Bienvenue au Ndombololand

Victime de la crise et de la guerre, Kinshasa a beaucoup perdu de sa vie culturelle. Reste la musique… sur le rythme endiablé du ndombolo.  PR: wait…  I: wait…  L: wait…  LD: wait…  I: wait… wait…  Rank: wait…  Traffic: wait…  Price: wait…  C: wait…

Publié le 26 juillet 2004 Lecture : 6 minutes.

Ce qui frappe tout visiteur qui débarque à Kinshasa pour la première fois, c’est le nombre incroyablement élevé de bars, qui déversent leurs décibels de musique assourdissante jusqu’à des heures indues, le long des grandes artères de la mégapole. Et les riverains qui se plaignent des nuisances sonores ne peuvent pas s’en remettre à la police. Une telle démarche serait mal perçue dans une ville qui adore la fête. Car, c’est bien connu, les Kinois aiment boire de la bière, écouter de la musique, danser et se saper ! On est ici sous les tropiques, et il n’est pas rare que le mercure côtoie les 30 °C. On prend un verre, en règle générale, en plein air, et on devise gaiement, tout en écoutant les airs en vogue. Lesquels se limitent bien souvent aux classiques du ndombolo. Au grand dam des rares amateurs de jazz, de salsa et autres musiques. Le ndombolo est un rythme endiablé, éponyme d’une danse qui s’est emparée des deux Congos il y a une bonne décennie avant de s’exporter vers d’autres capitales du continent, jusqu’à aller « coloniser » les autres rythmes africains.

Dans les bars, les sujets de conversation vont de l’actualité musicale aux derniers résultats des matchs de foot, en passant par les couacs du processus de paix en cours. Les Kinois évoquent notamment, autour d’une Primus ou d’une Skol – les deux bières les plus prisées dans la capitale -, les piques que se lancent, par médias interposés, les stars congolaises du ndombolo, qui se disputent comme des chiffonniers. Les sujets polémiques amusent non seulement les mélomanes, mais aussi les chroniqueurs de musique à la télévision, qui aiment souffler sur les braises. Histoire d’entretenir la controverse, qui, malheureusement, peut donner lieu à des poussées de violence. Plus d’une fois, en effet, Kinshasa a connu des scènes de pugilat entre inconditionnels du chanteur Werrason et aficionados de son ex-ami devenu concurrent, J.B. Mpiana.
Quand il ne s’écoute pas dans un bar ou lors d’un concert, le ndombolo se danse. En boîte principalement, et toujours autour d’un verre. À Matonge, Bandal, Lemba, Matété ou Masina, dans les night-clubs de ce qu’on appelle la Cité – par opposition à la Gombé, un quartier plutôt européanisé -, on danse « local ». Peu de place pour d’autres musiques, même celles qui viennent d’autres pays africains. Magic System et Youssou Ndour ont du mal à se faire entendre. Peu ou pas de musique occidentale non plus. Même la rumba, qui jadis eut ses heures de gloire à Kin, est reléguée au deuxième plan. Surtout par les jeunes générations qui la jugent un peu rétro. Tout comme Tabu Ley qui a fait la pluie et le beau temps de la musique congolaise dans les années 1970 ou encore le groupe OK Jazz qu’on écoute à la maison en présence des parents ou dans des bars-dancings. Autrefois hauts lieux festifs, ces bals en plein air ont leur propre orchestre, comme La Crèche, juché au dernier étage d’un imposant immeuble de Matonge.
En revanche, dans les boîtes branchées du « centre-ville », telles le Makumba, l’Équinoxe, l’Imprévu et Chez Ntemba, la programmation musicale est diversifiée et la clientèle plus mélangée. On est certes dans le fief du ndombolo, mais il n’est pas rare que les DJ « balancent » des chansons tirées d’albums fraîchement sortis aux États-Unis ou en France. Les « ambianceurs » qui ont leurs habitudes Chez Ntemba sont au fait des foucades de Britney Spears, des excentricités du chanteur Robbie Williams et des démêlés judiciaires de Michael Jackson.

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Partout ailleurs, à la Cité, si on écoute des musiques étrangères, on esquisse quelques pas de danse sur la piste… sans enthousiasme. Mais il suffit que le DJ programme une série de chansons du « Roi de la forêt » Werrason, incontestablement l’artiste le plus populaire du moment, pour que le ndombolo réaffirme sa suprématie sur les autres courants musicaux. C’est un public complètement métamorphosé, en extase, hurlant de joie et… oubliant, le temps d’une chanson, les dures réalités du quotidien, la fragilité du processus de paix en cours ou la tension qui règne dans l’est du pays. « Le Kinois est connu pour sa joie de vivre légendaire. Nous avons subi le contrecoup de la guerre. Nous avons perdu notre dignité de Congolais. Mais la joie de vivre, c’est ce qui nous reste. Personne ne pourra nous l’enlever », confie un étudiant.

Hormis les chaînes religieuses appartenant à des dirigeants d’Églises ou des gourous de sectes fondées au cours des quinze dernières années, la télévision et la radio font la part belle à la musique locale. Les émissions sur les stars telles Papa Wemba, Koffi Olomidé, Werrason et J.B. Mpiana font florès. Comme pour rappeler aux téléspectateurs qu’on est au coeur du Ndombololand, et qu’on y restera.

La montée des Églises dites « du réveil » aidant, la musique religieuse gagne toutefois du terrain. Religieuse sur le fond, mais pas sur la forme ! Car on célèbre aussi le Seigneur sur des rythmes « ndombolo ». La musique religieuse ndombolisée est en expansion. Une douzaine d’artistes congolais bien connus ont, eux aussi, « rencontré » le Seigneur : Bimi Ombale, Jolie Detta, Mavuela Somo, Carlyto, etc. Et la liste des chanteurs convertis ne cesse de s’allonger au fil des mois. Même Papa Wemba a consacré quelques titres à… Dieu dans Somo Trop, Trop Somo, son dernier double CD sorti en 2003, qui comporte dix-sept titres. La star jure, la main sur le coeur, qu’il a rencontré le Très-Haut pendant son récent séjour en prison en France. Il prépare par ailleurs un nouvel album intégralement consacré à Dieu, qui sera prochainement dans les bacs.

Si les mélomanes kinois écoutent religieusement toute oeuvre estampillée Papa Wemba, il n’en reste pas moins qu’ils préfèrent le « ndomboleur » ou même le « Roi de la rumba » au « prédicateur ». Papa Wemba « appartient » aux jeunes qui miment son parler et sa démarche chaloupée. Son minois ne trahit pas l’âge de ses os. Sa voix suave reste inaltérée, malgré ses 55 ans, comme si l’artiste tenait à rester en phase avec les moins de 30 ans. Mais Papa Wemba, c’est aussi le « sapeur ». L’homme qui découvre sa garde-robe aux caméras de télévision. Qui encourage les jeunes à s’aligner sur la mode occidentale, à acheter des vêtements griffés, vendus à des prix prohibitifs, et qui vante le savoir-faire des couturiers tels Roberto Cavalli, Gianni Versace, Jean-Paul Gaultier, Francesco Smalto, Yoshi Yamamoto, etc. « Ce type est extraordinaire. Il m’a dessillé les yeux. Grâce à lui, je connais le vrai sens de la qualité vestimentaire. Je m’habille plus élégamment maintenant », explique un fan du « Roi de la sape ». Reste que dans un pays où le revenu moyen n’a cessé de s’éroder depuis l’indépendance, le 30 juin 1960, les priorités sont ailleurs. Le Congolais moyen a bien du mal à s’offrir trois repas équilibrés par jour ; par voie de conséquence, le renouvellement de sa garde-robe ne préoccupe plus grand monde. Les conditions de vie s’étant sensiblement dégradées, les sapeurs sont de moins en moins visibles dans les rues de la capitale.

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À part la musique et les boîtes, la vie culturelle reste limitée. La ville compte bien une cinquantaine de troupes de théâtre. Mais seulement une demi-douzaine d’entre elles se produisent à un rythme régulier ici et là. Souvent dans des bars ou des salles de cinéma désaffectées. Les comédiens, souvent des professionnels qui vivent de leur travail, dépeignent les travers d’une société qui a perdu ses repères du fait de la crise économique. Mais leurs spectacles attirent de moins en moins le public. Quant aux arts plastiques, ils ne sont guère prospères. Peu de créations à signaler. À Kin, le célèbre « marché aux voleurs », à la Gombe, où l’on peut acheter des objets d’art, n’est plus que l’ombre de ce qu’il était.
En matière de vie culturelle, Kinshasa n’est plus tout à fait la ville qu’elle était autrefois. Elle attire beaucoup moins de visiteurs qu’avant et elle s’est injustement taillé une petite réputation de coupe-gorge. Le Kinois, qui a l’humour caustique, aime à ironiser sur le « tour de force » habilement réalisé par les dirigeants politiques successifs. En l’espace de deux décennies, Kin la Belle est devenue Kin la Poubelle. Et Kin Kiésé (« Kin la Joie ») est aujourd’hui surnommée Kin Kiadi (« Kin la Tristesse »).

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