Fin de partie pour Charles Taylor

L’ancien chef de guerre devenu président a été incarcéré au centre de détention de Scheveningen, aux Pays-Bas. En attendant son procès devant le Tribunal spécial de l’ONU pour la Sierra Leone.

Publié le 26 juin 2006 Lecture : 3 minutes.

Depuis le 20 juin, Charles Taylor est incarcéré dans le centre de détention de haute sécurité de Scheveningen, dans la banlieue de La Haye, dans l’attente de son jugement pour de graves violations des droits de l’homme. Triste fin pour celui qui était parvenu à se hisser au sommet de l’État libérien sans jamais cesser d’être un sanglant chef de guerre !
Quatre jours après la résolution des Nations unies du 16 juin autorisant son transfert aux Pays-Bas, Taylor a été extrait de la prison de Freetown, où il était détenu depuis son expulsion du Nigeria, le 29 mars. Conduit, sous haute protection policière, dans les locaux du Tribunal spécial de l’ONU pour la Sierra Leone (TSSL), il a ensuite été évacué par hélicoptère vers Lungi, le principal aéroport de la Sierra Leone, où l’attendait un avion civil affrété par les Nations unies. Après avoir plaisanté sur la passerelle avec Peter Andersen, le porte-parole du TSSL, qui lui a souhaité « bon voyage », il a pris place à bord de l’appareil. Celui-ci a décollé à 9 h 40 (locales et GMT) et atterri à Rotterdam un peu plus de sept heures plus tard (17 h 14 GMT).
La mine sombre et le regard perdu, l’illustre détenu a descendu, menotté, les quelques marches de la passerelle. Cette image d’un ancien chef d’État africain déféré devant une juridiction européenne est sans précédent depuis les indépendances. Un moment d’histoire.
Taylor a été accueilli par des représentants du ministère néerlandais des Affaires étrangères, puis installé dans un fourgon noir aux vitres teintées. Escorté de plusieurs motards de la police, le véhicule a foncé vers Scheveningen, un quartier chic au nord-ouest de La Haye, avec villas coquettes, pistes cyclables arborées et plage immaculée.
Le centre de détention ressemble au siège d’un établissement public ou d’une grande entreprise. On le remarque à peine dans ce quartier luxueux. Aucun barbelé n’est visible de l’extérieur… Taylor a été installé dans l’une des douze cellules individuelles louées jusqu’en 2008 par la Cour pénale internationale (CPI), qui a son siège à moins de vingt minutes de là. La pièce est presque aussi confortable qu’une chambre d’un hôtel de luxe : grand lit, douche, WC, lavabo, table, chaise et télévision en cinq langues. L’établissement dispose d’une cour adaptée aux exercices physiques, d’une bibliothèque bien fournie, de salles de jeux : fléchettes, ping-pong, jeux de société Un médecin, une infirmière et un psychologue y sont de service en permanence et des professeurs y dispensent des cours d’art et de langue.
L’ex-maître de Monrovia, qui côtoie à Scheveningen des détenus du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et de la CPI, bénéficie donc d’un régime carcéral exceptionnellement clément. Mais il est strictement contrôlé et ses moindres faits et gestes sont filmés. Le gouvernement néerlandais est évidemment échaudé par le précédent Slobodan Milosevic : on sait que l’ancien président serbe a été retrouvé mort dans sa cellule le 11 mars dernier Conformément aux conventions internationales en matière de droits de l’homme, Taylor est autorisé à recevoir les visites de ses proches et de ses avocats. À condition que ces derniers signent un document par lequel ils s’engagent à « ne pas dévoiler les détails de la topologie de la prison et de l’état de santé des prisonniers ». Ils doivent également se soumettre à plusieurs fouilles et vérifications d’identité avant d’accéder au détenu.
L’ex-chef de guerre risque de séjourner ici plusieurs mois avant d’être jugé par le TSSL dans des locaux mis à la disposition de celui-ci par la CPI. « Il est difficile de prévoir quand le procès s’ouvrira et quand il s’achèvera », estime le procureur Christopher Staker, dont le supérieur, Desmond de Silva, est actuellement en congé maladie et ne reprendra son travail qu’au début de 2007. Il faut en outre du temps pour permettre à la défense d’étudier les quelque 32 000 pages de témoignages et de preuves réunis par l’accusation, faire venir à La Haye des personnels du TSSL et des témoins, assurer la protection de ces derniers et mettre en place la logistique qui permettra aux familles des victimes et aux médias africains de suivre le procès.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires