encore « sur pied » fonctionnent entre 15 % et 25 % de leur capacité. À Kinshasa, la zone industrielle est désespérément vide.
Quel que soit le secteur, la reprise dépendra avant tout d’un environnement juridique et réglementaire sécurisant et d’une meilleure offre dans les secteurs des transports, de l’énergie et de l’hydraulique.

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