Terrorisme : la filière belge

Les services de sécurité du royaume ont mis au jour une énième filière islamiste radicale dont les ramifications plongent au coeur de la communauté immigrée installée en Belgique.

Publié le 26 mai 2008 Lecture : 4 minutes.

Pour la presse – et pour la police – belge, c’est apparemment une révélation de plus, en provenance du Maroc. Déjà prises de court par la mise au jour, en février dernier, du réseau dirigé par le Belgo-Marocain Abdelkader Belliraj, les autorités de Bruxelles n’ont pu qu’enregistrer la découverte, mi-mai, par les services du royaume, d’une énième filière islamiste radicale dont les ramifications – si ce n’est la source elle-même – plongent au coeur de l’importante communauté immigrée originaire du Maroc (près de 300 000 personnes). Selon les informations obtenues par Jeune Afrique, c’est l’arrestation, début mai, à Nador, dans le Rif, d’un certain Lahbib Benali, présenté comme le chef du réseau, qui a permis l’interpellation des dix autres membres de cette petite structure typique des cellules démantelées au Maroc ces dernières années.

Recruteur à plein temps

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Marocain résidant à Bruxelles, rue Van de Weyer, dans le quartier de Schaerbeek, marié à une Belgo-Marocaine, Benali évoluait depuis plusieurs années dans la mouvance de la Salafiya Djihadiya. Actif, débrouillard, sans autre profession fixe que celle de recruteur au service de la cause, cet originaire de Nador avait attiré l’attention de la police belge en janvier 2008, après une tentative manquée de se rendre en Irak. Une bande-vidéo avait été saisie à son domicile dans laquelle il rendait hommage à Oussama Ben Laden et exhortait les musulmans à ne plus vivre « dans les sociétés de mécréants gouvernées par des principes étrangers à l’islam comme la démocratie ». Se sachant repéré, Benali regagne alors le Maroc laissant derrière lui une « cellule belge » constituée depuis deux ans et dont les contours, les objectifs ainsi que l’identité des membres viennent d’être transmis à Bruxelles par les policiers marocains. Y figurent plusieurs Belgo-Marocains – dont un certain Hicham Bouali Zriouil, 29 ans, natif d’Anvers, résidant à Anderlecht et qui se trouverait depuis quelques semaines en Irak, où il aurait rejoint le « djihad » -, un Tunisien et un Belge converti à l’islam. Ce sont les membres de cette première cellule qui, selon les enquêteurs marocains, avaient projeté de commettre des attentats contre le siège de l’Union européenne (UE) et un hôtel de la chaîne Sheraton, à Bruxelles.

Voyageant constamment entre la Belgique et le Maroc, Lahbib Benali avait agrégé autour de lui une seconde cellule terroriste, au « bled » cette fois, implantée pour l’essentiel dans la région de Nador, avec des cibles locales. Lors de son démantèlement, les policiers marocains ont ainsi découvert que Benali et ses hommes envisageaient l’assassinat de touristes européens et la liquidation physique des charlatans, vendeurs d’amulettes et autres « mauvais musulmans » de la cité rifaine. Parmi les dix membres du réseau arrêtés début mai, on compte des artisans, un contrebandier, un étudiant et un prothésiste dentaire. Tous ont entre 20 et 30 ans. Un seul n’est pas de la région : il est serveur de restaurant à Fès. Bras droit de Benali, le dénommé Khalid Ouled Mansour, 23 ans, entretient des contacts avec les trafiquants d’armes du coin. Pour avoir déjà tenté de rejoindre les maquis du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) algérien en 2005 – en vain, détenu un moment par la police algérienne, il a été refoulé pour émigration clandestine -, Ouled Mansour passe pour un « militaire ». Une chose est sûre : il est particulièrement déterminé.

L’ombre de la salafiya djihadiya

Y avait-il des liens structurels entre les cellules marocaine et belge ? Cela reste à démontrer, car, à y regarder de plus près, « Marocains » et « Belges » relèvent d’univers très différents. Les premiers sont enracinés à Nador, alors que les seconds sont des immigrés de la seconde génération, originaires d’autres régions du Maroc, voire d’autres pays du Maghreb. Le seul lien visible, complexe et dont la personnalité mériterait d’être explorée s’appelle Lahbib Benali. Selon les premiers éléments de l’enquête, ce personnage d’une certaine envergure opérationnelle malgré son jeune âge entretenait des relations d’allégeance avec Noureddine el-Youbi, l’un des terroristes les plus recherchés du royaume, émir de la Salafiya Djihadiya et dont la dernière « résidence » connue est un campement itinérant de l’organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), quelque part dans le no man’s land du nord du Mali (le nom de Youbi est apparu pour la première fois, dans la presse marocaine, en janvier 2008 lors de l’instruction d’une affaire de recrutement de djihadistes entre le nord de l’Espagne et la région de Tétouan). Avec le démantèlement de ce dernier réseau, les services de sécurité marocains confirment leur capacité assez remarquable d’action préventive. Un sens de l’anticipation – et une qualité du renseignement – qui leur a permis pour l’instant d’étouffer dans l’Âuf une bonne dizaine d’attentats sanglants depuis ceux de Casablanca, il y a tout juste cinq ans.

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