Nouakchott sauvé par les eaux du fleuve
Plus des deux tiers des habitants ne sont pas connectés au réseau de distribution d’eau potable. La gestion des ressources et la desserte des zones rurales comme de la capitale sont, plus qu’une priorité, une urgence.
Sur le goudron brûlant, un âne guidé par un jeune homme en tee-shirt et casquette tire péniblement sa charrette. Celle-ci déborde de bidons d’eau potable mal attachés. Les automobilistes s’impatientent. Certains klaxonnent, d’autres essaient de le doubler. Le tout finit dans un embouteillage. À Nouakchott, la scène est banale.
Avec ses 800 000 habitants recensés aujourd’hui, contre 600 000 en 2000 et moins de 6 000 à l’indépendance (1960), la capitale mauritanienne s’est peuplée à une allure frénétique. La soif d’espace des nouveaux venus, souvent arrivés de l’intérieur du pays quasiment désertique, a étiré la ville dans tous les sens. Le réseau de distribution d’eau, lui, n’a pas suivi : moins d’un tiers de la population lui est directement connecté. Nombreux sont donc les Nouakchottois achetant le rare et précieux liquide à des revendeurs ambulants, qui se sont eux-mêmes approvisionnés aux multiples bornes-fontaines parsemant la ville, particulièrement dans les quartiers périphériques. Mais quand la demande augmente avec les fortes chaleurs, l’eau vient à manquer. Ceux qui ont l’eau courante subissent des coupures quotidiennes. Les autres voient les prix des revendeurs grimper.
LE PROJET AFTOUT ESSAHLI SORT ENFIN DES TIROIRS
Le scénario s’est produit en juin et juillet 2007, moins de deux mois après l’investiture de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Un cadeau de bienvenue empoisonné, posé sur le bureau du nouveau régime, qui a rappelé un problème récurrent et sensible : l’approvisionnement en eau de Nouakchott, « où les problèmes sont les plus aigus parce c’est la plus importante concentration de population du pays », insiste Mohamed Salem Ould Béchir, le secrétaire général du ministère de l’Hydraulique. Rapidement, des mesures d’urgence ont été prises : la production de la station d’Idini (à 70 kilomètres de Nouakchott, sur la « route de l’Espoir »), dont la nappe phréatique alimente la ville, est passée de 45 000 à 60 000 m3 par jour. Toujours à Idini, les travaux visant à augmenter la capacité de la centrale électrique – qui permet le pompage – ont été accélérés. Le transit a été amélioré et des citernes réparties dans la ville en fonction des besoins. « Des mesures combinées qui ont permis de passer les mois difficiles », se félicite Mohamed Salem Ould Béchir.
La population, elle, continue de pester. Les besoins sont estimés à 85 000 m3 par jour, soit 25 000 m3 de plus que la production actuelle. Les autorités annoncent que le manque sera comblé d’ici à 2010, année au cours de laquelle un projet qui dormait dans les tiroirs depuis plus de dix ans devrait être achevé : « Aftout Essahli », une station de pompage de l’eau du fleuve Sénégal, qui, après un premier traitement sur place, sera acheminée par des conduites à une quinzaine de kilomètres de Nouakchott, où elle subira un second traitement avant d’être distribuée dans la ville. Les travaux ont démarré en novembre dernier. Dans un premier temps, 170 000 m3 d’eau devraient être produits chaque jour, l’équivalent des besoins de la capitale jusqu’en 2020. Dans un deuxième temps, la production devrait pouvoir couvrir les besoins jusqu’en 2030. Coût total du chantier : 450 millions de dollars, notamment financés par la Banque islamique de développement (BID) et le Fonds arabe de développement économique et social (Fades). D’ici là, « un programme d’urgence pour Nouakchott » est mis en oeuvre : augmentation du nombre de forages à Idini, conduits et pôles de distribution supplémentaires. Le but est de maintenir la production à 66 000 m3 par jour. Encore une fois, les bailleurs de fonds arabes sont au rendez-vous : la majeure partie du programme, dont le coût s’élève à 21 millions de dollars, est financée par le Fades.
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