Signes trompeurs

Publié le 26 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

Le monde entier croit que les Arabes dans leur ensemble, et avec eux, plus généralement, les pays d’islam, vivent tous sous la férule d’autocrates, entendent parler de la démocratie chez les autres, mais n’en bénéficient pas chez eux.
Ils ne seraient d’ailleurs pas doués pour cette forme de gouvernement à laquelle l’islam ne prédispose pas ou, même, s’oppose.

Un Ariel Sharon ne clame-t-il pas urbi et orbi que son pays est la seule démocratie du Moyen-Orient ? Oubliant de préciser que c’est une démocratie qui opprime une partie de ses citoyens et beaucoup de leurs congénères dans des territoires sous son contrôle.
Son ami George W. Bush ne dit-il pas de son côté qu’il s’est donné pour mission de démocratiser ce grand Moyen-Orient qui s’étend du Maroc au Pakistan et souffre d’un déficit démocratique perturbant ?
Les images des réunions de la Ligue arabe ou de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) ne montrent-elles pas aux Arabes, aux musulmans – et au monde – une brochette de monarques et de présidents connus pour ne pas croire à la démocratie et ne pas la pratiquer ?
L’action et les déclarations des islamistes, le bruit qu’ils font, le langage qu’ils tiennent et la violence qu’ils répandent ne contribuent-ils pas à persuader les gens que cet islam, qu’ils prétendent incarner, n’est pas une religion de dialogue et de débat, mais d’intolérance et d’affrontement ?
Aussi forts soient-ils, ces signes sont trompeurs, et je dois dire que moi-même je me suis laissé tromper. Ce n’est qu’en regardant de plus près que j’ai découvert qu’une bonne partie du monde musulman et quelques pays arabes sont déjà entrés dans l’aire de la démocratie.

la suite après cette publicité

Sur le continent africain, deux pays subsahariens, le Sénégal et le Mali, sont à la fois musulmans et d’incontestables démocraties. Quant aux pays de l’Union du Maghreb arabe (UMA), quatre sur cinq sont, depuis le début du siècle, en phase prédémocratique plus ou moins assurée. Ils ne sont pas au même niveau, mais leurs grands partenaires, l’Union européenne et les États-Unis, demandent aux retardataires de presser le pas.
À l’exception notable de la Turquie, le Moyen-Orient, lui, fait effectivement problème : la plupart de ses dirigeants renâclent devant « l’aventure démocratique ».

L’Asie, en revanche, donne à plus de 400 millions de musulmans – près du tiers – la chance de pouvoir montrer qu’on peut être démocrate et bon musulman : cela va de l’Inde à l’Indonésie en passant par la Malaisie.
Considérons le cas de l’Indonésie qui vient de voter et votera à nouveau le 20 septembre prochain (2e tour) pour élire son président. Je vous donne à lire ce que vient d’écrire à son sujet l’un de nos maîtres ès démocraties, l’ex-président des États-Unis, Jimmy Carter, et lui laisse le dernier mot :
« Avec 235 millions d’habitants issus de 100 groupes ethniques parlant 300 langues et dialectes différents, l’Indonésie est une société diversifiée et complexe. Elle est de loin la plus grande nation islamique du monde : les musulmans représentent 87 % de sa population. Ce groupe religieux dominant coexiste avec des chrétiens, des hindouistes et d’autres pour former un gouvernement laïc.
« La Constitution a été modifiée pour permettre l’élection du président et du vice-président au suffrage universel direct. Une commission électorale (KPU), comprenant neuf professeurs de l’enseignement supérieur, contrôle que le processus est uniforme à travers tout le pays. Une Cour constitutionnelle règle rapidement tous les conflits issus du processus électoral, et sa décision est sans appel.
« Le 5 juillet, 86 % des inscrits ont voté, et le scrutin s’est avéré être libre, juste et transparent.
« Il est intéressant de noter par ailleurs que les trois plus grandes démocraties du monde sont dominées, chacune, par une religion différente : hindouisme en Inde, chrétienté aux États-Unis et islam en Indonésie. »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires