Mali : le difficile processus de désarmement dans le Centre, confronté à la présence de jihadistes

Récemment lancés à Mopti, les travaux préparatoires au programme DDR accéléré pour les milices armées dans le centre du pays, où des centaines de personnes sont mortes dans des violences intercommunautaires, se heurtent aux conditions des populations des zones où des jihadistes liés à Al-Qaïda sont également présents.

Des troupes maliennes aux côtés d’anciens rebelles, lors d’une patrouille commune en février 2017 près de Gao. © Baba Ahmed/AP/SIPA

Des troupes maliennes aux côtés d’anciens rebelles, lors d’une patrouille commune en février 2017 près de Gao. © Baba Ahmed/AP/SIPA

Publié le 28 décembre 2018 Lecture : 4 minutes.

Le 22 décembre dernier, à Mopti, le Premier ministre malien Soumeylou Boubèye Maïga a lancé les travaux préparatoires du programme DDR accéléré (Désarmement, démobilisation et réinsertion) des milices basées dans les huit cercles de la région de Mopti, dans le centre du Mali. Toutes les communautés de la région étaient présentes ainsi que des chefs des milices dogons, bambaras et peuls, notamment Bakaye Cissé et Oumar Aldjana, deux figures bien connues dans les milieux peuls.

Le président de la commission nationale du DDR, Zahabi Ould Sidi Mohamed, avait fait le déplacement pour expliquer à la population le programme de réduction des violences communautaires dans les régions du centre proposé par le gouvernement.

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Le DDR, une première dans le centre

« Nous avons fait le mapping de la présence des groupes armés dans le centre puis les gens ont été formés à l’enregistrement de leurs combattants », a ainsi indiqué Zahabi Ould Sidi Mohamed, avant d’ajouter : « À la fin de la formation, des registres ont été dispatchés aux chefs des combattants qui devront les retourner dans un mois, c’est-à-dire d’ici le 30 janvier 2019, avec des listes de leurs combattants pour commencer le DDR accéléré ».

Les gens ne comprennent même pas ce que veut dire le DDR, qui est nouveau chez nous

Contrairement au nord du pays, c’est la première fois que le centre va connaître le DDR et des voix se sont élevées pour demander une sensibilisation de la communauté du centre avant le lancement du programme. « Les gens ne comprennent même pas ce que veut dire le DDR, qui est nouveau chez nous, explique Oumar Aldjana, un des leaders de l’Alliance pour le salut au Sahel (ASS), qui revendique 107 combattants peuls tous membres de bases dans les régions de Mopti. Dans un mois ! Ce n’est pas possible de faire participer les combattants au DDR. Il faut une sensibilisation au préalable pour que ces gens comprennent de quoi il s’agit. Surtout qu’après cette rencontre [du 22 décembre, ndlr], certains ont commencé à donner de fausses informations sur les réseaux sociaux concernant le programme… ».

La milice dogon Dana Amassagou était la première à émettre des réserves au sujet du DDR lors de la rencontre de Mopti. « Le DDR ne concerne que les combattants qui ont des armes de guerre, cela veut dire que nos combattants qui n’ont que des fusils de chasse seront exclus et cela peut créer un autre problème », affirme Moïse Sagara, un des responsables de la milice dogon. À cette question, le président de la commission nationale du DDR a répondu qu’il y avait des projets « fédérateurs pour faire bénéficier la population de Mopti des dividendes de la paix ».

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La peur des représailles des jihadistes

Mais ce point n’est pas le seul qui inquiète la milice Dana Amassagou, entre autres. « J’ai dit au Premier ministre que je n’avais pas vu les représentants des mouvements peuls qui créent l’insécurité chez nous. Si eux ne sont pas dans ce processus, ce sera difficile pour nous de déposer les armes », a ainsi averti le commandant Sagara, en référence aux combattants jihadistes du chef Amadou Koufa, liés à Al-Qaïda, qui mènent des attaques dans le centre. Plusieurs leaders peuls sont du même avis concernant la présence de jihadistes armés dans le centre.

Certains leaders communautaires ne peuvent participer à des rencontres avec l’État qu’avec l’autorisation des jihadistes

« Certains leaders communautaires ne peuvent participer à des rencontres avec l’État qu’avec l’autorisation des jihadistes qui rodent autour de leurs communes et au retour, les gens doivent faire un compte rendu aux jihadistes par peur de représailles », a souligné Oumar Aldjana. « C’est un risque réel, a reconnu Zahabi Ould Sidi Mohamed, en assurant : tous ceux qui veulent renoncer à la violence dans le centre sont les bienvenus au DDR, quel que soit leur camp ».

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L’équation s’annonce difficile : les jihadistes du centre sont liés à ceux du nord, qui eux ne sont pas impliqués dans l’accord de paix signé en 2015 entre le gouvernement malien et les groupes armés du nord.

Dans un processus de DDR, la règle du jeu est néanmoins connue. Dans une zone, le DDR ne peut se faire que s’il n’y a pas de risque de représailles sur les populations qui participent au programme. « Nous allons renforcer les capacités opérationnelles des forces de défense et de sécurité dans la région afin qu’elles puissent notamment intervenir sur les cours d’eau », avait ainsi précisé sur Twitter le Premier ministre, sans donner de détails sur le nombre d’hommes ou le calendrier de leur déploiement. Sur le terrains, les difficultés sont réelles : en 2018, l’armée n’a pu installer que huit nouveaux postes militaires dans le centre.

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