Assoumani Azali

Président de l’Union des Comores

Publié le 26 juillet 2004 Lecture : 5 minutes.

Le président de l’Union des Comores, Assoumani Azali, a nommé le 13 juillet un nouveau gouvernement (voir J.A.I. n° 2271). Attendue depuis les élections législatives, qui se sont tenues en mars et avril derniers, cette équipe d’ouverture, composée de onze membres, compte des représentants des deux îles autonomes d’Anjouan et Mohéli. La présidence de la Grande Comore, la troisième île qui compose l’archipel, a refusé d’y participer, expliquant qu’elle ne pouvait s’engager dans un gouvernement dont elle ne maîtrise ni les missions ni les objectifs. Ce qui ne devrait pas empêcher le gouvernement de l’Union de fonctionner.
Le conflit de compétences entre la présidence fédérale et l’exécutif des îles autonomes, qui a paralysé la vie politique du pays depuis la création de l’Union des Comores en décembre 2001, semble en voie de résorption. Et la mise en place de l’exécutif constitue une étape décisive dans le règlement de la double crise séparatiste et institutionnelle ouverte par la sécession d’Anjouan en août 1997. Arrivé au pouvoir à la faveur d’un coup d’État le 30 avril 1999 et élu président de l’Union le 14 avril 2002, le colonel Assoumani Azali, 45 ans, veut aujourd’hui privilégier le consensus.

Jeune Afrique/l’intelligent : Est-ce enfin le bout du tunnel pour les Comores ?
Assoumani Azali : Le processus n’est pas encore arrivé à son terme. Pour moi, le bout du tunnel sera atteint lorsque les Comores se seront fermement engagées sur la voie du développement. Mais le parachèvement des institutions du pays était un passage obligé, puisque la coopération avec la communauté internationale est subordonnée à l’instauration de la démocratie. C’est une étape nécessaire, mais pas suffisante.

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J.A.I. : Le gouvernement d’ouverture que vous avez constitué est-il représentatif de l’ensemble des sensibilités comoriennes ?
A.A. : Au lendemain des élections législatives de mars-avril 2004, j’aurais pu former mon gouvernement comme je l’entendais. Rien ne m’imposait de privilégier l’ouverture. Mais j’ai choisi de le faire car je ne voulais pas qu’à ce stade certains s’engagent dans l’action alors que d’autres se borneraient à les critiquer. Le fait de rassembler les différentes forces politiques nous impose de travailler ensemble.

J.A.I. : Que dites-vous au président de la Grande Comore, Mzé Abdou Soulé El Bak, qui a refusé la main tendue ?
A.A. : J’ai rencontré le président El Bak le 4 juillet et nous avons parlé de ce gouvernement d’ouverture, alors que les négociations se poursuivaient en vue de sa constitution. À cette occasion, il m’a assuré que s’il n’y participait pas, il ne ferait rien qui lui porte ombrage. Il m’a également précisé qu’il ferait tout pour que cette nouvelle équipe réussisse. Le 21 juillet, le premier Conseil de gouvernement s’est tenu sans lui. Mais la porte n’est pas fermée.

J.A.I. : Certains ministres sont vos adversaires depuis longtemps. Cela ne va-t-il pas influer sur l’action gouvernementale ?
A.A. : Cela ne pose pas de problème. Les Comores sont un petit pays, et les hommes politiques, même s’ils appartiennent à des camps opposés, se rencontrent en de multiples occasions. Il n’y a pas d’antagonisme. Je connais bien les personnalités qui entrent au gouvernement même si j’ai combattu leurs idées.

J.A.I. : Certains trouvent que la répartition des compétences ministérielles reste floue et que la Constitution ne délimite pas clairement les pouvoirs des uns et des autres. N’y a-t-il pas un risque de relancer la concurrence entre l’exécutif de l’Union et celui des îles ?
A.A. : Vous avez raison de souligner le fait que les contours ne sont pas nettement définis par la Constitution. La définition des compétences dépend de lois organiques. Pour ma part, j’ai toujours refusé de légiférer par ordonnance, estimant que cela relevait des prérogatives de l’Assemblée nationale. La Constitution va maintenant être complétée par le législateur. Pour ce qui est du gouvernement de l’Union et des gouvernements des îles, leurs prérogatives respectives seront également déterminées par le Parlement. C’est justement pour parvenir à un consensus sur ce sujet que j’ai invité toutes les sensibilités de la classe politique comorienne à rejoindre le gouvernement.

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J.A.I. : Ne craignez-vous pas, à titre personnel, de voir vos pouvoirs rognés par une Assemblée au sein de laquelle vous êtes minoritaire ?
A.A. : Personnellement, je ne crains rien. Je craignais seulement que le pays connaisse le chaos, et il l’a évité. En 1999, au plus fort de la crise, j’ai eu peur que le pays n’éclate, mais je suis aujourd’hui très serein. Au niveau de l’Assemblée, je vais me battre pour que mes idées soient prises en compte par rapport à la défense de l’unité nationale. Mais, en ce qui me concerne, les décisions de l’Assemblée seront scrupuleusement respectées.

J.A.I. : Les Comores sont en quelque sorte convalescentes ?
A.A. : C’est exactement cela. Mais la convalescence n’est pas forcément une période heureuse. On prend soin d’un ami tant qu’il est malade, on s’en inquiète, on le visite. Mais on a tendance à négliger l’ami convalescent en pensant qu’il est guéri, alors qu’il est encore fragile. Et la rechute peut être fatale. C’est pourquoi les amis des Comores, qui nous ont accompagnés au plus fort de la crise, ne doivent pas nous abandonner pendant cette période. Il faut éviter toute rechute… Les bailleurs de fonds ont été à nos côtés dès 1997, et il faut leur rendre hommage pour ce qu’ils ont fait. Mais nous avons besoin de consolider l’unité retrouvée par un développement économique et social. Nous devons rapidement conclure un programme avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, qui nous permette de bénéficier de l’initiative de réduction de la dette en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE).

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J.A.I. : Quels sont les amis les plus fidèles des Comores ?
A.A. : L’Union africaine s’est fortement investie dans le règlement de la crise. Et il est difficile de parler de l’UA sans mentionner l’Afrique du Sud, puisque le président Thabo Mbeki a assisté personnellement à la signature de l’accord du 20 décembre 2003. Enfin, Maurice, mais aussi l’Union européenne, la Francophonie, la Banque mondiale et le FMI suivent de près le processus en cours.

J.A.I. : À quelle échéance l’édifice institutionnel comorien sera-t-il totalement fonctionnel ?
A.A. : Il est difficile de répondre dans la mesure où cela dépend de l’Assemblée. Mais une fois que la Cour constitutionnelle sera opérationnelle, il sera possible de valider les lois. L’Assemblée pourra alors travailler normalement. En tout cas, d’ici à la fin de décembre 2004, le Parlement devra adopter la loi de finances pour l’année prochaine, ce qui implique de définir auparavant les compétences de chacun. Les cinq mois à venir seront déterminants.

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