Vidia Mooneegan : « Le savoir-faire des Mauriciens mérite d’être connu »
Maurice peut-il devenir une plateforme de services majeure entre l’Asie et l’Afrique ? Les réponses de Vidia Mooneegan, directeur général de Ceridian, expert en ressources humaines.
Maurice, une ambition africaine
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Spécialisé dans la gestion des ressources humaines au service des grandes multinationales et présent dans une cinquantaine de pays, le groupe Ceridian s’est implanté en 2004 à Maurice, où il emploie plus de 700 personnes, pour un chiffre d’affaires annuel de 20 millions de dollars (près de 15 millions d’euros). Son directeur général, Vidia Mooneegan, 45 ans, est considéré comme l’un des pionniers de l’offshoring (délocalisation des activités de services ou de production des entreprises) dans le monde.
Propos recueillis à Port Louis par Olivier Caslin
Jeune Afrique : Maurice veut devenir une plateforme financière et une plateforme de services pour les entreprises désireuses de prendre pied en Afrique. Quels sont ses meilleurs arguments ?
Vidia Mooneegan : Les mêmes que ceux de Hong Kong avec la Chine. Outre sa proximité géographique et culturelle avec le continent, l’île est aussi située entre l’Afrique et l’Asie, qui vont connaître les taux de croissance les plus élevés dans le monde au cours des cinquante prochaines années. Sa population très diversifiée (originaire d’Afrique, d’Asie, d’Europe…) lui donne une identité universelle très favorable au développement des affaires.
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Maurice peut également s’appuyer sur ses atouts structurels. C’est une économie dont le sérieux est mondialement reconnu, avec un secteur bancaire très rigoureux, très encadré. Enfin, le pays a acquis des compétences indéniables en matière d’offshoring, avec une qualité de prestations au moins équivalente à ce que l’on peut trouver en Europe ou en Amérique du Nord, mais pour un coût inférieur d’un tiers.
Que manque-t-il donc à Maurice pour atteindre son objectif ?
Une plus grande visibilité internationale. Le pays doit davantage communiquer sur son savoir-faire, notamment dans le domaine des nouvelles industries, comme les biotechnologies, qui démarrent très fort ici.
Attention néanmoins à ne pas se disperser. Il faut définir les deux ou trois filières dans lesquelles nous pouvons vraiment apporter quelque chose de différent, et tout le monde – universités, secteur privé, organismes de promotion de l’investissement… – doit se concentrer sur ces secteurs.
Le pays dispose-t-il de ressources humaines suffisantes en nombre et en compétence ?
Pas encore. Mais pourquoi ne pas prendre exemple sur Dubaï ou Singapour, en faisant venir de l’étranger une main-d’oeuvre qualifiée, voire hautement qualifiée, qui permettra de combler nos manques en matière de compétence et d’expertise ? En plus de doper l’économie et la consommation, cela permettrait à l’État d’obtenir davantage de rentrées fiscales. Le tout sous contrôle très étroit des pouvoirs publics, pour éviter les problèmes avec les populations locales.
Par ailleurs, de très nombreux Mauriciens partent étudier dans les meilleures universités européennes ou américaines et ont déjà compris qu’ils ont de meilleures perspectives ici qu’en Occident. La diaspora a un rôle très important à jouer en la matière.
Comment expliquez-vous le taux de chômage important des jeunes ?
Ils n’ont pas les diplômes attendus par le marché local de l’emploi. Le système éducatif est resté trop académique. Dans une économie de services, il faut développer d’autres compétences, ce qu’on appelle les soft skills, c’est-à-dire le sens de l’organisation et de l’initiative, la flexibilité et la polyvalence, les capacités à gérer un projet, à faire preuve de créativité, à assumer des responsabilités.
Aujourd’hui, nous avons par exemple trop de banquiers et de financiers, alors que nous manquons de cadres dans les technologies de l’information et de la communication. Il faut d’urgence réorienter les jeunes vers des carrières mieux indiquées, notamment dans le domaine de l’informatique, où nous n’avons pas assez de personnel qualifié.
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