Vivre et étudier au pays

En se dotant de son propre pôle universitaire performant, le pays espère limiter l’exode des cerveaux. Et proposer des programmes aux contenus mieux adaptés aux réalités locales

Publié le 26 juin 2006 Lecture : 3 minutes.

Djibouti, qui ne disposait jusqu’alors que d’un simple « pôle universitaire » créé en 2000, s’est doté en janvier 2006 d’une université de plein exercice, l’Université de Djibouti (UD). Elle sera entièrement opérationnelle à la rentrée de septembre. « Le pôle universitaire a été mis en place à la suite des états généraux de l’éducation, explique Aïdid Aden Guédi, le recteur de l’UD. À l’époque, nous avions opté pour une formule minimaliste, car nous manquions de personnel enseignant. Elle reposait sur le télé-enseignement. » Six établissements partenaires, cinq français et un yéménite (pour les cours d’arabe), faisaient parvenir à Djibouti des cours enregistrés, ainsi que des supports pédagogiques (polycopiés). Les copies d’examen étaient corrigées par des jurys à l’étranger, et les étudiants recevaient des diplômes français au terme de leur cursus. Des Djiboutiens diplômés de l’enseignement supérieur étaient recrutés comme tuteurs, afin d’éviter que les élèves ne perdent pied. Finalement, l’enseignement des tuteurs et celui assuré à distance ont fini par doublonner.
« Plusieurs éléments nous ont amenés à réfléchir et à nous demander s’il ne fallait pas faire évoluer la formule initiale, poursuit Aïdid Aden Guédi. Les tuteurs se sentaient dévalorisés. Les étudiants les considéraient souvent comme de simples répétiteurs, alors qu’ils étaient des professeurs qualifiés. Les enseignements arrivaient clés en main, nous n’avions aucune prise pédagogique sur les programmes, qui n’étaient pas toujours adaptés aux réalités locales. On ne maîtrisait pas les contraintes de calendrier. Enfin, c’était très onéreux : 650 euros par étudiant et par an. » Djibouti, qui a entre-temps étoffé son corps enseignant grâce au retour des thésards, attirés par les salaires attractifs proposés par le pôle universitaire – 1 500 dollars mensuels nets pour un titulaire de DEA, et 2 000 dollars pour un docteur – a donc pris la décision stratégique de transformer le pôle universitaire en université. Une part résiduelle du budget continuera à être affectée au télé-enseignement, qui ne représentera plus que 15 % des heures de cours à la prochaine rentrée. L’intégralité des enseignements de première année sera réalisée sur place. D’ici à 2009, ce système sera totalement abandonné. Les conventions liant le pôle universitaire avec les établissements partenaires, comme les universités de Grenoble et de Besançon, sont en train d’être renégociées. Les maquettes pédagogiques djiboutiennes vont être validées par les établissements français. Les licenciés de l’UD auront ensuite la possibilité de poursuivre leurs études en mastères et en DEA auprès des universités françaises partenaires.
Installée dans les locaux (assez confortables) d’un ancien lycée professionnel, disposant d’une bibliothèque assez spacieuse et informatisée, de salles climatisées, possédant le parc d’ordinateurs le plus important du pays (350 postes fonctionnant en réseau), l’UD devrait accueillir 2 200 étudiants à la rentrée prochaine. Elle est structurée en trois facultés : lettres, langues, sciences humaines ; droit, économie, gestion ; sciences et filières technologiques industrielles. Les enseignements – sauf à la faculté de lettres – sont divisés en deux troncs : enseignement général et enseignement technique. Les cours sont assurés jusqu’au niveau bac+3. Un nouveau campus devrait être inauguré en 2010 sur la route de Doraleh, dans le quartier de Balbala. Des bailleurs de fonds arabes comme le Fonds arabe pour le développement économique et social (Fades), qui s’est engagé à hauteur de 18 millions de dollars, ont accepté de le financer. L’UD, qui dispose d’un budget de 800 millions de FD, ne perçoit pas encore de droits d’inscription. Cela pourrait changer dès septembre.
Djibouti accusait un retard considérable dans le domaine de l’éducation lors de son accession à l’indépendance. Et le cap des 1 000 bacheliers n’a été franchi qu’en 2004. Jusqu’en 2000, les bacheliers se voyaient systématiquement attribuer une bourse pour terminer leurs études à l’étranger, en France le plus souvent, mais aussi en Tunisie et au Maroc, deux pays avec lesquels Djibouti a noué une fructueuse coopération universitaire. « Le système avait atteint ses limites, conclut le recteur Guédi. La plupart de nos étudiants préféraient rester à l’étranger. Et le quart du budget de l’éducation nationale était consacré aux bourses. » Aujourd’hui, celles-ci ne subsistent plus que sous la forme de bourses d’excellence, une dizaine par an, réservées aux éléments les plus brillants. On estime qu’environ 10 % des bacheliers d’une classe d’âge continuent à aller étudier en France. Mais par leurs propres moyens.

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