Opération séduction

La succession des visites ministérielles françaises à Alger ne doit pas faire illusion. C’est sur le plan militaire que le rapprochement est le plus sensible.

Publié le 26 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

Le rythme des visites ministérielles françaises à Alger s’est emballé durant ce début de deuxième mandat d’Abdelaziz Bouteflika : Nicolas Sarkozy, ministre des Finances, en mai ; Michel Barnier, chef de la diplomatie, les 12 et 13 juillet ; Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, du 16 au 18 juillet ; et Sarkozy, à nouveau, le 27 juillet. Ces cinq dernières années, le chef de l’État algérien s’était rendu à neuf reprises à Paris. Le président Jacques Chirac a retrouvé ses émotions algériennes à l’occasion de bains de foule à Alger et à Oran, en mars 2003, puis il est revenu à Alger, le 15 avril 2004, féliciter de vive voix Bouteflika pour sa victoire électorale.
Des deux côtés de la Méditerranée, les officiels ne parlent que de partenariat d’exception. Grandiloquence gaullienne ? Lyrisme arabo-berbère ? Les formules enthousiastes ne peuvent cacher une réalité : aucun bouleversement stratégique à l’horizon. Sur la question du Sahara occidental, Alger et Paris campent sur des positions inconciliables. D’autres sujets restent sensibles. Les harkis ? Une question humanitaire, dit-on au Quai d’Orsay ; une affaire franco-française, selon un diplomate algérien. En fin de compte, le règlement de ce dossier se voit renvoyer aux calendes grecques de voyages officiels en visites de travail.
Le déplacement de Michèle Alliot-Marie a particulièrement retenu l’attention, car c’est le premier ministre français de la Défense à se rendre à Alger depuis l’indépendance du pays, en 1962. Au-delà de la charge symbolique, cette visite a donné l’illusion de l’exception. Mais, très vite, on s’est rendu compte que la priorité de la ministre française tournait autour de la coopération euro-méditerranéenne et la réunion des ministres de la Défense des 4 + 3 (Espagne, France, Italie et Portugal pour le sud de l’Europe ; Algérie, Maroc, Tunisie, côté Maghreb ) prévue à Paris en septembre.
Et le bilatéral ? Les échanges entre les armées algérienne et française auront-ils la même consistance que ceux nés des derniers accords de défense signés entre les deux pays en 1967 et 1984 ? À l’instar de tous les généraux algériens qui comptent aujourd’hui, les officiers supérieurs continueront à bénéficier de cycles de formation à l’École de guerre de Paris. Ce type de formation sera ouvert aux officiers subalternes et aux sous-officiers. Objectif : mettre à niveau le militaire algérien et lui permettre de travailler de concert avec son homologue français grâce à un matériel interopérable fourni par Paris. Modernisation de l’équipement électronique de l’aviation militaire, haute technologie en matière de surveillance du territoire : de gros marchés en perspective pour les industriels français. Précision toutefois : la France fournira exclusivement du matériel défensif. Pas question de froisser l’ami marocain sans pour autant abandonner l’idée de séduire le client algérien dont l’aisance financière attire toutes les convoitises.
Sur le plan diplomatique, Sahara occidental exclu, de nombreux dossiers devraient trouver des solutions avant l’élaboration du traité d’amitié dont la signature est prévue en 2005. Pour les Algériens, la priorité devrait être accordée à la circulation des personnes. En d’autres termes, les visas. L’ambassade de France ne traite pas les demandes localement. Un service spécial basé à Nantes (ouest de la France) s’en charge depuis près d’une décennie. Michel Barnier a promis, le 13 juillet, que le règlement de cette question interviendrait bientôt grâce à la reprise d’activités consulaires normales à Alger. Par ailleurs, il a annoncé la réouverture prochaine du consulat de France à Oran, fermé depuis 1974.
Quant aux relations économiques, elles n’ont jamais cessé de se développer depuis plus de trente ans, quand le gouvernement algérien avait nationalisé, en février 1972, les compagnies pétrolières françaises installées à Hassi Messaoud. La France est toujours le premier fournisseur et le troisième client de l’Algérie. La montée en puissance de l’investissement public et les 10 milliards de dollars du deuxième plan de relance économique (2005-2007) donnent à Alger de sérieux arguments de séduction. C’est cela, l’amour ?

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