Pluie de dollars sur Kinshasa

Après avoir longtemps « boudé » le pays, la communauté internationale a rouvert généreusement les robinets de l’aide publique.

Publié le 26 juillet 2004 Lecture : 5 minutes.

Après l’avoir boudée pendant longtemps, ils sont tous revenus. Et dans leurs bagages, il n’y a pas que des promesses. Il y a aussi du sonnant et du trébuchant ! Pour preuve. En 2004, ce sont quelque 1,08 milliard de dollars qui seront décaissés en faveur de la République démocratique du Congo (RDC). Et pas moins de 1,2 milliard en 2005. C’est du moins ce qui a été annoncé lors de la réunion du groupe consultatif qui s’est tenue en décembre 2003 à Paris. Voilà pour le palpable. Quant aux engagements, ils portent sur 3,9 milliards de dollars pour la période 2004-2006. Et certainement plus, si les réformes se réalisent au rythme escompté. De quoi financer l’ensemble des projets du pays, dont le Programme multisectoriel d’urgence, de réhabilitation et de reconstruction (PMURR) et le Programme économique du gouvernement (PEG) constituent les deux piliers.
Si cette manne traduit la volonté des bailleurs de fonds de soutenir la transition politique et la reconstruction du pays, elle n’a toutefois pas été apportée sur un plateau. La RDC a dû y mettre du sien. Réformes structurelles par-ci, stabilisation macroéconomique par-là… Il a fallu donner des gages de « bonne gouvernance » ! La mise en place, le 30 juin 2003, d’un gouvernement d’union nationale donna un coup de pouce décisif, les preuves de bonne volonté politique étant démontrées.
C’est à partir de 2001 que les premières aides, autres qu’humanitaires, ont commencé à arriver en RDC, avec le lancement du Programme intérimaire renforcé (PIR), destiné à arrêter la dégradation de la situation économique. Le 13 avril 2002, place au PEG, un programme de réformes macroéconomiques et structurelles, qui est appuyé par un crédit de 750 millions de dollars du Fonds monétaire international (FMI) et quelque 450 millions de dollars émanant de la Banque mondiale dans le cadre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC), prévue sur trois ans. Une première bouffée d’oxygène ! Les institutions de Bretton Woods donnant généralement le signal de départ, les autres bailleurs se lancent très vite dans la course. Outre les partenaires bilatéraux, dont la Belgique, la France, les États-Unis, le Japon et la Grande-Bretagne, d’autres s’engagent à soutenir la RDC. Ainsi, l’Union européenne (UE) accorde un crédit de 205 millions d’euros pour financer, entre autres, la réduction de la pauvreté.
La dette publique extérieure profitera, elle aussi, des bonnes dispositions des bailleurs. En septembre 2002, les créanciers du Club de Paris s’accordent sur l’annulation immédiate du tiers de cette dette, soit 4,6 milliards de dollars. En outre, l’accession, le 23 juillet 2003, au point de décision de l’initiative de réduction de la dette en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE), à laquelle la RDC est éligible, représente à terme un allègement d’environ 10 milliards de dollars de la dette extérieure. Sous réserve que le Document sur la stratégie de réduction de la pauvreté et les réformes structurelles soit finalisé. La RDC reprend son souffle !
En février 2004, la Banque mondiale fait un nouvel effort avec l’octroi d’un crédit de relance économique de 200 millions de dollars, qui s’ajoute à d’autres financements de projets. Mais les appuis financiers destinés à soutenir le budget et les réformes macroéconomiques ne constituent toutefois qu’une partie des contributions extérieures. Le gros de la manne va à des projets d’investissements dont le PMURR constitue le cadre de réalisation. Avec lui, les actions prennent alors une autre dimension. La logique de cette initiative est simple. Exit les éléphants blancs du passé ! Il faut établir des priorités. Place donc aux grands travaux de reconstruction et de réhabilitation des infrastructures clés (transports, énergie, eau) qui absorberont près de 70 % du total des financements. Secteur vital, l’énergie électrique fait l’objet d’un projet complémentaire de 200 millions de dollars. Mais un pays ne fonctionne pas qu’avec des infrastructures. D’où un large volet social qui comprend la lutte contre le sida, la santé, l’éducation, l’agriculture et le développement rural, et un appui aux institutions.
L’aire géographique, et, partant, les secteurs couverts par le PMURR ont évolué au fil des changements politiques. Le programme initial se limitait au territoire gouvernemental, soit le sud et l’ouest du pays, puisque ses grandes lignes avaient été définies en 2002. Aujourd’hui, le PMURR élargi, vise, lui, l’intégralité du territoire. Du coup, les besoins de financement sont montés en flèche. Évalué au départ à 1,7 milliard de dollars, le coût du programme élargi pourrait doubler. La Banque mondiale, qui y contribue à hauteur de 454 millions de dollars, n’est pas le seul banquier du programme, loin s’en faut. Les autres bailleurs, tant multilatéraux – l’UE, la Banque africaine de développement (BAD) ou la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea) – que bilatéraux, apportent aussi leur contribution.
Depuis le début de l’année 2004, c’est d’ailleurs une pluie de dollars et d’euros qui est déversée sur la RDC. En février, la France chiffrait à 50 millions d’euros son soutien, sur deux ans, au géant de l’Afrique centrale. Elle s’est également dite prête à passer l’éponge sur 620 millions d’euros de dette publique – qui s’ajouteront au milliard programmé en 2003 – dans le cadre de l’initiative PPTE.
En mars, trois accords sont signés entre l’UE et la RDC, au titre de l’Accord de Cotonou, pour un montant de 43,9 millions d’euros, dont plus de la moitié destinée aux régions de l’Est. En juin, l’UE récidive avec une contribution de 80 millions d’euros pour financer le processus électoral. En mai, c’est au tour de la BAD d’annoncer le déblocage de 80 millions de dollars qui seront consacrés à des projets sociaux et agricoles. À elle seule l’agriculture en captera 36,3 millions.
Le gouvernement britannique n’est pas en reste : 38 millions de dollars d’aide bilatérale prévus pour 2003-2004. En outre, il a débloqué 13,4 millions de dollars par le biais de l’UE, 40 millions via la Banque mondiale, 53,6 millions par le canal de l’ONU et 2,3 millions pour l’aide humanitaire. Même l’Afrique du Sud, qui a scellé récemment un accord de coopération avec la RDC, et la Chine sont de la partie.
La reconstruction de la RDC, ce sont aussi la démobilisation et la réinsertion des ex-combattants qui comptent dans leurs rangs une ribambelle d’enfants-soldats. Elle est financée par un programme national de démobilisation et de réinsertion et via le Programme multipays de démobilisation et de réintégration (PMDR) qui couvre l’Afrique centrale et la région des Grands Lacs, un trust fund (fonds multipartenaire) alimenté par divers bailleurs et géré par la Banque mondiale. Pour la RDC, ce sont quelque 120 millions de dollars à la clé. Le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) coordonne cette initiative, appuyé par la Mission d’observation des Nations unies en RDC (Monuc) et l’Unicef. Il intervient également sur un volet de protection, réinsertion et reclassement des déplacés de guerre, et sur un programme de lutte contre le sida. Et l’on en oublie ! Nombreux sont ceux, acteurs multilatéraux et bilatéraux, de la coopération décentralisée, ONG, associations, qui manifestent leur soutien à ce vaste pays déchiré par des années de conflit ! Reste à confirmer que la guerre est bien terminée.

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