Un pouvoir aveugle
Tout au long des quatorze années qui se sont écoulées depuis l’accès au pouvoir de la majorité noire, les habitants des townships ont fait preuve d’une immense patience. Les violences dont sont victimes les immigrés des environs de Johannesburg sont un message clair envoyé aux dirigeants sud-africains : maintenant, ça suffit !
On aurait tort de penser que cette explosion de xénophobie est une simple réaction face à une immigration incontrôlée. C’est aussi la conséquence de l’envol des prix des produits alimentaires, de la chute du niveau de vie, d’un taux de chômage dépassant 30 % et d’un gouvernement qui paraît aveugle à la situation des plus pauvres. L’économie de l’Afrique du Sud a connu un taux de croissance de plus de 5 % ces trois dernières années. Certains ont gagné beaucoup d’argent. Le plus grand nombre n’en a pas profité. Si les services publics se sont améliorés dans les townships depuis la fin de l’apartheid, ils restent largement insuffisants. Les tensions sociales qui en résultent ont été aggravées par l’arrivée de millions d’Africains fuyant la misère de leur pays, en quête d’un gagne-pain difficile à trouver, même en Afrique du Sud. Sur ce total, on compte de très nombreux Zimbabwéens.
Le président Thabo Mbeki a longtemps cru que le développement du commerce, de l’aide et des infrastructures favoriserait la croissance et les créations d’emploi sur tout le continent. Mais il n’a pas suffisamment pris en compte l’impact de la crise du Zimbabwe voisin sur son pays. La dégradation, survenue ces jours derniers, de la réputation de tolérance qu’avait l’Afrique du Sud montre à quel point il avait tort.
Les agressions contre des étrangers en situation difficile sont souvent révélatrices de malaises profonds. Jacob Zuma, président du Congrès national africain (ANC) et très probable successeur de Thabo Mbeki à la tête de l’État, l’a mieux compris que lui. Il a promis aux milieux d’affaires qu’il poursuivrait une politique d’ouverture aux investissements, et aux plus pauvres qu’il s’occuperait d’eux. Sans avoir précisé, cependant, comment il allait mener de front ces deux priorités.
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