À l’ombre du volcan

Ravagée par la guerre, dévastée par une coulée de lave, la ville de Goma renaît peu à peu de ses cendres. Et retrouve une certaine animation.

Publié le 26 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

A plus de 2 000 km de Kinshasa, voici « la Suisse du Congo ». Bienvenue à Goma, cité aux multiples visages : ville-martyre et merveille de la nature. Éventrée en janvier 2002 par l’éruption du volcan Nyarigongo, elle porte les stigmates du passage dévastateur de la lave. Tout le centre-ville a été « effacé », traversé par une rivière incandescente, qui a laissé la place à un sol brûlé. Mais Goma panse ses plaies. De nouveaux bâtiments émergent de terre à l’ouest de l’agglomération. La ville déménage progressivement. Sur les berges du lac Kivu, les belles bâtisses « les pieds dans l’eau » donnent à la ville des allures de station balnéaire. Avec ses paysages paradisiaques, ses eucalyptus alignés, ses jardins gazonnés qui bordent le lac, Goma n’a pas usurpé sa place de principale destination touristique du pays. L’air y est frais, et le mercure immobilisé toute l’année aux alentours de 17 °C. Dans le quartier Himbi qui longe le lac, les lieux d’animation pullulent : de l’hôtel Stella Matutina au restaurant « sur berge » Le Chalet, de l’hôtel Ihusi (qui donne une vue imprenable sur Gisenyi, la ville rwandaise juchée sur des collines, sur l’autre rive du lac) au « Musée », la vaste demeure de l’ancien président Mobutu. Ce « château » accueille aujourd’hui les bureaux du gouverneur du Nord-Kivu, Eugène Serufuli, baron du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), l’ancienne rébellion de l’Est reconvertie en parti politique.
L’accaparement des berges par les résidences des anciens dignitaires mobutistes ne laisse à la population locale qu’un accès étroit au lac : la « Plage du peuple », une bande de terre grouillant de monde. Les enfants se baignent. Les femmes lavent le linge et l’étalent sur des rochers. Les hommes remplissent des bidons jaunes transportés par des voitures pour approvisionner les quartiers de la ville en rupture d’eau courante. Au crépuscule, la plage offre un formidable spectacle de sons et de couleurs.
Les habitants de Goma sont visiblement affectés par les guerres et les catastrophes naturelles. Mais ils ne renoncent pas. Ils pêchent, cultivent, élèvent du bétail… Le petit commerce explose. Sur les artères de la ville, tout se vend et s’achète : de la friperie, de la quincaillerie, de la maroquinerie, des objets usagés de toutes sortes… Le rond-point des Banques, vestige de l’ancien centre-ville, renoue avec l’animation du bon vieux temps. Les cambistes s’affairent. Les cybercafés et les échoppes s’animent. La circulation se densifie, avec les nombreuses grosses cylindrées des organismes onusiens et ONG humanitaires présents dans la ville. Les loisirs reprennent leurs droits. La nuit de Goma se colore. La jeunesse dorée se retrouve au Sens Unique, un night-club branché qui vibre au rythme du ndombolo, de la rumba, mais aussi de sonorités internationales en vogue (rap, techno…). Les « humanitaires », plus fortunés, se retrouvent dans des endroits plus sélects : le Doga, un cabaret tenu par un ex-fonctionnaire de l’ONU reconverti dans le business du loisir, et le Coco Jambo, une boîte de nuit huppée.
La dégradation de la situation humanitaire de Goma contraste avec le dynamisme de sa population. Grenier du Congo situé dans une région d’élevage et d’agriculture, Goma approvisionne le Sud-Kivu, le Kasaï et le Maniema. Son aéroport voit décoller chaque jour des avions transportant haricots, arachide, manioc, pommes de terre, viande de boeuf et fromage. Mais y arrivent aussi des biens manufacturés et des produits pétroliers importés de Dubaï ou d’Europe via le port de Mombasa. Ce lieu paradisiaque défiguré par les guerres et les catastrophes naturelles est indéniablement riche. Dommage que ses atouts aient été si souvent gaspillés.

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