Une leçon de plaisir

Très gros succès dans le monde arabe, le roman érotique de la Syrienne Salwa Al Neimi vient de sortir en français. Un hommage à l’amour et au langage.

Publié le 26 mai 2008 Lecture : 3 minutes.

Qu’attendre, sinon le meilleur, du sillon qui creuse un dos délicieux s’achevant par deux fossettes, en ornement de la couverture ? On ne sort pas déçu du roman de Salwa Al Neimi, et l’on s’étonne presque d’être encore habillé. S’attaquant pour la première fois à une prose qui se révèle tout à fait consentante, la poétesse syrienne, installée à Paris, fait du désir l’épine dorsale de sa liberté.
Constamment excitée, la narratrice est toujours prête à l’amour. Les mots sont, sous sa plume et aussi sur le plumard, des friandises parfaitement réceptives à toutes les gourmandises. Le prénom Salwa signifie miel dans les dictionnaires arabes. Quant au nom de l’auteure, il dit le paradis. D’Ibn Arabi, Salwa a retenu que « la preuve de la douceur du miel, c’est le miel lui-même ». Elle n’y va pas avec le dos de la cuillère : « Je savais que plus le coït est obscène, meilleur il est. Pourtant, je tentais de contenir mon râle. » Surtout, Salwa contient son roman loin de l’idée que l’amour serait une parenthèse de miel entre deux infinis de fiel.

Anthologie libertine

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Son roman prend prétexte de la préparation par une bibliothécaire d’une communication à un colloque sur les traités érotiques arabes. La Preuve par le miel distille donc une petite anthologie libertine à la gloire du désir. Mais chez Salwa Al Neimi, mettez liberté à la place de sexe et vous saurez le fin mot de cette fantaisie élégamment rebelle. En se faisant pédagogue de la plus haute expression littéraire arabe autour de l’amour, la romancière invente presque un genre : la leçon de plaisir.
Les hommes se demandent toujours ce que les femmes disent d’eux. On possède grâce à ce petit bijou de la famille des grandes oeuvres coquines des réponses enjouées. La romancière appelle les choses de la vie par leur nom. Amante du Penseur, elle a connu aussi le Voyageur, et divers partenaires comblés ou un peu vides. Elle explique, à la manière de Garance dans Les Enfants du paradis de Jean Renoir : « Je ne suis pas belle, je suis vivante, c’est tout. »
Dix-sept traductions de La Preuve par le miel sont en cours. Mais, selon Salwa, l’arabe est la langue du sexe. Citant Tifachi ou Mohammed al-Nafzaoui, la conteuse observe sans crainte les étoiles du désir et du plaisir. Elle rompt le pacte de la dissimulation et déteste la tartufferie. Dans la forêt d’interdits où se surveillent mutuellement les zélotes de la misère sexuelle, la romancière syrienne dessine une clairière. Il reste au lecteur de La Preuve par le miel à ne pas s’épargner personnellement la charge de la preuve. Et l’on se souviendra sans doute longtemps, à Beyrouth où ce livre est d’abord paru mais aussi ailleurs, de la tranquille audace qui fait écrire en arabe à Salwa Al Neimi : « Je baise donc je suis. Pourquoi ne puis-je le dire ni l’écrire en arabe ? » Déployant avec une vraie grâce la preuve que si l’acte est légitime, le mot ne l’est pas moins, ce roman cinglant et qui paraîtra à certains quelque peu cinglé ne fait jamais que rendre hommage à l’amour et au langage parce que, nous dit sa fringante héroïne, « le centre du plaisir en moi s’est confondu avec le centre de la connaissance ». Ce vaste programme a le mérite de faire du bien à tout le monde. Espérons que Salwa Al Neimi décomplexera ses lecteurs les plus noués. Quant aux plus doués, félicitations !

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