« Le Petit Futé » : à nous deux Pékin !

Publié le 26 juillet 2004 Lecture : 2 minutes.

Etre malin, quand on crée une boîte sans capitaux, ça consiste à se développer en catimini en faisant croire qu’on n’est rien. Pour ne pas aiguiser la convoitise de rivaux. À ce jeu, Dominique Auzias excelle. Si vous le croisez et qu’il ne vous connaît pas, il vous glissera peut-être, l’air détaché : « Oh, on fait quelques bouquins en Chine… » En fait, le bougre est devenu le premier éditeur de guides en chinois, avec 66 titres.
Cet envol international débute en 1989. À l’époque, Le Petit Futé est déjà un « grand » des guides. Mais avec un problème : « Nous avions le handicap d’être français. Avec seulement 30 titres en anglais, nous pesions 10 % de Lonely Planet sur un secteur où les places sont très chères. Alors on a décidé qu’il fallait, avant les autres, rafler fissa le marché des guides en russe et en chinois. »
Auzias, qui a visité 160 pays « y compris la Corée du Nord », est fasciné par la Russie. Il est aussi intarissable sur la Iakoutie que sur le Tatarstan ou l’Ingouchie. Le Petit Futé s’implante en Russie en 1993, et s’y développe deux ans plus tard en rachetant Avant-Garde, une société de livres de luxe créée par Flammarion, qui ne marchait pas.
L’affaire ne traîne pas : 24 titres sortent en 1996, 60 en 1998.
Aujourd’hui, Le Petit Futé est leader sur le marché russe. Dans ce pays dont 10 millions d’habitants partent en voyage, il vend 1,5 million d’exemplaires.
Dans la foulée, Le Petit Futé se lance à la conquête de la Chine en 1996. La botte secrète d’Auzias est d’y avoir déniché un petit rusé – mimétisme oblige – en la personne de Fabrice Spindler, 26 ans, un jeune autodidacte français qui a préféré
aller réussir en Chine parce que « c’est plus facile qu’en France ». Cet associé à 50/50, qui parle chinois et a épousé une Australienne, est lui-même associé avec un éditeur chinois proche du Parti communiste, ce qui a assuré la distribution dans près de 800 points de vente. La première édition en chinois sort en 1998. Aujourd’hui, les guides sont vendus dans 180 des plus grandes villes de l’empire du Milieu. Un Chinois qui veut visiter Istanbul ou Boston le fera un Petit Futé à la main, avec son logo composé de trois idéogrammes Pei, Ti et Fu, qui, selon Auzias, signifient « étranger », « beaucoup », « bonheur »… Quatre cent mille Chinois ont visité Paris l’an passé. Très bientôt, ils seront plusieurs millions. À leur intention, Auzias a lancé Yoo !, un magazine touristique bimestriel entièrement en chinois tiré à 100 000 exemplaires.
On aura rarement vu créateur ressembler autant au logo de sa boîte. Au point qu’on a du mal à faire le tour de toutes les ruses d’exploitation du filon. C’est sans fin… Au-delà des 680 destinations en guides de voyage, couvrant 170 pays, il y a des guides thématiques (guides des maisons d’écrivains et d’artistes, des voyages fluviaux, du tourisme accessible aux handicapés, des fêtes gourmandes…), mais aussi des guides de « vacances spirituelles », de vocations religieuses (en cours de réalisation avec l’aide d’un cardinal), du Paris gay et lesbien, des fêtes et ferias, etc.

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