Halde aux discriminations !

Conseiller les victimes de discriminations afin qu’elles obtiennent réparation, telle est la mission de la Haute Autorité mise en place il y a un an. Premier bilan.

Publié le 26 juin 2006 Lecture : 4 minutes.

C’est une règle bien connue : nombre d’entreprises, de discothèques et d’agences immobilières françaises ouvrent plus vite leurs portes aux citoyens « normaux ». Les autres, Noirs, personnes âgées, homosexuels, syndicalistes, handicapés, parents seuls, n’ont bien souvent d’autre choix que de prendre leur mal patience. Le sacro-saint principe républicain d’égalité n’aurait-il d’existence que nominale, sur le fronton des mairies ? Selon la loi, ces comportements de rejet sont des « discriminations » (le fait de refuser l’accès à un bien ou à un service – ou dénier un droit – à une personne sous prétexte de son origine, de sa religion, de son orientation sexuelle). Elles tombent sous le coup du code pénal et du code du travail. Mais, difficiles à prouver, elles échappent le plus souvent à l’il d’une justice surchargée.
Longtemps, les gouvernements, de droite comme de gauche, se sont montrés relativement passifs. Mais, depuis le 8 mars 2005, les patrons qui ne veulent pas de Noirs dans leur entreprise sont traqués par un nouveau gendarme : la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde).
Jacques Chirac avait fait de la cohésion sociale l’un de ses chevaux de bataille durant la campagne présidentielle de 2002. La Halde, née avec la loi du 30 décembre 2004, est censée en être le bras armé. « Sa mission, c’est d’accompagner et de conseiller la victime d’une discrimination afin de lui permettre d’obtenir réparation », explique le chef de l’État lorsqu’il « installe » l’institution, le 23 juin 2005.
Nouvel épouvantail pour calmer les esprits et nourrir la cote présidentielle ? La démarche est en tout cas politiquement correcte. Mais la Halde est aussi le produit d’une directive européenne : chaque État membre doit disposer d’un organisme indépendant chargé de lutter contre les discriminations liées à la race et à l’ethnie. Paris prend bonne note de la directive, mais décide de l’étendre à dix-sept critères, un record en Europe (voir encadré ci-dessous). Pour saisir la Halde, il suffit de lui écrire ou de lui téléphoner*. Si la discrimination est avérée, l’un des trente juristes aidera la victime à rassembler les pièces du dossier. C’est là que le « machin » est utile : comment convaincre l’employeur qui n’a pas retenu Leïla, au prétexte que ses compétences étaient insuffisantes, d’envoyer les curriculum vitae des autres candidats, la grille et les comptes-rendus d’entretien, qui permettront de prouver que c’est du fait de son origine que la jeune femme n’a pas été retenue ? Le courrier de la Halde fonctionne comme une sommation. Et quand cela ne suffit pas, elle peut utiliser d’autres armes : investigation, saisine de la justice et dénonciation des mauvaises pratiques. Mais il est rare que le dossier soit transmis au parquet. La décision de donner une suite à l’affaire appartient à un collège de onze membres (parmi lesquels la présidente de l’association Ni putes ni soumises), qui se réunit en séance plénière deux fois par mois. Trois issues sont alors possibles : médiation, amende et réparation, transmission du dossier à la justice. La première, qui permet de trouver un accord entre les parties, tout en évitant un long détour par les tribunaux, a été à ce jour la plus utilisée. La deuxième option n’existant que depuis le 30 mars 2006, les chiffres ne sont pas encore disponibles. Quant à la troisième, elle n’a concerné que très peu de cas.
Dans son bureau cossu de la rue Saint-Georges, Marc Dubourdieu, directeur général de la Halde, montre du doigt la pile de courrier reçu le matin même. En un an, la Halde a enregistré 1 822 réclamations, dont 40 % pour des discriminations liées à l’origine et 45 % se produisant sur le lieu de travail. Résultat honorable, compte tenu de la confidentialité de la Halde à ses débuts. Pour sa première année d’existence, la Halde a choisi de concentrer ses forces sur la lutte contre les discriminations plus que sur la promotion de l’égalité, sa seconde mission. Mais sa tactique en la matière est déjà élaborée : faire connaître aux entreprises les « bonnes pratiques » mises en uvre par certaines d’entre elles. Le 5 décembre dernier, Louis Schweitzer a écrit à 146 entreprises en leur demandant de lui faire part de leurs outils de lutte contre les discriminations. Trente-huit seulement n’ont pas répondu.
Difficile de juger de l’efficacité de ce tout jeune sanctuaire de l’égalité. Pour Samuel Thomas, vice-président de SOS Racisme et membre du « comité consultatif » de la Halde, celle-ci, avec un budget de 10,7 millions d’euros en 2005, a « quarante fois les moyens de SOS Racisme » pour lutter contre les discriminations, mais ne met pas tout en uvre pour sanctionner les coupables.
Dès la nomination de Louis Schweitzer, ancien patron de Renault et membre de plusieurs conseils d’administration, syndicats et associations ont craint une complaisance à l’égard des entreprises. Le fait que les différends se soldent le plus souvent par des recommandations conforte leurs soupçons. Autre source d’inquiétude : la proximité de la Halde avec l’État, rendant a priori délicate la condamnation de la fonction publique, qui est la première à donner, pour certains postes, la priorité aux nationaux L’ambiguïté est en partie levée : le 9 mars, la Halde a confirmé que les médecins à diplômes étrangers employés dans les hôpitaux publics, moins payés que leurs homologues ayant étudié dans les facultés françaises, étaient victimes de discrimination.

* 11, rue Saint-Georges, 75009 Paris
Téléphone : 08 1 000 5 000

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