L’arroseur arrosé
Imaginez une Pasionaria black comme on n’en fait plus. À la fois fine et forte, femme de tête autant que de jugement, persévérante au point de décrocher son MBA en ne négligeant rien de ses tâches d’infirmière, suffisamment battante pour se faire réélire six fois de suite au Congrès, une fille populaire et successful, lauréate d’une kyrielle de récompenses et élue « Femme de l’année » en 2001 par ses copains du Black Caucus. Alors, vous aurez devant vous Eddie Bernice Johnson, la « gentlewoman du Texas », première femme et première Africaine-Américaine à siéger à la Chambre des représentants pour faire entendre la voix des démocrates de Dallas. En ces temps où même les superhéros ont du vague à l’âme – voyez donc le dernier Spiderman au cinéma -, il faut la féliciter d’avoir entrepris une « mission impossible ».
Preuve qu’Eddie Bernice est de ces femmes au caractère trempé : elle a ni plus ni moins décidé de demander aux Nations unies de déployer des observateurs internationaux pour veiller au bon déroulement de l’élection présidentielle américaine du 2 novembre. Les bras m’en tombent. Comment ? Dans ce grand pays démocratique, chantre de la vertu du bulletin de vote sous toutes les latitudes, la confiance ne régnerait-elle pas ? L’urne du Kansas ne vaudrait pas tripette ? Obligé de faire appel à des p’tits gars du Malawi, du Lesotho ou de Guinée- Conakry pour vérifier que tous les citoyens ont perforé leur carte d’électeur et que 2 + 2 font bien 4, et pas 5.
Je plaisante, mais pas Eddie Bernice. Elle veut à tout prix « éviter que se reproduise le cauchemar de l’année 2000 ». Et pas question de recaler sa démarche pour vice de procédure : elle a suivi la voie hiérarchique et écrit au secrétaire d’État Colin Powell, qui doit transmettre la requête à Kofi Annan. Mais pourquoi tant d’ire ? Parce qu’un rapport de la Commission fédérale sur les droits civiques de 2001 avait conclu que « le processus électoral en Floride en 2000 avait abouti à nier le droit de voter à un grand nombre de personnes ». Or, depuis, George Bush n’a pas levé le petit doigt pour réparer la machine. Un vrai scandale, qui pourrait bien conduire, en novembre prochain, la seule superpuissance qu’il nous reste sur cette planète à se voir contrainte de subir un « affront » : le jugement d’États lilliputiens qui aimeraient rendre la monnaie de sa pièce à l’Oncle Sam.
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