Lettre ouverte aux Palestiniens

Publié le 26 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

Depuis quelque temps, les affaires intérieures palestiniennes vont mal. Elles n’ont fait qu’empirer depuis le départ d’Abou Mazen. Son remplacement, à la tête du gouvernement, par Abou Ala, n’a rien changé aux problèmes existants, non seulement entre le gouvernement et l’Autorité palestinienne, mais aussi entre les deux niveaux de l’exécutif d’une part, et, de l’autre, les factions qui prétendent chacune mener sa lutte à sa guise. Cette gabegie déconsidère un combat longtemps exalté par l’opinion internationale. Elle permet à l’administration américaine, à bout de souffle, de trouver une justification au report des échéances annoncées.
Il faut donc remettre les pendules à l’heure – celle des impératifs catégoriques inhérents à la situation tragique du peuple palestinien, qu’aucune instance de la lutte n’a le droit d’enfreindre.

Le premier de ces impératifs est de tenir tête à Sharon, de l’empêcher de gagner, au sein de la société israélienne, la bataille du mur et de se poser, aux yeux de l’opinion occidentale, en « homme de paix », selon les termes du président Bush.
Mais il n’est pas moins important que toutes les organisations qui ont acquis leur prestige dans le combat ne perdent jamais de vue cette vérité essentielle : l’indépendance – pour laquelle elles luttent depuis des décennies – n’est qu’un moyen pour avoir le droit d’édifier une société moderne et saine qui puisse éventuellement servir de modèle à d’autres peuples de la région. Cette entreprise commence dès l’étape de la lutte, sous peine de laisser s’installer de mauvaises habitudes qu’il sera ensuite difficile d’extirper.

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Enfin, il est capital de ne pas se tromper d’ennemi et de ne jamais prendre l’ONU pour adversaire. Cette organisation reste, malgré ses carences, le seul secours des faibles et leur seul espoir de faire avancer leurs justes causes.
Au regard de ces obligations impérieuses, les dissensions intestines sont vaines. Elles sont coupables. Les multiples organisations de lutte doivent le comprendre et coopérer loyalement avec l’exécutif palestinien pour l’aider à maintenir le cap, au milieu du champ d’écueils où il est condamné à naviguer.
À chaque période ses moyens de lutte appropriés, politiques, diplomatiques et de communication. Mais il est temps que ces organisations comprennent que leur combat perd de sa justification s’il demeure stérile. À vouloir la lune, elles mènent une action improductive, souvent contre-productive. Il leur faut donc s’en tenir à une stratégie claire, celle que le Conseil palestinien a décidée en 1986, à Alger, à la suite du plan arabe de paix proclamé par le Sommet de Fès en 1982. En dehors de la légalité onusienne, nul espoir de paix, nul recours de justice. Si le char palestinien continue à être tiré à hue et à dia – ce qui est déjà aujourd’hui une calamité pour le peuple palestinien -, ce sera, demain, le triomphe de la stratégie likoudienne qui consiste à toujours pousser les dirigeants palestiniens dans des voies sans issue.

Je connais le président Arafat et sa façon de penser. Il est derrière les décisions de 1982 et de 1986. Sans son accord, sans son appui, elles n’auraient pas été possibles. Pour actualiser ce que j’appellerai la doctrine Arafat, soutenue par les propositions du vice-roi Abdallah au Sommet arabe de Beyrouth, il conviendrait de tirer parti des documents élaborés par des instances crédibles sur le plan international. Je pense à la feuille de route parrainée par le Quartette et à l’Accord de Genève, négocié entre Yasser Abed Rabbo et Yossi Beilin. Ce plan a le mérite d’être clair et exhaustif – et surtout d’avoir l’aval de deux personnalités de poids. Rien ne pourrait mieux faire échouer les menées du gouvernement Sharon qu’une décision forte que prendraient les principales organisations de lutte, pour revendiquer à la fois l’Accord de Genève et la feuille de route. J’ajouterai que le crédit de ces organisations serait hautement renforcé si elles annonçaient leur intention de créer un comité d’étude ad hoc pour faire la synthèse des deux documents, en comblant les lacunes de la feuille de route par des propositions concrètes, telles que décidées par les deux protagonistes israélien et palestinien.
Les différents acteurs de la scène palestinienne sont-ils mûrs pour un tel comportement ? Peuvent-ils transcender leurs dérisoires querelles et ne penser désormais qu’à l’avenir de leur peuple – meurtri par d’incessants coups de boutoir et éprouvé par de continuelles désespérances ?
La valeur d’un combat et la maturité de ses dirigeants se mesurent aussi à ce courage d’accepter des décisions de paix difficiles, mais nécessaires.

* Ancien secrétaire général de la Ligue arabe.

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