Des habits neufs

La nouvelle réforme institutionnelle de l’organisation d’intégration régionale entrera en vigueur dès janvier prochain.

Publié le 26 juin 2006 Lecture : 4 minutes.

A partir de janvier 2007, il faudra parler de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), et non plus de son secrétariat exécutif. Le trentième sommet des chefs d’État et de gouvernement qui s’est tenu à Abuja (Nigeria), le 14 juin, en a décidé ainsi. Sur le modèle de l’Union africaine et de l’Union européenne, l’organisation créée en 1975 et réunissant quinze pays de la région s’est enfin donné les moyens institutionnels de son intégration politique et économique. Alors qu’un secrétariat se contente d’exécuter les directives fixées par les gouvernements, une commission permet à toute structure régionale d’accentuer sa légitimité, sans pour autant remettre en question les souverainetés nationales. Elle détient un réel pouvoir de proposition et dispose des outils nécessaires pour imposer un fonctionnement autonome.
La décision de principe avait été prise en janvier dernier, à Niamey (Niger), lors du précédent sommet de la Cedeao. Les discussions entre « souverainistes » et « fédéralistes » avaient été vives. Les conciliabules et les huis clos s’étaient même par moments transformés en bataille de chiffonniers. En jeu : le nombre de commissaires, leurs attributions et prérogatives. Deux choix se présentaient aux États : une commission « politique » de quinze membres défendant leurs intérêts nationaux ou une équipe limitée à neuf commissaires, moins coûteuse, et plus « collective ». Le second schéma l’a emporté, avec un président, un vice-président et sept commissaires, dont les mandats seront de quatre ans.
Quinze pays pour neuf places ! La partie de chaises musicales ne faisait que commencer, en janvier, mais la ministre nigérienne des Affaires étrangères, Aïchatou Mindaoudou, dont le pays assure la présidence en exercice de la Cedeao, promettait que tout serait « fini avant la fin de l’année ». Pari tenu. Le secrétaire exécutif sortant, le Ghanéen Mohamed Ibn Chambas, prend la tête de la nouvelle architecture et devient « président de la Commission », secondé par un Burkinabè au poste de vice-président. Ce dernier comme les sept autres commissaires qui siégeront dans la première formation devront être nommés d’ici janvier prochain. On sait qu’ils seront ivoirien, malien, nigérien, nigérian, sénégalais, sierra-léonais et togolais. Les domaines de compétence et la répartition des commissions doivent être déterminés en septembre prochain. La Gambie et le Bénin conservent, respectivement, le poste de contrôleur financier au sein de l’exécutif et la présidence de la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao (BIDC). Manquent à l’appel, le Cap-Vert, la Guinée-Conakry et la Guinée-Bissau ainsi que le Liberia, mais il est prévu de faire « tourner les effectifs » tous les quatre ans. Un régime de faveur est toutefois accordé à Abuja, qui détiendra d’office un poste permanent au sein de la Commission. Privilège des puissants, le Nigeria contribue à hauteur de 60 % au budget de l’institution, qui s’élève à 120 millions de dollars.
« Ce sommet est décisif pour le développement de la région. Cette nouvelle articulation va permettre d’accélérer la mise en uvre des programmes dans les domaines, notamment, de l’agriculture, de l’environnement et des infrastructures. Jusqu’à présent la Cedeao s’était surtout focalisée sur la résolution des conflits », se réjouit le ministre des Maliens de l’extérieur et de l’Intégration africaine, Oumar Hamadoun Diko. Avant d’ajouter : « Notre organisation est en train de prouver qu’elle est la plus performante à l’échelle du continent. » Espérons que cette volonté affichée puisse rapidement faire avancer les dossiers les plus urgents. À commencer par la mise en place effective de l’union douanière devant conduire à la libre circulation des marchandises exemptées de droits de douane. Quant à la libre circulation des personnes, il suffit de passer une frontière régionale pour s’en convaincre. Nous en sommes encore loin. Seuls le Bénin, la Guinée et le Sénégal ont mis en circulation le passeport Cedeao.
L’autre restructuration en cours concerne le Parlement. Pour l’instant, son rôle n’est que consultatif et ses membres sont désignés par les représentations nationales. Après une première législature qui a pris fin en novembre 2005, le nouveau mandat a été ramené à quatre ans, au lieu de cinq, pour coïncider avec celui de la Commission. Les chefs d’État et de gouvernement se sont par ailleurs entendus sur un renforcement de ses prérogatives et sur une élection au suffrage universel direct. « Nous entrons dans une période de transition à l’issue de laquelle les parlementaires auront une véritable fonction de législateur et de représentation communautaire », avance Oumar Hamadoun Diko. À terme, au nom de la décentralisation, le siège de ce Parlement pourrait avoir quitté Abuja pour Abidjan. Un signal fort envoyé par la Cedeao aux autorités d’une Côte d’Ivoire toujours en crise. « Dès que les conditions de sécurité le permettront. Espérons que cela puisse se faire après l’élection présidentielle prévue pour octobre 2006 », conclut le ministre malien.

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