Bruxelles dans la mélasse

La baisse des prix garantis qui s’ajoutera à la réduction des quotas de production sera-t-elle compensée par des subventions équitables ?

Publié le 26 juillet 2004 Lecture : 2 minutes.

Une fois de plus, le malheur des uns aura fait le bonheur des autres… En proposant le 13 juillet une réforme radicale du régime sucrier européen aux pays membres, la Commission de Bruxelles s’est attiré les foudres des producteurs de la Communauté en même temps que celles de plusieurs pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique), mais elle a redoré son image auprès du Brésil, de l’Australie et de la Thaïlande, trois pays qui avaient porté plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contre le système en vigueur.
L’idée avancée par le commissaire à l’Agriculture, Franz Fischler, est d’instaurer à partir de juillet 2005 une baisse progressive de la rémunération des producteurs de sucre, ainsi qu’une diminution des quotas de production. D’ici à fin 2007, les prix garantis du sucre devraient tomber de 632 euros à 421 euros la tonne (soit – 33 %). Le quota annuel de production pour l’ensemble de l’Union européenne, aujourd’hui de 17,4 millions de tonnes, serait lui aussi ramené à 14,6 millions en 2008-2009. « Les prix du sucre garantis en Europe se situent trois fois au-dessus des cours mondiaux, a déclaré Franz Fischler. Ce n’est pas défendable économiquement. »
La Commission a prévu une enveloppe de 895 millions d’euros de compensation sur 2005-2007, qui serait portée à 1,34 milliard en 2007-2008. Le gros de cette manne devrait aller à l’Allemagne et à la France, les deux principaux producteurs européens et les plus rentables avec le Royaume-Uni. D’où l’ire des Espagnols, des Italiens, des Portugais et des Irlandais, qui risquent quant à eux de faire les frais d’un projet privilégiant leurs collègues. Venus de Rome et de Madrid, un millier de salariés ont déjà manifesté devant le siège de la Commission, dénonçant le commissaire autrichien comme le « Néron de l’agriculture européenne ».
Les pays ACP, par l’intermédiaire de leur représentation à Bruxelles, ont eux aussi fait savoir leur mécontentement. Quatorze d’entre eux bénéficient en effet depuis 1975 d’un accord préférentiel les autorisant à exporter 1,6 million de tonnes de sucre par an sur le marché européen, à des prix alignés sur ceux qui sont actuellement versés aux agriculteurs européens. Maurice, le Swaziland, Madagascar et la Jamaïque ont d’ailleurs su tirer amplement profit de ces avantages pour stimuler le développement de leur activité économique.
Pour l’organisation non gouvernementale britannique Oxfam, la situation est en fait beaucoup plus complexe, tous les pays ACP n’étant pas, et de loin, logés à la même enseigne. Ainsi les subventions européennes engendrent-elles une concurrence déloyale pour des pays producteurs beaucoup plus fragiles comme, par exemple, le Mozambique et l’Éthiopie.

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