Congolais de tous les pays
De plus en plus dynamique et organisée, la diaspora met la communauté internationale et les dirigeants de la RDC devant leurs responsabilités.
C’est aux cris de « One Congo, One nation », « Le Congo est un et indivisible », « la communauté internationale doit réagir » que, par dizaines, voire par centaines, ils sont descendus dans la rue à Paris, Londres, Bruxelles, Genève, Washington, Lausanne ou Johannesburg, en juin dernier. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, ce sont les événements de Bukavu, dans l’est du pays, quand les troupes du général Laurent Nkundabatware et du colonel Mutebusi, deux officiers dissidents du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), se sont emparés de la « capitale » du Sud-Kivu le 26 mai. Deux guerres, ça suffit, pas question d’un troisième conflit ! Il fallait réagir. « Nous ne pouvions pas rester les bras croisés. Nous avons marché tous ensemble pour crier notre colère ! » martèle Jan Martens, un jeune Congolais expatrié à Londres.
En manifestant un peu partout, la diaspora congolaise a démontré qu’elle est déterminée à ne plus se taire. Fait nouveau, ce sont davantage les associations qui ont pris la tête du mouvement, alors qu’autrefois c’étaient les étudiants et les partis qui se mobilisaient sur les questions politiques. « Jusqu’à présent, on pensait que les partis politiques étaient les meilleurs véhicules pour faire passer des messages. Aujourd’hui, on sait qu’on peut le faire sans eux », indique Jan Martens. Une opinion partagée par Edgar Senga, un jeune Congolais qui réside à Baltimore, aux États-Unis, et qui a créé l’association Dignity Inc. : « On s’est aperçu qu’il n’était pas nécessaire d’être dans un parti pour changer les choses en RDC. » Même constat à Johannesburg, où résident quelque 10 000 Congolais : « Lors de la manifestation qui a réuni environ 200 compatriotes fin juin, la plupart n’appartenaient pas à un parti politique », déclare Hope, un Congolais installé dans la métropole sud- africaine depuis plus de dix ans.
Ainsi, tout en conservant leurs objectifs initiaux tournés vers la solidarité, l’aide et la réalisation de petits projets, les associations de la diaspora se mobilisent davantage sur le processus de transition et les questions politiques, encourageant leurs compatriotes à être plus présents sur le terrain. « Quand on organise des conférences-débats sur le pays, il y a de plus en plus de Congolais qui y participent. Nous sommes également plus nombreux à intervenir dans des colloques. Nous ne voulons plus laisser les étrangers être les seuls à parler de notre nation », souligne Edgar. Une évolution qui n’a pas été évidente. Parce que les associations d’entraide sont nombreuses, mais rarement fédérées. Il est donc difficile de coordonner leurs actions. « Pour mobiliser les gens, on fonctionne avec le bouche à l’oreille », précise Jan. Les associations passent par les canaux sociaux. Ce qui est assez efficace car, dans leur majorité, les Congolais sont encore très versés dans la musique ou la prière et les pasteurs, quant à eux, ont tendance à délaisser le terrain politique. « Ils considèrent que nos actions relèvent « de la chair » », souligne en riant Andy Mavumbu Yakini, président de l’Association des travailleurs du Congo-Kinshasa en France.
Les militants associatifs n’hésitent pas à faire le tour des Églises et des ngandas (« bars-restaurants », en lingala) ou des « boîtes » fréquentées par leurs compatriotes pour mobiliser ces derniers. « S’il le faut, chaque dimanche, j’irai dans toutes les paroisses où prient les Congolais. C’est le seul moyen de les toucher », martèle Sandrine Vasselin. Très active, cette dernière a créé à Londres en janvier 2004, avec Liévin Tshikall, l’association Congo Network, pour « promouvoir une image positive de la RDC, informer sur nos réalités et faire du lobbying auprès des décideurs politiques et économiques britanniques ».
Lors des récentes marches qui se sont déroulées, les manifestants ne se sont pas limités à mettre à l’index le gouvernement rwandais, en priant ce dernier de laisser le Congo en paix. La communauté internationale et les gouvernements des pays occidentaux ont été sommés de « prendre leurs responsabilités ». Pour preuve. Le 10 juin, à Londres, Tony Blair, le Premier ministre, et Peter Hain, le président du Parlement, ont été invités à « condamner l’intervention des troupes rwandaises sur le territoire congolais, à suspendre toute assistance au gouvernement rwandais, et à augmenter l’assistance financière et technique au processus de transition… ». Le 15 juin, en Belgique, les manifestants ont interpellé Louis Michel, le vice-Premier ministre en charge des Affaires étrangères, l’accusant de vouloir retarder l’envoi des forces étrangères dans l’est de la RDC. Le 16 juin, à Paris, les Congolais sont allés remettre aux députés français un mémorandum dans lequel ils exigeaient « la condamnation du Rwanda » par la communauté internationale et demandaient au gouvernement français de peser de tout son poids sur les Nations unies et l’Union européenne en vue d’accélérer la mise en place effective d’un Tribunal pénal international pour la RD Congo… » Le 30 juin, à Washington, les manifestants, venus de plusieurs États, ont incité, pour leur part, le gouvernement américain à soutenir activement le processus de transition.
Les dirigeants de la RDC n’ont pas échappé aux critiques. « Lors de notre marche, nous avons demandé au gouvernement congolais d’assurer la sécurité des biens et des personnes », souligne Edgar Senga. Pas de répit donc pour les gouvernants. « Lors des attaques de Bukavu, les autorités n’ont réagi que lorsque les Congolais ont manifesté », souligne Sandrine. Et tous d’exprimer un même souhait : aller aux élections.
Les éléments les plus dynamiques de la diaspora ne manquent pas d’initiatives. Organisation de conférences-débats sur le Congo, lettres ouvertes aux autorités et aux élus du pays d’accueil, création d’événements… tout est prétexte à faire parler de la RDC. Ainsi, le 9 avril dernier, Congo Network a adressé une missive à Tony Blair pour lui demander de condamner les entreprises britanniques citées dans le rapport des Nations unies sur les pillages des ressources congolaises. Et « pour faire en sorte que la RDC soit dans l’agenda de tous les décideurs politiques », l’association n’hésite pas à se rapprocher d’organismes comme le Royal Institute of International Affairs, qui regroupe des parlementaires, et à contacter des entreprises et des ONG. Quant aux membres de Dignity Inc., ils se sont même formés aux techniques du lobbying, pour rendre plus performantes leurs actions.
Faire connaître la RDC, maintenir la pression sur les décideurs politiques du pays d’accueil, mais aussi mobiliser plus largement la communauté congolaise, tels sont en effet les objectifs à court et moyen termes. Aucune de ces associations n’entend s’arrêter en si bon chemin…
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