Serge Reggiani
L’artiste français est décédé le 23 juillet à Paris
Serge Reggiani s’est éteint dans la nuit du 22 au 23 juillet. Selon l’état civil, il était né le 2 mai 1922 à Reggio Emilia, petite ville d’Émilie-Romagne, dans le nord de l’Italie. Mais n’était-ce pas plutôt en cette nuit de novembre 1930 qui le vit arriver avec ses parents à Paris, gare de Lyon, sous une pluie battante, fuyant la dictature de Mussolini ? C’est en tout cas depuis le salon de coiffure familial, Faubourg Saint-Denis, que le jeune Serge découvre la vie et ses charmes, ceux des dames du trottoir et ceux de la ville qu’il parcourt avec ses copains. Il se passionne pour la boxe et rêve de faire du cinéma. Apprenti coiffeur à 13 ans, il réussit le concours d’entrée au Conservatoire des arts cinématographiques, avant de se diriger vers le « vrai » conservatoire, celui d’art dramatique, où il est reçu en 1939. Il en sortira deux ans plus tard avec deux prix de tragédie et de comédie.
De scènes de théâtre en plateaux de tournage, cigarette au bec et sourire gouailleur, Reggiani jette à corps perdu son profil de jeune premier dans une carrière marathon, bientôt émaillée de chefs-d’oeuvre. En 1951, il forme l’un des plus beaux couples du cinéma français avec Simone Signoret dans Casque d’or. Suivront notamment Une fille dangereuse, que Reggiani tourne aux côtés de Jean Gabin en 1953, ou La Dernière Attaque, où il donne la réplique au vrai « dur » du cinéma américain Jack Palance. Heureux qui a pu voir, entre 1959 et 1963, l’une des cinq cents représentations des Séquestrés d’Altona, de Jean-Paul Sartre, où un Reggiani aux limites de la folie éructe jusqu’à l’épuisement la haine des autres et de soi et la culpabilité qui habite l’infâme nazi Franz von Gerlach.
En 1957, il rencontre un nouvel amour en la personne d’Annie Noël. Trois enfants, Celia, Simon et Maria, viendront, au fil du temps, rejoindre Stephan et Carine, qu’il a eus avec sa première épouse, Jeanine Darcey. Heureux ? Parfois. De sa maison de Mougins, il aime faire un saut jusqu’à l’hôtel-restaurant de la Colombe d’or, aux portes de Saint-Paul-de-Vence. Il y refait le monde avec Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, à moins qu’il ne joue à la pétanque en compagnie de Jacques Prévert, Georges Braque, Yves Montand et Simone Signoret ou Picasso. On peut rêver pire sort.
1962 est un tournant. Non seulement Reggiani tourne successivement Le Guépard de Luchino Visconti et Le Doulos de Jean-Pierre Melville, mais il enregistre également vingt et une courtes chansons pour illustrer une pièce radiophonique dans laquelle il donne la réplique à Simone Valère. C’est, dans la discrétion et presque par hasard, l’aube d’une nouvelle carrière. Quatre ans plus tard, il « mouille sa chemise » en première partie d’un récital de Barbara, à Bobino. Le public découvre une voix grave et chaude comme une bouffée de gitane. Viendront des textes à jamais inoubliables. Georges Moustaki signe pour lui « Ma solitude », « Ma liberté » et surtout « Sarah », cette femme qui est dans son lit et n’a plus 20 ans depuis longtemps. Ses talents de comédien lui permettent de donner à ses chansons une dimension scénique poignante, accentuée par son physique de baroudeur de la vie. Des yeux circonflexes soulignés de pattes d’oie, des bras qui s’ouvrent comme pour embrasser la lumière qui l’entoure, « c’est moi, c’est l’Italien »…
Un homme libre, un artiste complet dont le talent explose à chaque occasion. En peinture, par exemple. « Peindre me repose, me relaxe. C’est quelque chose qui m’échappe. La peinture vient à moi, pas le contraire », expliquait-il en 2003. Il suffirait de presque rien, peut-être dix années de moins pour qu’une nouvelle carrière s’ouvre à lui. Mais sous le pont Mirabeau coule inexorablement la Seine, et ses amours. Faut-il qu’on s’en souvienne, au premier jour du printemps 2003 il a épousé Noëlle, sa compagne depuis plus de trente ans. Aujourd’hui, « Madame Nostalgie » peut répandre partout sa mélancolie, Reggiani nous a salués, comme dans ses récitals, une main sur le coeur.
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