La « révolution » a 10 ans

Publié le 26 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

La capitale gambienne a fait peau neuve pour fêter avec éclat l’anniversaire de la révolution du 22 juillet. Les principales artères de Banjul ont été nettoyées, parées de banderoles et de panneaux qui, tous, déclinaient le même message : « La Gambie célèbre dix ans de progrès et de développement », tandis que les hôtels de la capitale affichaient « complet » et que des check-points gardés par la police avaient été érigés çà et là pour « filtrer » le passage vers les lieux où étaient descendues les délégations.
Une décennie jour pour jour après le coup d’État qui a porté au pouvoir Yahya A.J.J. Jammeh, un lieutenant alors âgé de 29 ans, la Gambie a entendu célébrer l’événement. Pas moins de six chefs d’État de l’Afrique de l’Ouest et du Maghreb ont fait le déplacement : Amadou Toumani Touré (Mali), Blaise Compaoré (Burkina), Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya (Mauritanie), Pedro Pires (Cap-Vert), Henrique Rosa (Guinée-Bissau) et Abdoulaye Wade (Sénégal), en route pour l’Europe, qui n’a pas hésité à s’arrêter dans l’après-midi du 21 juillet à Banjul où il s’est longuement entretenu avec son homologue gambien. Ont également pris part aux cérémonies Alpha Oumar Konaré, président de la Commission de l’Union africaine, ainsi qu’une bonne douzaine de vice-présidents, Premiers ministres et ministres des Affaires étrangères du Ghana, des Comores, de l’Éthiopie, du Swaziland, du Rwanda, de l’Afrique du Sud, de la Guinée, de la Guinée équatoriale…
En effet, Yahya Jammeh avait ratissé large, envoyant même une invitation au président des États-Unis George W. Bush ainsi qu’au Premier ministre britannique Tony Blair. Si ces derniers se sont l’un et l’autre excusés, ils se sont fait personnellement représenter par leurs ambassadeurs respectifs en poste dans le pays.

Point d’orgue des festivités étalées sur deux semaines, du 14 au 31 juillet, le défilé militaire et civil organisé le 22, riche en sons et en couleurs, à l’Independence Stadium de Banjul, un immense complexe sportif dont les tribunes et les gradins ont refusé du monde.
Atypique, l’homme fort du pays, qui a troqué son habituel treillis et son béret incliné de parachutiste contre le grand boubou africain, le turban, le chéchia, un gros chapelet et un sabre, est apparu au stade sous les acclamations, au milieu d’un cortège de bolides américains. Ses pairs suivaient à bord d’énormes tout-terrain Hummer et de limousines Lincoln royales neuves, acquises pour l’occasion.
Mystique, attaché aux symboles, Jammeh a recueilli les prières de l’imam et de l’archevêque de Banjul avant le coup d’envoi du défilé, puis lâché avec ses homologues des oiseaux blancs en signe d’attachement à la paix.
La fête a été grandiose, riche en hurlements de sirènes, en fanfares et en battements de tam-tams, aux mille couleurs des feux d’artifice, parfumée du fumet des banquets fastueux offerts aux invités.
Coût global du « Dixième anniversaire » : 20 millions de dalasis (environ 500 millions de F CFA) déboursés par le gouvernement, sans compter le prix d’achat des véhicules et quelques millions supplémentaires, apportés en espèces ou en nature par des entreprises installées dans le pays.
À leur arrivée, des hauts responsables de nombreux pays africains se sont réunis dans un Hôtel Kairaba transformé en « bunker » par un impressionnant dispositif de sécurité. Un cadre qui a permis des échanges, en marge des festivités, sur des questions de coopération bilatérale, mais aussi sur les crises sévissant en Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau…).
Mais ce « Dixième anniversaire de la révolution du 22 juillet » a également et surtout été une opération de charme d’autant plus réussie qu’elle a été orchestrée par l’un des plus petits pays d’Afrique de l’Ouest. La Gambie a su afficher une stabilité et un dynamisme certains aux yeux de ses hôtes. Elle en avait bien besoin, après les troubles sociaux provoqués au début de cette année par une forte dépréciation de sa monnaie nationale (le dalasi avait perdu 40 % de sa valeur par rapport au début 2003).

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Et, dans son discours prononcé dans un stade archicomble, Jammeh n’en a pas moins promis à ses compatriotes, pour les dix prochaines années… « des progrès jamais réalisés dans aucun pays du monde ! »

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