Coup de filet à Nouakchott

Publié le 26 juin 2006 Lecture : 2 minutes.

« Absurde ! » Au siège de l’état-major de l’armée comme à la présidence de la République, c’est le terme utilisé pour démentir les rumeurs de putsch avorté qui ont suivi l’arrestation, le 19 juin à Nouakchott, de cinq proches de Maaouiya Ould Taya, l’ex-président déposé le 3 août 2005, membres comme lui de la tribu des Smassides. « Comment auraient-ils pu renverser le Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) et son gouvernement de transition, alors que ces derniers sont soutenus par les forces armées et l’ensemble de la classe politique, y compris les partis de l’ex-opposition ? » feint-on de s’interroger en haut lieu.
Deux des cinq interpellés – les colonels Abderrahmane Ould Lekouar et Sidi Mohamed Ould Elvaïda – sont certes des militaires de haut rang, mais ils n’avaient plus aucun pouvoir depuis le renversement d’Ould Taya. Le premier, qui dirigea longtemps la Marine nationale, n’était plus que « conseiller » du chef d’état-major. Le second, qui fut à la tête d’un corps d’élite, les Bataillon des commandos parachutistes (BCP), a été mis à la retraite anticipée en septembre 2005, après une brève détention. Pour les organisations de défense des droits de l’homme et de nombreux Mauritaniens, ils symbolisent les dérives de l’ancien régime.
Leurs trois codétenus, Mohamed Ould Mohamed Ali, ancien consul à Dakar et à Casablanca, Ahmed Ould Saleck et Mini Ould Abderrahmane, fils du colonel Lekouar, sont des civils. Les deux premiers militent activement pour la restauration du régime déchu, Ould Mohamed Ali au sein du Parti républicain démocratique pour le renouveau (l’héritier du PRDS, l’ancien parti-État) et Ould Saleck par le biais notamment de ses écrits sur le Net.
Les nouveaux maîtres du pays n’ont à aucun moment tenté de mettre un terme à cet activisme. « Le CMJD ne pouvait faire autrement puisqu’il s’était engagé à respecter les libertés publiques et à ne pas recourir à l’arbitraire », commente un observateur. D’autant que le processus de transition en cours, qui devra déboucher, en mars 2007, sur la remise du pouvoir aux civils, suscite un « consensus quasi général ».
Pourquoi donc ces arrestations ? À en croire un membre du gouvernement, les cinq hommes ont « trempé dans un complot visant à saboter le référendum du 25 juin et à entraver la transition », ce dont les services de sécurité auraient la preuve « accablante ». Plus précisément, ils auraient diffusé dans tout le pays des tracts hostiles à la transition et, surtout, procédé à « des achats de voix » dans les principaux centres urbains du pays, quelques jours avant leur arrestation. Objectif : « inciter les gens soit à boycotter le référendum, soit à voter contre la Constitution amendée », qui limite le mandat présidentiel à cinq ans (au lieu de six auparavant) renouvelable une fois. À Nouakchott, on ne cache pas que la « prudence verbale » des autorités sur cette affaire – les médias officiels n’en ont pas soufflé mot – s’explique par leur souci de ne pas tomber dans le piège des conjurés en parasitant le scrutin du 25 juin.
Il va de soi qu’un vote massif des Mauritaniens en faveur du texte proposé par le CMJD serait interprété comme un plébiscite pour le « changement » et ne ferait pas vraiment les affaires des nostalgiques d’Ould Taya. Restent quelques questions auxquelles l’enquête en cours devra s’efforcer de répondre : d’où venait l’argent dont disposaient les « conjurés » ? Ces derniers avaient-ils des complices ? On en saura sans doute un peu plus après le référendum.

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