Objectif autosuffisance
À l’heure où la hausse des prix des denrées alimentaires secoue la planète, la production céréalière, largement déficitaire, est plus que jamais « la » grande question nationale.
Ce n’est pas un hasard si c’est Sidi Ould Cheikh Abdallahi en personne qui, le 5 mai, à Rosso (sur la rive nord du fleuve Sénégal), a donné le coup d’envoi de la campagne agricole : pour 2008 et les années à venir, l’agriculture est élevée au rang de « priorité nationale ». « C’est la lame de fond de l’action du gouvernement », insiste Abderrahmane Ould Hamma Vezaz, ministre de l’Économie et des Finances, reconduit après le remaniement du 6 mai. Après une première année de flottement pendant laquelle « les Mauritaniens avançaient sans boussole », selon le leader d’un parti d’opposition, le chef de l’État et ses conseillers essaient d’orienter les forces vives du pays vers un objectif économique : atteindre l’autosuffisance céréalière d’ici à cinq ans.
La décision est intimement liée à la crise alimentaire mondiale dont la Mauritanie, qui importe 70 % de ses besoins en nourriture de base (et même 75 % de sa consommation en riz), souffre cruellement. En mars dernier, le Programme alimentaire mondial (PAM) tirait la sonnette d’alarme, prévoyant pour le pays une « crise sérieuse » et soulignant que, sous l’effet de la hausse des prix – plus 100 % pour le blé et plus 80 % pour le riz entre janvier 2007 et mars 2008 -, le nombre de familles en situation d’insécurité avait progressé de 15 % depuis juillet 2007.
Outre un ensemble de mesures d’urgence prises pour atténuer les méfaits de la hausse des prix – facilités de caisse accordées par le Trésor public à la Société nationale d’importation et d’exportation (Sonimex), détaxation du riz, augmentation de la subvention sur le pain versée aux boulangeries, distribution gratuite de vivres -, l’État met donc en Âuvre un plan sur plusieurs années. Le tout est réuni dans un « Programme spécial d’intervention » (PSI), piloté par le cabinet du président.
UNE RESTRUCTURATION POUR LE LONG TERME
À long terme, il s’agit notamment de mettre en valeur 30 000 hectares de terres irriguées dans la vallée du fleuve Sénégal, la zone la plus fertile du pays, où seulement 15 000 hectares sont aménagés aujourd’hui. L’autre objectif est de réhabiliter quelque 400 digues et « diguettes » en vue d’augmenter les cultures pluviales. À la fin de l’année, le pays devra avoir produit 190 000 tonnes toutes céréales confondues, censées couvrir environ 50 % de ses besoins en riz et en céréales traditionnelles (sorgho, mil, etc.).
Pour beaucoup, ce pari de la riziculture est irréaliste : « On a essayé maintes et maintes fois, ça n’a jamais marché », rappelle un ancien journaliste qui a travaillé sur la question. Du côté du gouvernement, on persiste dans ce choix : « Si les expériences passées ont été des échecs, se défend le ministre de l’Économie et des Finances, c’était en raison de problèmes conjoncturels d’organisation et de disponibilité des intrants. »
Le coût total des mesures à court et long terme s’élève à 40 milliards d’ouguiyas (115 millions d’euros), ce qui contraindra le gouvernement à faire voter une loi de finances rectificative au budget 2008 (initialement de 228 milliards d’ouguiyas, soit 651 millions d’euros). Le déclin de la production pétrolière ayant continué en 2008 – environ 11 000 barils par jour, alors que les prévisions faites en 2006 tablaient sur 75 000 -, les finances publiques sont sous tension. Mais depuis son entrée en démocratie, la Mauritanie bénéficie de la bienveillance des bailleurs de fonds : dans le cadre du « Groupe consultatif » qui s’est réuni à Paris en décembre dernier, ils se sont engagés à financer des projets de développement à hauteur de 1,6 million d’euros.
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