Législatives en RDC : ces batailles électorales emblématiques à ne pas manquer

Les législatives du 30 décembre en RDC, organisées concomitamment avec la présidentielle, pourraient donner lieu à des batailles intéressantes à travers le pays. Florilège.

Un t-shirt de campagne du PPRD, parti au pouvoir en RDC. © Trésor Kibangula/JA

Un t-shirt de campagne du PPRD, parti au pouvoir en RDC. © Trésor Kibangula/JA

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Publié le 29 décembre 2018 Lecture : 6 minutes.

Tout le monde parle de la présidentielle du 30 décembre en RDC. Mais saviez-vous que, le même jour, les Congolais, sauf ceux des circonscriptions de Beni, Butembo et Yumbi, seront également appelés à choisir leurs députés ? D’ailleurs, dans la capitale Kinshasa, ce sont davantage des candidats aux législatives qui ont été les plus visibles pendant la campagne électorale, les prétendants à la magistrature suprême ayant préféré commencer par des meetings à l’intérieur du pays.

Panneaux publicitaires au grand format, calicots, affiches, t-shirt arborant des numéros d’ordre des candidats… Dans les rues de Kinshasa, on ne voyait que ça ! Surtout un nombre : le 508, le numéro de Henri Mova Sakanyi, vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur. L’ex-secrétaire du Parti du peuple pour la reconstruction et le développement (PPRD), formation politique du président Joseph Kabila, a largement remporté la bataille de la visibilité dans la capitale. Et ce, sans marquer le nom de sa famille politique, encore moins celui du candidat désigné de son camp à la présidentielle.

Une caravane de campagne de Henri Mova Sakanyi à Kinshasa, le 8 décembre 2018. © Trésor Kibangula/JA

Une caravane de campagne de Henri Mova Sakanyi à Kinshasa, le 8 décembre 2018. © Trésor Kibangula/JA

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Le natif de Lubumbashi a en effet choisi de se glisser sur la liste du Parti du peuple pour la paix et la démocratie (PPPD), l’une de ces formations dites « tiroirs », « sans militants » et « fabriquées » de toutes pièces par le PPRD. Serait-ce suffisant pour arracher une place à la prochaine Assemblée nationale ? Pas si sûr.

D’autant que Henri Mova Sakanyi – dont les détracteurs accusent d’avoir utilisé les moyens de l’État durant sa campagne, à l’instar de ses collègues membres du gouvernement – se présente dans une circonscription électorale compliquée : la Lukanga, district du nord-est de Kinshasa, comprenant entre autres la commune de La Gombe, au centre-ville. Quatorze sièges y sont disputés par 663 candidats, parmi lesquels plusieurs ministres, artistes et autres personnalités emblématiques.

Côté majorité, Bienvenu Liyota, ministre des PME, compte par exemple se faire réélire dans cette circonscription sous l’étiquette de l’Action alternative pour le bien-être et le changement (AAB), regroupement membre du Front commun pour le Congo (FCC) qui soutient la candidature d’Emmanuel Ramazani Shadary à la présidentielle. Il est l’une des rares personnalités de la Kabilie, avec la députée Wivine Moleka, candidate aussi à la Lukanga, à avoir, à Kinshasa, ville réputée acquise à l’opposition, appelé clairement ses partisans et sympathisants à voter pour le dauphin du chef de l’État sortant.

Le ministre Bienvenu Liyota, candidat aux législatives à Lukunga, entouré de ses sympathisants, le 11 novembre à Kinshasa. © Trésor Kibangula/JA

Le ministre Bienvenu Liyota, candidat aux législatives à Lukunga, entouré de ses sympathisants, le 11 novembre à Kinshasa. © Trésor Kibangula/JA

L’ex-ministre de l’Industrie et chantre du « centrisme congolais », Germain Kambinga, se tient également en embuscade et espère obtenir un siège. Il en est de même de Thomas Luhaka, ministre des Infrastructures et des Travaux publics et transfuge du Mouvement de libération du Congo (MLC), parti de l’opposant Jean-Pierre Bemba, ou de Godefroid Mayobo, cadre du Parti lumumbiste unifié (Palu) et ancien bras droit du patriarche Antoine Gizenga.

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En face, Martin Fayulu, candidat surprise de la coalition Lamuka à la présidentielle, figure aussi sur la liste des candidats de la Dynamique de l’opposition pour les législatives. Aux côtés notamment du rappeur engagé Lexxus Legal, de son vrai nom Alex Dende, dont les textes de son dernier album Leop’art (sorti fin 2015) présageaient déjà son entrée en politique.

L’ancien président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, peut, lui, miser sur certains de ses lieutenants les plus fidèles. Au numéro 634 pointe en effet Molendo Sakombi, l’un de ses conseillers spéciaux et numéro un de l’Union pour la nation congolaise (UNC) à Kinshasa. Muana-Luaba Kudura Kasongo, ancien porte-parole du président Joseph Kabila, brigue également un siège à Lukunga pour le compte de l’UNC.

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Les regroupements proches de Moïse Katumbi, l’ex-gouverneur du Katanga, ne manquent pas à l’appel. L’Alliance des mouvements du Kongo a aligné par exemple Jacky Ndala, ancien chroniqueur musical à la télévision. Et l’Alternance pour la République (AR) peut compter entre autres sur la notoriété à Kinshasa de Moïse-Moni Della, passé par la case prison après les manifestations anti-Kabila des 19 et 20 septembre 2016 dans la capitale.

Des jeunes « aujourd’hui, pas demain »

Benjamin de l’Assemblée nationale en 2011, Patrick Muyaya Katembwe sollicite de nouveau les suffrages à la Funa, district situé au sud du centre-ville de la capitale. Avant de se lancer véritablement dans sa campagne électorale, cet ancien conseiller du Premier ministre Adolphe Muzito s’est distingué par un exercice peu courant dans le microcosme politique de la RDC : le n°390 a présenté à ses électeurs son bilan de la législature passée.

Puis, ce cadre du Palu est allé à leur rencontre dans les marchés, comme à Bandalungwa, fait du porte-à-porte à la Cité verte où des jeunes intellectuels du quartier l’attendaient pour échanger sans tabou. Patrick Muyaya a enfin distillé ses petits messages et spots à ses 75 000 followers sur Twitter, promettant d’agir « aujourd’hui, pas demain » pour bouger les lignes. Hashtag carnet de campagne.

Le député Patrick Muyaya, candidat aux législatives à la Funa, le 9 décembre 2018, à la Cité verte (Kinshasa). © Trésor Kibangula/JA

Le député Patrick Muyaya, candidat aux législatives à la Funa, le 9 décembre 2018, à la Cité verte (Kinshasa). © Trésor Kibangula/JA

Les 12 sièges de la circonscription sont également convoités par 542 autres candidats, notamment les vice-ministres Freddy Kita (Coopération internationale) et Basile Olongo (Intérieur), mais aussi Papy Pungu Lwamba, chef réputé radical de la ligue des jeunes du PPRD, formation de Kabila, qui s’affiche pourtant aux couleurs du « parti-tiroir » PPPD.

Matata, Minaku, Mwilanya mais aussi Goubal

À Mont-Amba, l’ancien Premier ministre Samy Badibanga, candidat repêché à la présidentielle, participe à la course pour la députation nationale dans cette circonscription du sud-est de Kinshasa. Le chef des Progressistes, « auto-exclu » de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), fera ici face entre autres à Peter Kazabi, directeur de cabinet adjoint de Félix Tshisekedi, leader de l’UDPS, mais aussi à Jean-Baudouin Mayo, secrétaire général de l’UNC de Vital Kamerhe. Jean Goubald Kalala, un chanteur très apprécié en RDC pour la profondeur de ses textes, tentera lui aussi de tirer son épingle du jeu pour le compte de la Dynamique de l’opposition de Martin Fayulu.

D’autres personnalités se présentent loin de la capitale indomptable. C’est le cas notamment de Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale, qui se représente à Idiofa, dans le Kwilu (ouest). De son côté, l’ancien Premier ministre Matata Ponyo Mapon voudrait bien remporter l’un des deux sièges de la circonscription de Kindu ville, dans le Maniema. Dans cette même province de l’est du pays, Wivine Païpo, épouse d’Emmanuel Ramazani Shadary, tentera, elle, de conserver son siège de député de Kabambare, obtenu en 2006 et 2011 par son mari. Ce dernier lui a cédé lorsqu’il est entré au gouvernement en décembre 2016.

À l’extrême-est, Néhémie Mwilanya Wilondja, le discret et très influent directeur de cabinet du chef de l’État sortant, se présente pour la première fois aux législatives. Coordonnateur du FCC, il compte remporter un siège à Fizi, dans le Sud-Kivu, sous l’étiquette du Parti congolais pour le développement. Alors qu’à Bukavu, chef-lieu de la province, les cinq sièges à pourvoir se disputeront entre 167 candidats. Parmi lesquels quelques poids lourds : Vital Kamerhe, le ministre d’État Modeste Bahati, l’ancien gouverneur Marcellin Cishambo. Plus au Nord, Juvénal Munubo, l’un des prometteurs cadres de l’UNC, sollicite le renouvellement de la confiance des électeurs à Walikale, dans le Nord-Kivu.

La bataille du Sud

Dans la partie méridionale du pays, fief de Joseph Kabila mais aussi de l’opposant Moïse Katumbi, il sera intéressant de suivre plusieurs batailles électorales. À Lubumbashi par exemple, capitale de l’ex-Katanga (aujourd’hui démembré), 551 candidats se disputent 15 sièges. Qui du coach du célèbre TP Mazembe de Katumbi, Pamphile Mihayo, du jeune loup du PPRD, Adam Chalwe Munkutu, du sénatrice au franc-parler inébranlable Bijou Goya ou de l’homme d’affaires d’origine libanaise et ministre provincial Nazem Nazembe fera-t-il son entrée à l’hémicycle à Kinshasa en 2019 ?

Quant à la famille biologique du président Kabila, l’influente sœur jumelle Jaynet Désiré Kyungu Kabila ne voudrait rien d’autre que rééditer son exploit de 2011 dans la circonscription de Kalemie ville. Elle y avait été la mieux élue avec plus de 35 500 voix sur 150 803 votants. Son jeune frère Zoé Kabila Mwanza Mbala, très effacé tout au long de la législature passée (il n’a aucune fois pris la parole devant l’Assemblée nationale), revient à Manono pour solliciter de nouveau les suffrages. Et a profité de son nouveau statut de coordonnateur de la cellule « jeunesse » de l’équipe de campagne d’Emmanuel Ramazani Shadary pour « parrainer » d’autres candidats aux législatives. Objectif : accroître son influence dans le futur hémicycle.

Pour les législatives du 30 décembre, le législateur a changé les règles du jeu en 2017, en introduisant un « seuil de représentativité de 1 % du nombre total de suffrages valablement exprimés » au niveau national. Concrètement, un candidat remportera d’office un siège s’il obtient la moitié des suffrages valablement exprimés dans sa circonscription. Et « seules les listes des partis et regroupements politiques ou des indépendants ayant atteint ou dépassé ce seuil national de 1 % sont admises à l’attribution des sièges », abstraction faite des circonscriptions comptant un ou deux sièges.

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